• Aucun résultat trouvé

24 % deviennent positifs

PROBLÉMATIQUE, QUESTION DE RECHERCHE ET HYPOTHÈSES

2.1 État des lieux en regard de la problématique

Notre réflexion dans le cadre théorique et conceptuel a donc posé les bases du processus de résilience avec ses différentes composantes. Nous y avons explicité les spécificités de l’adolescence dans un contexte comparé entre la Guyane et la Métropole. Les postulats principaux étant exposés, nous émettons certains constats issus des différentes rencontres de professionnels. Que ce soient Boris Cyrulnik, Jean Pierre Pourtois (psychopédagogue), ou Marie-Rose Moreau (spécialiste de la dimension transculturelle), ces chercheurs s’accordent à dire, après les avoir interrogés en 2015 que:

• Il n’y a pas une définition globale et commune de la résilience en regard de la démarche psycho-éducative, linguistique et transculturelle ;

• Il n’existe pas de cadre formel, norme ou méthodologie reconnus, d’évaluation du potentiel de résilience tel qu’il est abordé dans notre recherche ;

• Il existe une panoplie d'indicateurs tels que ceux que nous allons évoquer qui sont surtout axés sur le processus de résilience. Aussi, dans le cadre de notre recherche nous utiliserons l’échelle de Pourtois, Desmet, Humbeck214

qui prend en compte les discours ou la dimension transculturelle que nous allons aborder. Cette échelle est novatrice d’autant qu’elle est l’une des plus récentes (juin 2012).

En ce sens, les résultats de recherche présentés dans cette thèse visent à proposer une démarche d'évaluation du potentiel de résilience des enfants maltraités dans une démarche comparative entre la Guyane et la métropole, en regard des apprentissages psycho-éducatifs et des différents discours de résilience. Ce qui est visé n’est pas de

définir une nouvelle manière indépendante d’évaluer la résilience, mais bien de fournir des outils nouveaux et complémentaires d’analyse pouvant se greffer à d’autres méthodes. Même si les concepts de la démarche proposée peuvent être exécutés de manière indépendante, leurs forces résident dans leur complémentarité avec les autres méthodes d’évaluation ou d’analyse existantes.

2.2 Problématique de la recherche et question de recherche 2.2.1 Discussion de la problématique

Le travail autour du cas guyanais tentera d’évaluer les effets des évènements traumatiques certes d’un sujet de nationalité française, mais ayant organisé sa vie autour d’une histoire, d’une géographie, d’une culture et une manière de vivre différente du sujet résident en métropole. Comment alors l’histoire s’inscrit-elle dans le destin d’une vie ? Ainsi, pour rentrer dans une compréhension des répercussions des évènements traumatiques de la Guyane et sur le psychisme du sujet, il est pertinent de prendre en compte plusieurs facteurs dont deux essentiels :

 La trajectoire de vie du sujet qui reste subjective et singulière ;  La part collective et sociétale qui impacte ce dernier.

Toutefois, il est délicat de séparer ces deux axes car ils interagissent l’un sur l’autre. C’est pourquoi, comme nous le verrons avec Jean, surmonter les évènements traumatiques en Guyane dépendra aussi du contexte social dans lequel le sujet évolue. En outre, ce que nous tenterons de mettre en évidence, ce n’est pas seulement l’événement traumatique en lui-même, mais bien la manière dont l’adolescent va l’analyser, plus précisément par se mettre à distance dans sa mise en mots et les différents types de discours qu’il utilise. C’est dans cette compréhension que des décisions adéquates peuvent être posées, à la fois pour le sujet, mais aussi pour une société comme la Guyane, tant marquée par l’esclavage et qui a besoin d’être apaisée selon Marie-Andrée Ciprut (2001) d'origine martiniquaise,

psychologue-ethno-thérapeute215. Authier-Revuz (1994) explique que la résistance et l’élaboration post traumatique ne sont possibles que par un double apprentissage : un apprentissage psychosocial du langage et un apprentissage de la parole. Cet apprentissage est celui qui se fait par le passage d'une première conception du rapport de l'individu au langage, à une autre. La première conception est celle :

« d'un sujet, individu bio-psycho-social qui utilise le langage pour communiquer, dans

un rapport de maîtrise relativement à celui-ci et au sens qu'il produit -maîtrise ne voulant pas dire ici qu'il ne rencontre pas les résistances que lui opposent, notamment, la différence des autres auxquels il s'adresse et le caractère limité de son outil (. . .) ni qu'il contrôle souverainement (. . .) mais que c'est depuis une position extérieure au langage et au sens qu'il produit qu'il gère, en fonction de son intentionnalité, ladite machinerie ». (Authier-Revuz J., 1994 : 13)216.

