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Problématique : la question du pronostic dans l’insuffisance cardiaque A l’image d’autres maladies chroniques avec une phase de latence plus ou moins longue entre

USA Barker

1.4. Problématique : la question du pronostic dans l’insuffisance cardiaque A l’image d’autres maladies chroniques avec une phase de latence plus ou moins longue entre

le début de la maladie et le diagnostic, la caractérisation de l’insuffisance cardiaque ne peut s’affranchir de préciser le niveau d’évolution de la maladie à laquelle on s’intéresse. En effet, il peut s’agir de la période asymptomatique, du début de la maladie, du début des symptômes, du niveau avancé de la maladie ou du décès lié à la maladie. Or le développement de l’insuffisance cardiaque repose sur la préexistence d’une autre condition, parfois considérée comme pathologique elle-même et revêtant souvent un caractère chronique, comme par exemple le diabète ou l’hypertension artérielle, elle-même parfois pauci-symptomatique voire asymptomatique. En conséquence, la définition de l’insuffisance cardiaque conduit à des problèmes de sémantique épidémiologique, notamment pour caractériser le pronostic dans cette maladie, puisque la maladie chronique débute en général bien avant qu’on ne soit en mesure de la détecter.

Classiquement en épidémiologie, on évoque le terme de facteur de risque d’une maladie lorsque l’on étudie les causes d’une maladie. La mise en évidence d’un facteur de risque consiste en effet à identifier et à mesurer la force de l’association entre l’exposition à un facteur et la survenue de la maladie, dans une étude épidémiologique adaptée. Ces deux critères faisant partie des neuf critères de causalité d’Austin Bradford Hill : force de l’association, preuve expérimentale (au sens de Hill, l’expérience n’est pas ce que l’on

restreint aux études expérimentales de nos jours, c’est à dire les essais, mais l’ensemble des études épidémiologiques observationnelles ou interventionnelles qui contribuent à mesurer des associations entre facteurs d’exposition ou intervention et pronostic), relation dose-effet, temporalité, analogie, plausibilité, spécificité, reproductibilité, et cohérence.

De la même manière, on définit le terme de facteur pronostique d’une maladie lorsque l’on met en évidence les facteurs responsables d’une modification du pronostic des individus porteurs d’une maladie. C'est-à-dire que la force de l’association entre l’exposition à ce facteur et le pronostic des personnes porteuses de la maladie, la plupart du temps jugée sur la mortalité, est mesurée dans une étude épidémiologique adéquate garantissant une preuve expérimentale, au sens où l’entendait Hill, de son caractère statistiquement significatif. Pour résumer, on utilise le terme de facteur de risque lorsque l’on cherche à définir les causes d’une maladie, et de facteur pronostique lorsque l’on s’intéresse aux causes de la détérioration de l’état de santé, une fois que la maladie a débuté. En conséquence, les états de santé définis d’un point de vue clinique comme des étiologies de l’insuffisance cardiaque devraient correspondre d’un point de vue épidémiologique à des facteurs de risque de l’insuffisance cardiaque. D’autre part, les facteurs associés à la mortalité chez les personnes souffrant d’insuffisance cardiaque devraient être considérés comme des facteurs pronostiques.

Néanmoins, comme précédemment relevé, le début de l’insuffisance cardiaque est difficile à préciser. En effet, il existe dans ce syndrome une phase de latence entre les premières manifestations biologiques ou histologiques et les premiers symptômes cliniques, qui peut retarder le diagnostic, responsable d’une grande imprécision dans la datation du début de la maladie. Par exemple, un patient hypertendu peut adapter sa structure myocardique afin de maintenir un débit cardiaque qui permette de répondre aux besoins de l’organisme malgré cette surcharge de pression, sans pour autant qu’il ne présente de symptôme d’insuffisance cardiaque. Or, les modifications histologiques du myocarde observées chez ces patients sont

comparables à celles retrouvées chez les patients insuffisants cardiaques, quelle que soit l’étiologie du syndrome (hypertension ou infarctus du myocarde notamment). Ainsi, d’un point de vue épidémiologique, la distinction entre facteur de risque et facteur pronostique dans l’insuffisance cardiaque est moins aisée que dans d’autres maladies chroniques.

