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Discussion étude 3

C. Hypothèses

A.3. Discussion étude 3

L’objectif principal de notre étude 3 était d’investiguer les caractéristiques de l’évolution de l’anxiété état et de l’estime de soi à la suite d’un saut en parachute et ce en relation avec l’alexithymie.

Dans l’ensemble, les résultats confirment l’hypothèse consistant à dire que l’engagement dans une conduite à risques faciliterait la régulation émotionnelle auprès de femmes alexithymiques.

Les attentes comme quoi les femmes non alexithymiques auraient des scores significativement plus bas que les femmes alexithymiques sur la version mesurant l’état du l’échelle State-Trait Anxiety Inventory ont été validées.

A l’exception des sous échelles mesurant l’apparence et la force, l’analyse de données confirment la prédiction selon laquelle, comparées aux femmes alexithymiques, les femmes non alexithymiques auraient un score significativement plus haut sur toutes les échelles du Physical-Self Inventory, incluant l’estime globale de soi, valeur physique perçue, l’endurance, et la compétence sportive.

Cependant les femmes qui présentent un trait de personnalité alexithymique reportent différents niveaux d’anxiété et d’estime de soi dépendamment du temps d’évaluation. Ce résultat n’est pas significatif auprès des femmes non alexithymiques.

Pour elles, les sauts en parachute ne sont pas utilisés comme un moyen de réguler leurs émotions, ce qui confirme notre hypothèse.

Ainsi, la suggestion faîte par Jessor (1984) donnant les conduites à risques comme permettant de diminuer l’anxiété devrait spécifier le fait que cette relation est dépendante des facilités avec lesquelles les individus régulent leurs émotions. De plus, l’estime de soi a régulièrement été évoquée comme pouvant contribuer ou comme étant un facteur explicatif des problèmes sociaux du comportement (i.e., conduites à risques telles que les troubles du comportement alimentaire, consommation de toxique, l’agression) (Crocker & Wolfe, 2001 ; Overholser, Adams, Lehnert, & Brinkman, 1995).

Au regard de nos résultats, le sport peut apporter une dimension en plus aux études sur la prise de risques. En effet, les sports « extrêmes » sont des pratiques gratifiantes intrinsèquement et qui sont socialement adaptées, et acceptées, voires même valorisées, et où les personnes peuvent s’engager physiquement pour explorer et ressentir un feed back positif de l’expérience, et ce dans le court comme dans le long terme (confiance en soi, connaissance et compréhension de son corps ; Michel et al., 2003).

Un autre résultat intéressant de l’étude 3 est que le score obtenu sur l’échelle de recherche de sensation (Sensation Seeking Scale) n’apparaît pas comme discriminant des différents comportements de prise de risques. Les deux groupes ont un score relativement élevé sur cette échelle, mais n’ont pourtant pas la même relation aux risques, ils n’en ressentent pas les mêmes effets.

En effet, pour les femmes alexithymiques, il apparaît que l’expérience d’une prise de risques comme un saut en parachute génère un effet positif sur leurs émotions.

Celui-ci diminue significativement le niveau d’anxiété état et augmente tout aussi significativement le niveau d’estime de soi entre les moments « avant le saut » et

« après le saut ». En accord avec d’autres recherches (Levenson, 1990 ; Michel et al., 1997 ; Shapiro et al., 1998 ; Spies et al., 1997 ; Taylor & Hamilton, 1997), la recherche de stimulation au travers d’activités à risques représente un moyen de régulation émotionnelle.

Ceci pourrait suggérer, que chez les femmes qui expérimentent des difficultés avec leurs émotions (type alexithymie), la prise de risques pourrait être dirigée par un besoin de compenser des difficultés psycho-affectives dont elles font l’objet.

Le parachutisme est une activité qui « en plus de l’excitation physiologique, engendre une expérience très intense sur le plan hédonique » (Franken, Zijlstra, &

Muris, 2006, p. 297). Ainsi, s’engager dans ce type de conduite à risques pourrait aider les individus à contrôler leurs émotions, leur haut niveau d’anxiété, et leur bas niveau d’estime de soi, et ce spécialement lorsque les individus expérimentent des difficultés à identifier, labelliser, et décrire leurs sentiments, ainsi que des difficultés à distinguer leurs émotions des sensations physiques et excitations corporelles, ou encore d’une pauvreté de la vie fantasmatique, et de pensées orientées vers l’aspect concret et des événements extérieurs, ou n’importe quelles autres difficultés émotionnelles en relations avec l’alexithymie (Taylor et al., 1997).

