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CHAPITRE 1 : QUESTION DE RECHERCHE, REVUE DE LA LITTÉRATURE ET

1.4. PROBLÉMATIQUE

Il y a un indéniable intérêt social et académique à aborder la restructuration dans le secteur manufacturier au Québec. Les lourdes conséquences de cette dernière sur les travailleurs, les acteurs du système industriel et dans les communautés aux quatre coins de la province en témoignent, comme l’a montré la revue de la littérature. Notre problématique s'intéresse donc aux questions suivantes : Quelle est l’ampleur des restructurations dans les établissements des différents sous- secteurs de la fabrication à travers les régions administratives du Québec? Quelles formes ont pris les restructurations dans le secteur manufacturier au Québec?

A) Absence de données au niveau des établissements au Québec

La revue de la littérature nous a permis de constater qu’il existe un corpus de données macroéconomiques sur les restructurations mais qu’il y a absence de données microéconomiques soit sur la nature et les motifs de la restructuration au niveau des établissements au Québec. La présente recherche vise à combler cette lacune. Elle s'inscrit dans un même courant méthodologique (le repérage médiatique) que d’autres auteurs tels Bronfenbrenner et Luce (2004), European Foundation for the Improvement of Living and Working Conditions (2006), Queseda et Gazo (2006) et Hickey et Schenk (soumis). De plus, notre typologie analytique des processus de restructuration basée sur celles développées par l’European Monitoring Center on Change (EMCC) et reprise par Hickey et Schenk

(soumis), nous permettra de recueillir des informations détaillées sur des évènements spécifiques de fermetures d’usines et de licenciements collectifs. L'analyse des données examinera principalement la nature des processus de restructuration dans divers sous-secteurs et régions du Québec. Enfin, au terme de notre recherche nous pourrons effectuer la comparaison de nos résultats avec d’autres études sur ce phénomène réalisées ailleurs dans le monde afin de relativiser la situation québécoise.

Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, dans le secteur manufacturier au Québec et en Ontario, plus de 90% des établissements ont recours à la sous- traitance (Jalette, 2004). Cependant, il n’est pas possible de savoir si ce phénomène s’est accru ou non au cours des ans. De plus, Baldwin et Gu (2008) montrent un déplacement marqué vers la délocalisation, comparativement à la sous-traitance. Toutefois, les données sur lesquelles cette étude repose sont agrégées au niveau de l’industrie donc la mesure n’est pas sans problème. Le niveau d’agrégation rend impossible de lier la délocalisation des entreprises et les pertes d’emplois car ces pertes sont compensées par des gains d’emplois dans d’autres entreprises. Seules des données au niveau des établissements, comme celles que nous utiliserons, permettront de faire ce lien. Nous voyons ainsi une contribution importante à étudier le phénomène au niveau des établissements et d’attribuer les différents types de restructurations aux pertes d’emplois afin de tester si la délocalisation affecte peu l’emploi tel que vu dans la littérature.

En définitive, cette recherche est novatrice et n’a jamais été réalisée au Québec. La principale contribution de notre recherche est donc la présentation de données quantitatives détaillées non disponibles ailleurs sur l’incidence de ce phénomène au niveau des établissements manufacturiers au Québec.

B) Difficultés à qualifier la nature de la restructuration (structurelle ou conjoncturelle)

À la lecture du corpus d’écrits concernant la restructuration (Shafer, 1994; Kang et Shivdasan, 1997; Rouleau, 2000; Yeats, 2001; Kaplinsky et Morris, 2002; Bardhan et Kroll, 2003; Bronfenbrenner et Luce, 2004; Séverin, 2004; Berger, 2006; Sturgeon, 2006; Dicken, 2007; Michalet, 2007 ; De Backer et Yamano, 2008; Hickey et Schenck, 2008), on peut voir que la restructuration est envisagée comme étant de nature: 1) structurelle (qui se traduit entre autres par des transformations durables de l’économie ou de l’organisation) et 2) conjoncturelle (conséquence des fluctuations de l’activité économique inhérente aux cycles économiques). En ce sens, des restructurations comme les consolidations, les délocalisations ou la sous-traitance, dans la mesure où elles contribuent à la fragmentation de la production à travers le monde, reflètent une transformation structurelle du secteur de la fabrication, à l’instar des fusions-acquisitions. Il est aussi clair que les restructurations internes découlent davantage de facteurs conjoncturels. Par contre, il est moins facile de déterminer si les fermetures-faillites relèvent davantage de changements de la conjoncture ou de la structure du secteur manufacturier. En examinant la nature des restructurations survenues dans les établissements au cours de cette recherche, nous serons plus à même de qualifier les changements survenus dans le secteur manufacturier québécois.

