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C. Obstacles rencontrés pour le suivi des recommandations

7. Problématique spécifique du bilan des apports fluorés

Avec moins de 15 % des médecins appliquant les recommandations sur ce point, le bilan des apports fluorés est le principal frein à la bonne mise en œuvre des recommandations de l’AFSSAPS. Il est donc intéressant d’y accorder une attention particulière.

Les médecins interviewés pensent d’abord ne pas être suffisamment compétents pour pouvoir appliquer correctement la recommandation sur ce point (42.7 % des réponses). Ils parlent d’un manque d’information mais aussi d’un manque de formation. Cela relève, en partie, d’un manque de connaissance de la recommandation qui spécifie clairement les différentes sources d’apport à prendre en compte pour le bilan fluoré. Ce n’est cependant pas la seule explication.

82 La complexité de la réalisation du bilan fluoré est un des obstacles rencontrés par les médecins dans la mise en pratique de ces recommandations. Ainsi, 20 % des médecins de cette étude ne font pas le bilan des apports fluorés car ils pensent que sa réalisation est trop compliquée et trop longue. Le bilan fluoré repose sur la détermination des quantités de fluor apportées par chaque source d’apport. Or, les professionnels de santé ne disposent pas de toutes les informations nécessaires à la réalisation d’un bon bilan. Les difficultés qu’ils rencontrent sont liées à la méconnaissance des différentes teneurs en fluor ainsi qu’à l’évaluation des quantités exactes consommées par les enfants.

Le problème majeur réside dans la détermination de la quantité de fluor ingéré par l’eau de consommation. Dans son étude, Joseph trouve que la méconnaissance de la concentration en fluor des eaux de boisson est le principal obstacle à l’évaluation du bilan fluoré chez les enfants de 4 à 12 ans (54). Pour les eaux minérales, la teneur en fluor est fixée. Il est donc possible d’obtenir l’information sans trop de difficultés lorsqu’on connait la marque consommée. En revanche, pour les eaux de sources, la teneur peut varier entre deux bouteilles et il faut regarder sur chaque bouteille quelle est la concentration en fluor. Il est, par conséquent, difficile d’obtenir cette information lors d’une consultation. La situation se complique encore lorsqu’il est question de l’eau de distribution publique. La teneur en fluor varie de façon importante d’un lieu à l’autre, et la complexité du réseau de distribution ne facilite pas la diffusion et la mémorisation des données (26).

Peu de médecins connaissent le taux de fluor dans la commune où ils exercent. Cette étude montre qu’ils sont seulement 6 % dans l’Essonne et 12 % à Paris. Parmi ces derniers, les 2/3 savent que l’eau est consommable par les enfants sans risque et sans interaction avec une supplémentation médicamenteuse, mais ils ne connaissent pas le taux exact de fluor dans l’eau. La différence observée entre les deux départements de l’étude peut s’expliquer par la simplification de la situation parisienne vis à vis de l’eau de distribution publique. En effet, dans ce département, l’intégralité des eaux publiques présentent une teneur en fluor inférieure à 0.3 mg/L alors qu’elles peuvent varier de 0.3 mg/L à 1.5 mg/L entre deux communes, et parfois au sein d’une même commune, dans le département de l’Essonne.

Comme nous l’avons vu, les informations sur les teneurs en fluor de l’eau de distribution publique sont accessibles à tous, sur la facture d’eau ou bien auprès des administrations telles que la mairie ou la DDASS. Cependant, il est peu réaliste de penser qu’un généraliste puisse, au cours de sa consultation, appeler le service compétent à la mairie ou à la DDASS et obtenir ces informations directement, ou que les parents aient mémorisé la composition de leur eau inscrite sur la facture. Il existe une base de données informatisée qui répertorie les teneurs en différents minéraux des eaux publiques par réseau de distribution. Elle est disponible sur le site du ministère de la santé (63). Mais son utilisation est fastidieuse et incompatible avec l’exercice quotidien de la médecine libérale. En effet, il faut tout d’abord trouver le réseau de rattachement (quand c’est possible) puis pour chaque zone, l’information sur le fluor parmi des centaines de bilans qualité. Cela demande un temps considérable que les médecins généralistes n’ont pas.

83 Des difficultés surviennent également pour l’évaluation des apports en fluor provenant des dentifrices. Des dentifrices de différentes teneurs en fluor sont disponibles pour les enfants et l’âge indiqué sur le paquet ne correspond pas toujours à la même concentration en fluor. Or, si les parents sont capables de dire quel type de dentifrice leurs enfants utilisent, il est peu probable qu’ils en connaissent la teneur en fluor exacte. Pour évaluer les quantités de fluor absorbées, les médecins devraient alors connaître les teneurs en fluor des dentifrices existants. Mais devant la multitude de produits disponibles, il est illusoire de penser que cela puisse être le cas.

Pour le sel fluoré, il n’existe qu’un dosage en fluor possible. La problématique repose donc principalement sur la détermination de l’utilisation d’un sel fluoré ou non fluoré et de la quantité consommée. Le sel fluoré est connu de 52 % des parents seulement (37). On peut donc penser que, n’étant pas attentifs à cet aspect, les autres parents ne savent pas si le sel qu’ils ont acheté est fluoré ou non. D’autre part, la quantification du sel absorbé par les enfants n’est pas une donnée que l’on peut obtenir facilement et de façon fiable sur un simple interrogatoire des parents.

Le problème de la détermination des quantités absorbées est un aspect de la réalisation du bilan fluoré également présent pour les autres sources d’apport. Celle-ci repose sur les déclarations des parents. Mais les familles ne sont pas toujours à même de renseigner le prescripteur sur le volume exact d’eau bue par les enfants ou la quantité de dentifrice disposée sur la brosse à dent. L’étude de la littérature a permis de fixer certaines données (proportion de dentifrice ingérée, valeur moyenne retenue pour les apports alimentaires) (68). Mais sont- elles connues des généralistes ?

Une évaluation fiable, et dans un minimum de temps, du bilan fluoré repose sur la participation active des familles et la disponibilité d’un grand nombre de données pour le professionnel de santé. Ces conditions étant rarement remplies, la nécessité d’un outil d’aide à la réalisation du bilan fluoré devient évidente. D’ailleurs, 83 % des médecins de l’étude menée par Geneste disent avoir besoin d’un outil simple d’aide à la prescription de fluor.