Cependant, les bénéfices sur le plan de la régulation des affects à partir d’un engagement dans une conduite à risques doivent être étudiés de plus près.

En effet, bien que les résultats pour le Groupe 1 indiquent un niveau d’anxiété état significativement plus bas, et un niveau d’estime de soi significativement plus haut après le saut qu’avant le saut en parachute, le test « retention test » révèle que ces résultats ne restent pas stables après trois heures. Les niveaux d’anxiété et d’estime de soi retournent à la normale, c’est-à-dire aux niveaux auxquels ils ont été évalués avant le saut.

Ces résultats suggèrent que, même si la régulation des émotions produite par le saut en parachute est effectivement positive, un seul saut n’est probablement pas suffisant pour les femmes alexithymiques que nous avons suivies dans notre étude 3.

Ainsi il leur faut probablement plus d’essais afin de recréer ces mêmes conditions. Il

changements psycho-affectifs, aient à nouveau envie de se remettre dans cette même position de prise de risques.

Cependant le lien avec les addictions ne peut pas être formulé du fait que celui ci implique différents facteurs qui n’ont pas fait l’objet de mesure dans l’étude 3, et ce même si cette spéculation est fortement supportée par l’hypothèse que les individus sont motivés par le fait de ressentir des états positifs et par éviter les affects négatifs (c.f.

Larsen, 2000).

Ainsi, une recherche plus approfondie sur ce thème doit être mise en place afin d’évaluer le niveau de dépendance que les femmes alexithymiques présentent auprès des conduites à risques. En effet, poussée à l’extrême, la pratique d’un sport à risques peut refléter l’expression d’un mécanisme servant à cacher des conflits intrapsychiques (Michel et al., 1997).

Les comportements à risques sont fréquemment répétés et leurs auteurs semblent être dépendant des éprouvés positifs qu’ils ressortent de cette expérience. Nemiah, et al.

(1976) exposent qu’un processus alexithymique ancré sur le long terme pourrait générer des comportements addictifs. Considérant des facteurs psychopathologiques Jeammet et Corcos (2001) proposent que l’addiction soit une tentative de régulation psychologique pour les sujets. En effet, ces derniers présentent un mécanisme de défense affaiblit et expérimentent des difficultés à réguler et gérer leurs propres émotions. De plus, la dimension alexithymique serait facilitatrice, pour certains individus, des comportements d’addiction, centrés sur un pattern affectif dans le but de contrôler leur humeur labile.

En effet, l’alexithymie, les syndromes dépressifs, comme un haut niveau l’anxiété, et un faible niveau d’estime de soi, et la dépendance sont des dimensions inter reliées qui sont considérées comme étant un facteur potentiel de risques (Speranza, &

Atger, 2003).

Les futures recherches devraient prendre en compte ce point et mettre en place des études utilisant des méthodologies longitudinales avec des mesures répétées. Ceci autoriserait les auteurs à valider nos spéculations et à mettre l’emphase sur le lien qu’il pourrait y avoir entre l’addiction et les conduites à risques sportives.

Il serait aussi nécessaire de mesurer le nombre de blessure, si il y en a, liées avec la pratique de ces sports à risques. En effet, le nombre de blessure, ou même l’implication dans des accidents, pourrait être reliés à une volonté de souffrir physiquement dans le but d’expérimenter et de ressentir une récompense émotionnelle positive. Bien entendu, là aussi, de futures recherches seraient nécessaires afin de

clarifier la nature d’une telle relation. De plus, nos résultats montrent que pour les femmes non alexithymiques, la prise de risques sportive ne leur sert pas à réguler leur affect, sur l’état d’anxiété, ni sur l’estime de soi. D’autant plus qu’elles ne peuvent pas être discriminées à partir de la recherche de sensation ou du niveau d’anxiété, ou d’estime de soi. Ainsi, des investigations additionnelles seront nécessaires afin de comprendre pourquoi ces femmes s’engagent dans des conduits à risques.

En résumé, la pratique d’un sport extrême ou à risques apparaît comme centrale dans la régulation des affects chez les femmes alexithymiques. En particulier, ces conduites aident clairement les femmes qui expérimentent des affects négatifs à les réguler. De plus, la recherche de sensation ne peut pas être utilisée pour discriminer les femmes alexithymiques des femmes non alexithymiques concernant la signification de leur engagement dans des conduites à risques et dans ce qui découle de ça.