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Cette étude tente de mettre en évidence les facteurs de personnalité et les variables émotionnelles influençant l’engagement dans les sports extrêmes dans une population féminine.

Les recherches existantes sur le thème des conduites à risques ont porté majoritairement sur des hommes. On ne sait donc pas si les comportements sportifs à risques s’organisent de la même manière sur le plan de la personnalité chez les femmes, et s’ils font appel à des aménagements psycho-affectifs similaires. Quelques rares études ont inclus des femmes (Celsi, 1992 ; Gomà-i-Freixanet, 2001 ; Michel et al., 1997 ; Shapiro et al., 1998) mais les auteurs présentent toujours les résultats des deux sexes ensembles, et excepté pour les deux recherches de Gomà-i-Freixanet (1995, 2001), lorsque apparaissent des différences significatives, les comportements des femmes ne font jamais l’occasion d’études approfondies ultérieures. Cette relative absence de recherche est sans doute à associer au nombre réduit de femmes pratiquant ce genre de sports ou ayants des professions à risque (Atlis et al., 2004). Selon Louveau (1986), les conduites à risques sont en effet essentiellement circonscrites à l’espace masculin. David et Brannon (1976) soutiennent que « l’essence même du terme masculinité renferme l’idéalisation d’aventures effrénées, d’exploits audacieux, et d’excès courageux en tous genres » (p. 30).

Nous avons donc voulu étudier plus spécifiquement les relations entre la recherche de sensation, la régulation émotionnelle et la prise de risques chez les femmes. De plus, nous cherchons à spécifier ces prises de risques au sein de cette même population en différenciant l’engagement professionnel de l’engagement non professionnel dans des activités physiques à risques. En effet, les femmes qui exercent des professions traditionnellement masculines se distinguent des autres en termes de structure de personnalité (Lasser & Priou, 1998).

A partir d’une perspective psychologique, nous avons analysé différents champs conceptuels et théoriques que ce domaine de recherche traverse (sociologie, biologie,

pathologie, et psychanalyse). Il faut noter que l’inclusion des conduites à risques en tant qu’objet dans la nomenclature de ces deux derniers champs (psychopathologie et psychanalyse) est relativement récente (Adès & Lejoyeux, 2004). C’est pourquoi l’étude des comportements à risques en relation avec le fonctionnement émotionnel individuel paraît importante.

D’autant plus que la théorie dominante expliquant ce type de conduite, la recherche de sensation (Zuckerman, 1979a), semble souffrir de plusieurs limites. Il apparaît, bien que la SSS, et notamment la sous échelle « recherche de danger et d’aventure », sont régulièrement reliées, et ce de façon robuste, à la participation à des sports à risques, que ce modèle n’explique pas, par exemple si des personnes vont prendre des risques dans un domaine de leur vie mais pas dans un autre (Slanger &

Rudestam, 1997), ou encore le fait que ces conduites soient pathologiques ou non pour l’individu (Adès & Lejoyeux, 2004 ; Michel et al., 1997 ; Pedinielli et al., 2005). En effet, la revue de la littérature effectuée nous a permis de mettre en évidence l’existence de recherches exposant des relations significatives entre les troubles de la régulation émotionnelle et l’engagement dans des sports extrêmes (Adès & Lejoyeux, 2004 ; Bonnet et al., 2003 ; Michel et al., 1997 ; Pedinielli et al., 2005). Ainsi des perturbations dans l’identification et l’expression des émotions, symptômes de l’alexithymie, pourraient faire le lit des comportements à risques. Les femmes alexithymiques chercheraient des stimulations inhabituelles pour résoudre leurs capacités réduites de représentation et de discrimination de leurs états subjectifs.

La pratique des sports à risques se caractérise par un engagement émotionnel de la part des participant(e)s du fait des caractéristiques exceptionnelles du milieu dans lequel ils (elles) évoluent (Cogan & Brown, 1999). En effet, cette pratique conjugue la confrontation aux limites (institutionnelles, identitaires, dépassement de soi…), la recherche d’éprouvés intenses (sensation de vertige, de vitesse, de contrôle…), et le besoin de régulation émotionnelle (reconnaissance des affects, renforcement narcissique, actions contra dépressives…), et pourrait donc refléter l’expression d’un mécanisme servant à masquer des conflits intrapsychiques.

Ainsi, par les réactions internes et externes que les conduites à risques suscitent, elles entraînent des mécanismes de régulation, variables selon les caractéristiques psycho-affectives des sujets (Selosse, 1998). Les objectifs adaptatifs de la régulation émotionnelle sont doubles. Premièrement elle permet de prévenir des niveaux de stress des émotions négatives et positives (Grolnick et al., 1996 ; Kopp, 1989 ) et des

comportements non adaptés (Cicchetti et al., 1995 ; Cicchetti et al., 1991).

Deuxièmement, elle est prédominante dans l’ouverture et la flexibilité émotionnelle (Labouvie-Vief et al., 1989).

Dans ce contexte, la recherche de stimulation (éprouvés intenses) à travers des conduites à risques deviendrait un moyen d’auto-régulation des troubles psycho-affectifs (Levenson, 1990 ; Michel et al., 1997 ; Shapiro et al., 1998 ; Spies, Hesse, Brandes, 1997 ; Taylor & Hamilton, 1997). Des études sur des sportifs prenant des risques intenses (Breivik, 1996 ; Dahlbäck, 1990 ; McMillen & Rachman, 1988 ; Ryn, 1969, 1988) semblent converger dans ce sens. Ainsi, la prise de risques chez les femmes serait dépendante d’un besoin de compenser ou de fuir les difficultés émotionnelles éprouvées dans leur quotidien. Bien que certaines activités soient théoriquement identifiées comme ayant une fonction d’évitement (toxicomanie, alcoolémie…) et d’autres une fonction de compensation (alpinisme, expédition…), la plupart des conduites à risques sont ambivalentes et servent ces deux fonctions à la fois ou par intermittence. De plus, les éprouvés émotionnels induits par l’engagement dans des sports extrêmes seraient recherchés non seulement pour autoréguler ses propres affects positifs et/ou négatifs mais aussi pour eux-mêmes. C’est-à-dire comme point de départ d’une exploration, ou d’une construction psycho émotionnelle.

Il semble donc justifié d’analyser les traits de personnalité des femmes engagées dans une activité sportive à risques afin de tenter de mieux comprendre leur organisation psychologique, sur le plan émotionnel et affectif.