La seconde est celle d'un « sujet dont il n'est pas question de dire qu'il n'utilise pas le langage pour communiquer mais qui bien en deçà n'est sujet que d'être parlant, sujet produit par le langage comme structurellement clivé par un inconscient (...) » (Authier-Revuz J., 1994 : 13)217.

En résumé, l’étude de la résilience est relativement récente en France. Néanmoins depuis quelques années, nous voyons croître l’intérêt qui lui est porté, favorisant le développement de différents types de recherches : universitaires, recherches-actions, etc. Il est en effet fondamental d’interroger les processus en jeu dans la résilience. Au travers de cette recherche, nous avons décidé de travailler dans un cadre de référence psycho-éducatif et linguistique en nous centrant sur les dimensions dynamiques, culturelles et interactionnelles de la résilience. La maltraitance subie par des adolescents et les traumatismes qui en découlent, démontrent l’importance de travailler avec expertise pour offrir aux professionnels qui les accompagnent des outils

215 Ciprut M.A., De l’entre-deux à l’interculturalité. Richesses et embûches de la migration, itinéraires, Notes et Travaux nº 60, 2001.

216 Authier-Revuz J., Ces mots qui ne vont pas de soi, Paris, Larousse, (version abrégée de la thèse d’état), 1994.

permettant de gérer et d’orienter ces jeunes en souffrance afin d’éviter un système de reproduction de leur histoire de vie. A cela s’ajoute la dimension transculturelle eu égard à l’approche comparée entre la Guyane et la métropole que nous avons choisie d’étudier. En effet, cette dernière dimension impacte également sur le jeune et par là même sur le processus de résilience. Ainsi, de notre constat de départ découle notre question de recherche qui interroge:

En quoi les apprentissages psycho-éducatifs et les différents types de discours participent à être facteurs du processus de résilience auprès d’enfants victimes de maltraitance et ce, dans une analyse comparée entre la Guyane et la Métropole ?

2.2.2 Hypothèses théoriques

Nous poserons ici quatre hypothèses opératoires : une relative aux capacités émotionnelles, une concernant l’étendue de l’espace imaginaire, de l’élaboration et des apprentissages psycho-éducatifs, une autre concernant la qualité de la mentalisation des différents types de discours qui sera révélée par l’approche de deux dimensions, enfin une dernière relative à la rencontre d’un tuteur de résilience.

2.2.2.1 Hypothèse 1 (H1) concernant les capacités émotionnelles:

H1 : Les capacités émotionnelles du sujet sont des facteurs complexes permettant au sujet de dépasser ou non son vécu traumatique. Un adolescent résilient a recours à une plus grande variété de ressources affectives et émotionnelles, synonymes d’adaptabilité qui permettent la protection du Moi et ainsi donc un dégagement du vécu traumatique. A contrario, l’enfant non résilient a une faillite de ces ressources. En ce sens, il a recours à des mécanismes de défense rigide interdisant toute possibilité de traitement mental des excitations.

2.2.2.2 Hypothèse 2 (H2) concernant la qualité d’élaboration et des apprentissages psycho-éducatifs

H2 : La richesse de l’espace imaginaire, combinée à de bonnes capacités d’élaboration de cet imaginaire et la capacité des apprentissages psycho-éducatifs, sont plus fréquentes chez les adolescents résilients.

2.2.2.3 Hypothèse 3 (H3) concernant la qualité de la mentalisation et les différents types de discours

H3 : l’adolescent doit avoir de bonnes capacités de symbolisation lui permettant non seulement l’analyse du vécu traumatique mais plus précisément sa mise en mots.

H3a : La mentalisation au travers des différents types de discours participe à opérer de manière favorable le processus de résilience notamment par la mise à distance de ce dernier.

H3b : La dimension transculturelle est un facteur qui participe à construire le sujet après le traumatisme. La mentalisation de son histoire, de sa culture au travers des différents types de discours et narrations participe à opérer de manière favorable le processus de résilience.

2.2.2.4. Hypothèse 4 (H4) concernant le tuteur résilience.

H4 : Les enfants résilients dont les modèles parentaux sont défaillants, rencontrent un ou plusieurs tuteur(s) de résilience qui ont été des projections identificatoires valorisantes permettant d’opérer le processus de résilience

Ces quatre hypothèses ont pour but de répondre à notre question de recherche et donc de mettre en évidence au travers de l’opérationnalité des capacités émotionnelles, de la qualité d’élaboration, des apprentissages psycho-éducatifs, de la qualité de la mentalisation, des différents types de discours, enfin des tuteurs résiliences, les aptitudes des adolescents ayant été victimes de maltraitances d’opérer le processus de résilience. Par ailleurs, le processus est évalué en regard de la dimension transculturelle liée à la Guyane et à la Métropole.

CHAPITRE 3 :

Documents relatifs