De plus, comme nous l’avons relevé précédemment, certains facteurs de risque d’insuffisance cardiaque sont aussi des facteurs pronostiques, comme par exemple le diabète. Ainsi, une intervention visant à réduire le même facteur pourra avoir un impact au niveau populationnel en réduisant à la fois l’incidence de la maladie et la mortalité.

Par ailleurs, si l’on considère l’infarctus du myocarde, qui est l’une des étiologies de l’insuffisance cardiaque, et l’insuffisance cardiaque elle-même dans le modèle d’Evans (Figure 2), ces deux éléments caractériseraient plus un état de santé ou une maladie qu’un déterminant sur lequel les efforts pourraient être produits pour en diminuer les effets et améliorer ainsi l’état de santé. De surcroît, dans le modèle complet de prévention des maladies chroniques, présenté par Turnock (Figure 3), on constate qu’il n’y a pas de distinction en termes de niveau de prévention et de nature d’intervention entre des patients ayant présenté un infarctus du myocarde et des patients insuffisants cardiaques. Dans les deux cas, il s’agit de populations « malades » sur lesquelles des démarches de prévention tertiaire, reposant sur des prises en charge spécialisées en secteur hospitalier ou communautaire, sont susceptibles d’améliorer ou de maintenir l’état de santé. Ainsi, d’un point de vue santé publique, la distinction entre facteur de risque et facteur pronostique dans l’insuffisance cardiaque ne revêt pas systématiquement d’intérêt particulier en termes de prévention ou de promotion de la santé.

En conséquence, la distinction entre facteurs pronostiques chez des insuffisants cardiaques et facteurs de risque d’insuffisance cardiaque n’apparaît pas aussi aisée et pertinente que dans d’autres maladies chroniques, comme par exemple la séropositivité au virus de

l’immunodéficience humaine.

Figure 3. Modèle complet de prévention des maladies chroniques 231

Ainsi, nous avons retenu pour ce travail de thèse une définition très large du pronostic, c'est-à- dire l’état de santé permettant d’apprécier le devenir du patient, ou des facteurs pronostiques, c’est à dire les facteurs associés à ce pronostic dans l’insuffisance cardiaque, en se plaçant très tôt dans l’évolution du syndrome, donc à la limite de la notion de facteur de risque, ou très tard, donc dans la notion plus consensuelle de facteur pronostique, dans l’évolution de la maladie.

PARTIE 2 : L’INSUFFISANCE CARDIAQUE : FACTEURS DE

RISQUE, FACTEURS PRONOSTIQUES ET INTERVENTIONS

DANS L’IC – ASPECTS EXPERIMENTAUX

Après avoir examiné les productions de la littérature sur le pronostic dans l’insuffisance cardiaque, plusieurs axes de travail se sont dégagés pour répondre aux questions non résolues, qui permettraient in fine d’améliorer la prévention dans ce syndrome. Puisque l’hypertension artérielle est une des principales étiologies de l’insuffisance cardiaque, et dans une optique de prévention primaire, nous avons dans un premier temps cherché à évaluer la valeur pronostique des marqueurs de fibrose cardiaque chez des patients à risque de développer une insuffisance cardiaque dans l’évolution d’une hypertension artérielle. Dans un deuxième temps, dans une finalité de prévention secondaire, nous avons étudié le pronostic et les facteurs associés à ce pronostic chez les patients en insuffisance cardiaque. Devant le manque de données sur le pronostic à très long terme des patients en insuffisance cardiaque avancée et à fraction d’éjection du ventricule gauche réduite, nous avons décrit la survie globale à 15 ans chez ces patients, et identifié les facteurs associés à ce pronostic. Par ailleurs, face à la particularité du profil des patients en insuffisance cardiaque à fraction d’éjection du ventricule gauche préservée, et à leur pronostic plus favorable, nous avons décrit à partir d’une étude d’envergure nationale, la survie globale et les facteurs pronostiques dans cette sous- population. Enfin, dans une finalité de prévention tertiaire, nous avons évalué l’impact d’une prise en charge spécialisée des patients en insuffisance cardiaque, reposant sur des interventions complexes, à travers deux types d’interventions différentes, diffusées dans 2 territoires différents. Nous présentons les résultats de ces travaux dans cette deuxième partie.

2.1. Evaluer la valeur pronostique des marqueurs de fibrose chez les patients à