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Afin de mieux appréhender le système que nous avons à reporter sur un verre de lunettes, nous venons de décrire les techniques de fabrication du dispositif optique constitué d’un substrat transparent, de microcuves remplies d’un liquide fonctionnel et d’un film de scellement. Il conviendra maintenant de brosser un cahier des charges aussi complet que possible pour définir et poser le problème du report, dont l'objectif de résolution constitue notre contribution dans le projet global d'optique ophtalmique pixellisée.

3.1. Les objectifs de l’étude

La phase initiale de ce projet correspond à une réelle rupture technologique. Les choix des matériaux et des techniques permettant de les mettre en œuvre ne sont donc pas arrêtés. Par conséquent, il nous sera parfois difficile de préciser quantitativement les exigences à satisfaire pour établir ce cahier des charges.

Figure I-16 : Le report « du plan à la sphère »

La problématique du passage d’une surface plane à une surface sphérique est assez simple à visualiser. Il suffit d’imaginer dans un premier temps de recouvrir une demi-sphère avec un film élastique, comme un ballon de baudruche par exemple : s'il n'est pas dans le même temps collé sur son support, le film reprend sa forme d’origine lorsqu’on le relâche. Les choses se passent différemment si l’on recouvre maintenant cette surface avec un film non étirable, une feuille d’aluminium par exemple : dans ce cas, des plis se forment lors du report. En revanche, si l’on reporte une feuille plastique, comme un film alimentaire, sur une cette même surface, le film épouse la forme sphérique et conserve cette géométrie.

La mise en forme d’un matériau sur une surface non-plane dépend donc d'abord de sa nature. Toutefois, une assistance thermique éventuelle, avant et pendant la phase de formage, constitue également un élément essentiel. En effet, généralement, pour déformer un matériau (verre, plastique,…) initialement présenté sous forme de plaque, on le chauffe pour le ramollir et l’on profite de sa ductilité pour le déformer. C’est ce que l’on appelle le principe du thermoformage dont il en existe plusieurs variantes [27]. Ce procédé industriel, très largement utilisé, permet de déformer une feuille thermoplastique plane contre un moule, dont elle épouse la forme, pour donner une pièce en volume. L’utilisation de cette technique est possible grâce au comportement des matières thermoplastiques qui prennent une consistance

qui peuvent alors être facilement transformées et figées. Nous avons schématiquement représenté le principe du thermoformage générique sur la Figure I-17 .

Figure I-17 : Le principe générique du thermoformage

Le cycle de ce processus générique se décompose en quatre étapes, comme suit :

 la mise en place et le chauffage d’une plaque thermoplastique,

 le formage par emboutissage et/ou aspiration du film contre la préforme,

 le refroidissement de l’objet à la température ambiante,

 le démoulage de la pièce ainsi obtenue à la forme définitive.

Des opérations de finition comme la découpe, la soudure, le collage, le scellage à chaud ou la métallisation peuvent intervenir par la suite.

3.2. Caractéristiques imposées par la nature et les géométries de la lentille ophtalmique hôte

Les caractéristiques du verre ophtalmique sur lequel le film pixellisé doit être reporté, telles que sa nature et sa géométrie, sont des données essentielles à notre approche du report.

Le projet d’optique digitale est stratégique pour ESSILOR car il préfigure le verre de lunettes du futur. Le film pixellisé est considéré comme un produit de haute technologie devant apporter une forte valeur ajoutée au verre ophtalmique. Aussi, le verre choisi comme support du film pixellisé est le verre organique haut de gamme STYLIS® à haut indice de chauffage de la plaque montée de la préforme aspiration de la plaque refroidissement et démoulage

réfraction de 1,67. Il s’agit d’un verre thermodurcissable obtenu par la polymérisation de monomères liquides dont la température de transition vitreuse est comprise entre 60 et 70 °C Pour notre problématique de report, notamment l'écriture du cahier de charges, cela implique de ne pas échauffer le verre au-dessus de cette température lors du report du film pixellisé à sa surface, car cela entraînerait sa propre déformation.

Outre la valeur de l'indice de réfraction du matériau qui compose une lentille, c'est aussi le rayon de courbure de sa surface qui fixe son degré de correction. Ici pour notre étude, nous avons retenu des verres unifocaux dont la surface consiste en une sphère de rayon approprié pour générer la correction visée. On appelle dioptre le système optique formé de deux milieux d’indices différents, n1 et n2, séparés par une surface sphérique de faible

ouverture. La puissance de la convergence ou de la divergence d’un dioptre est donnée par la relation : R n n D 2  1 (I-1)

La puissance de correction du verre de lunettes est donc inversement proportionnelle à son rayon de courbure R : plus le rayon du verre R est petit et plus le verre est puissant. La formule nous indique également que plus l’indice du matériau n2 constituant la lentille est

élevé, plus le verre a un pouvoir correcteur élevé, n1 étant l’indice de l’air. Le Tableau I-1

présente les caractéristiques de quelques verres composant la gamme dénommée "1,67" chez ESSILOR.

Tableau I-1 : Caractéristiques optiques des verres ophtalmiques "1,67"

PUISSANCE NOMINALE Épaisseur bord (mm) DIAMÈTRE (mm) RAYON de courbure face convexe (mm) DIOPTRE N = 1,530 (m-1) DIOPTRE N = 1 ,665 (m-1) +6.00 0,8 65 67,8 7,82 9,81 +4.00 0,8 65 83,2 6,37 7,99 +2.00 1,0 70 105,6 5,02 6,30 0.00 2,0 75 133,4 3,97 4,99 -2.00 3,3 75 189,7 2,79 3,51 -4.00 5,5 75 262,5 2,02 2,53 -6.00 7,9 75 326,3 1,62 2,04 -10.00 9,8 65 628,2 0,84 1,06

Nous observons que le verre le plus puissant, soit le plus courbé de la gamme, a un rayon de courbure de 67,8 mm. En revanche, le verre dont la puissance nominale est de -10.00 a un rayon de courbure de plus de 600 mm, ce qui correspond, par rapport au diamètre d’un verre, à une surface qui peut être considérée comme pratiquement plane. Les verres commercialisés par ESSILOR sont des verres finis, c'est-à-dire qu’ils possèdent des revêtements anti-rayures ainsi que les options d’antireflets et d’anti-salissures. Ils suivront une dernière étape d’usinage avant d’être montés dans les laboratoires dits de prescription. Nous considèrerons pour la suite de notre étude, que les verres ne sont dotés d’aucun de ces revêtements. En effet, ces couches ne présentent plus d’utilité si elles se retrouvent intercalées entre le verre et le film pixellisé et fonctionnalisé. Pire, les couches anti-salissures sont des couches fluorées qui empêcheraient l’adhésion du film pixellisé sur le verre.

Figure I-18 : Plan de détourage au gabarit

Pour adapter le verre à la monture spécifique choisie par le porteur, il convient d'usiner la base initiale. Cette opération que l'on nomme « le détourage » ne modifie évidemment pas le rayon de courbure du verre mais uniquement son diamètre. Sur la Figure I-17 : Le principe générique du thermoformage, la forme du verre apparaît en gris et le gabarit de détourage du verre souhaité en bleu.