Rappelons toutefois que, d’après les données du Rapport trimestriel de l’European

Restructuring Monitor (ERM), en Europe la restructuration interne est la forme de

restructuration ayant engendré le plus de pertes d'emploi (55,6%), suivie par les faillites/fermetures (21%) et les fusions/acquisitions (14,9%) (European Foundation for the Improvement of Living and Working Conditions, 2007). Ainsi, Quesada et Gazo (2006) font état des multiples fermetures d’établissements qui sont survenus

dans les secteurs de la fabrication de produits en bois (SCIAN 321) et fabrication de meubles (SCIAN 337) aux États-Unis. Les raisons soulevées justifiant les licenciements collectifs pour les produits secondaires de bois sont la consolidation, la réorganisation et la concurrence internationale. En ce qui a trait aux produits primaires de bois, les principales raisons sont la réorganisation, une baisse de la demande et la consolidation (Quesada et Gazo, 2006). Parallèlement, Burt et Poulin (2008), sont d’avis que la crise manufacturière est le fruit des conditions cycliques du marché ou aux changements dans les goûts des consommateurs puisque les industries de la fabrication, davantage exposées aux fluctuations cycliques, ont durement été frappées par le ralentissement de l’économie américaine et la crise financière mondiale. De surcroît, plusieurs auteurs (Aubert et Sillard, 2005 ; Berger, 2006; OCDE, 2006b; Kiregaard, 2007; Michalet, 2007) confirment que la délocalisation des emplois vers les pays à bas salaires n’est pas le principal facteur du déclin de l’emploi industriel et que l’impact de la délocalisation sur l’emploi dans les pays de l’OCDE est faible. Est-il besoin de rappeler qu’aucune étude de ce genre n’a jamais été réalisée pour le Québec?

Notre recherche contribue donc de façon originale à cette discussion présente dans la littérature. Elle permet ainsi, lorsque l’information est disponible, de déterminer les raisons de la restructuration. Nous apportons aussi de la lumière sur la nature de la restructuration dans chaque sous-secteur de la fabrication au Québec. Il est important de connaître la nature des restructurations puisque selon le problème, la solution change. Ainsi, il est important de déterminer s’il s’agit par exemple d’un problème de délocalisation des activités de production ou une baisse temporaire de la demande pour les produits.

C) Description détaillée de la situation et de l’ampleur du phénomène dans le secteur manufacturier québécois pour les acteurs du système industriel

Tel que nous le présente la littérature, dans les différents sous-secteurs de la fabrication il y a eu des suppressions d’emplois (Bronfenbrenner et Luce, 2004; Pilat et al., 2006; Chambre des communes, 2007; Burt et Poulin, 2008; Bernard, 2009; Kowaluk et Larmour, 2009) et il apparaît plausible que l’ampleur et la nature de la restructuration varie selon l’intensité technologique. De plus, au niveau régional, ces glissements de l’emploi manufacturiers ont entraîné des délestages massifs de travailleurs (La Chambre des communes, 2007; Bernard, 2009). Bernard (2009), rapporte en effet, que les pertes d’emplois ont touché principalement les grandes villes, mais que les petites régions ont été tout de même significativement touchées par ces pertes. De plus, les travailleurs de la fabrication dans les grands centres urbains sont susceptibles d'afficher une plus faible stabilité de l'emploi que leurs homologues dans les plus petites villes (Bernard, 2009b). Ceci dit, quelle a été l’ampleur des pertes d’emplois dans les différents sous-secteurs de la fabrication et les régions du Québec? Pour chaque évènement de restructuration recensé, en plus du sous-secteur d’activité, nous identifierons la région administrative du Québec qui est concernée.

Dans un contexte de crise du secteur manufacturier caractérisé par des milliers de licenciements (sans compter ceux engendrés par la crise économique), les acteurs du système industriel pourraient bénéficier d’une description détaillée de la situation et de l’ampleur du phénomène dans le secteur manufacturier québécois. Par exemple, les données émanant de notre recherche sont utiles aux groupes d’études sectoriels et aux associations syndicales entre autres. Ces acteurs ont besoin d'avoir en main ces informations dans le but par exemple, de mieux discuter des solutions et des implications. De plus, elle s’avère fort utile pour orienter l’action des politiques tant nationales que régionales. Notre recherche procure donc des données sur la restructuration qui se produit au sein des

établissements manufacturiers québécois pour en faire un portrait inédit et ainsi mieux la comprendre.

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