• Aucun résultat trouvé

CADRE THÉORIQUE ET CONCEPTUEL

1.5.2 Les premiers travaux et les pionniers

Ma formation psychanalytique n’abordait pas la question de la résilience, pire encore, la rejetait. Mon expérience professionnelle en psychiatrie ne laisse que peu d’échappement à de tels concepts. Aussi, lorsque j’ai découvert le mot résilience, j’y ai adhéré pleinement du fait de l’humanisme qui se dégageait du concept et, notamment, du non déterminisme du sujet. Nicolas Abraham et Maria Torok (1978) sont des psychanalystes qui se sont intéressés aux traumatismes et plus précisément à l’extrême de certains évènements de vie. Ainsi explicitaient-ils que les imagos parentaux vont jouer un rôle primordial, notamment quant à la « survivance » du sujet traumatisé. « Survivance » était le premier terme usité concernant les personnes traumatisées. La survivance décrit le travail grâce auquel le psychisme mobilise des défenses actives contre les expériences d’anéantissement et contre leur fascination. Elle questionne les processus psychiques, comme la subjectivation de la mort et sa liaison à la vie, qui permettent aux sujets de se remettre à vivre. Elle souligne également le travail de « reliance » par lequel la personne traumatisée parvient à renouer du lien avec la communauté humaine et à restaurer le sentiment d’appartenance à cette même humanité114.

1.6 La résilience : définition

1.6.1 Des origines aux différentes déclinaisons sémantiques

L’américaine Emmy Werner (1954) est considérée comme « la mère » fondatrice du concept de résilience. Elle a mené des travaux épidémiologiques que nous développerons ultérieurement en utilisant pour la première fois le mot. Il s’agissait alors de définir les aptitudes qu’avaient les enfants qui évoluaient dans des conditions difficiles, de ne présenter ni trouble de l’apprentissage, ni difficultés d’adaptation durant l’enfance comme à l’adolescence. Deux hommes sont également des précurseurs du concept : l’anglais Mickael Rutter (1998)115, qui a identifié les facteurs de protection et surtout qui a mis en évidence que la résilience ne s’acquiert pas uniquement les premières années de vie, mais qu’elle peut s’apprendre à tout âge même chez la personne âgée, et l’américain Normand Garmezy (1999), qui a étudié des populations d’enfants dont les parents étaient schizophrènes et qui a constaté le développement satisfaisant d’une bonne proportion. Tout d'abord, nous définirons ce qu'est la résilience qui a évolué depuis la notion de vulnérabilité et d’invulnérabilité, sans oublier la notion de survivance. Ce terme polysémique s’inscrit dans une genèse complexe. On trouve les premières traces du concept dans les écrits de Sénèque évoquant que « tous les hommes ne sont pas vulnérables de la même façon ; aussi faut-il connaître son point faible pour le protéger davantage »116. En effet, avant que soit usité le terme résilience, les auteurs citaient cette notion toujours d’actualité concernant l’adaptation du sujet face à la «vulnérabilité». C’est cette même idée que d’autres philosophes développeront à l’instar de Marc Aurèle (126)117. Beaucoup plus tard, il est passé en moyen français (resiler), puis il traverse la Manche en anglais devenant le verbe « désister », un mot qui apparaît dans les documents de l'État du roi Henry VIII en 1529 et se rapporte à ses ennuis avec sa première reine (1485-1536). Ici, il devient «retrait» ou « retour à un ancien poste ».

115 Professeur de psychiatrie de l’enfant à l’instiute of psychiatry, London. Auteur de « Des gènes au

comportement, Introduction à la génétique comportementale », 1998.

116 Seneque, extrait De la colère, traduction française de la collection Panckouke , ed M. Charpentier F Lemaistre, œuvre de Sénèque le philosophe, Paris, Garnier ; 1860.

Autour du XVIème siècle, le terme jouit d’une certaine notoriété quant à sa manière d’être parlé dans l’intelligentsia écossaise. C’est ainsi que, de coutume, on l’attribue, à tort, au philosophe Francis Bacon (1625). Ce dernier fut néanmoins novateur pour son temps, en établissant le transfert de terminologie entre le latin et l’anglais. Ainsi, en 1625, il a publié un recueil d'écrits sur l'histoire naturelle, la Sylva Sylvarum118 décrivant

au cours d'une rêverie la force de l'écho et sa persistance. Il nomme « la résilience » comme s’inscrivant dans une longue temporalité. Puis, le terme fut emprunté par les sciences physiques, et en particulier dans la mesure de la résistance des matériaux. « Il s'agit du rapport de l'énergie cinétique absorbée nécessaire pour provoquer la rupture de métal, à la section brisée. La résilience, s'exprimant en joules par centimètre carré, caractérise la résistance aux chocs»119. De cet axiome a donc été observée cette capacité d’un métal à absorber l'énergie cinétique sans se rompre et même à retrouver un état premier. Autrement formulé, c'est la capacité d'un métal à retrouver son état initial, suite à un choc ou une pression continue. Les sciences humaines, et plus spécifiquement la psychologie du développement, ont repris ce concept. Si en France, il fut peu développé jusque dans les années 1990, il n’en n’est pas de même au sein des pays anglo-saxons où la résilience fut plus fréquemment utilisée, s'appliquant aux qualités humaines telles que les facteurs de flexibilité, d'adaptation de l’Homme face aux évènements douloureux de la vie. En substrat aujourd’hui, nous retiendrons l’étymologie latine : resilire, resilio, définissant l'idée de «rebondir». Après avoir défini brièvement la résilience, le deuxième point va développer la notion de « processus ». En effet, loin d’un état statique, la résilience est un cheminement qui implique une dynamique supposant :

 l'identification d’un traumatisme de vie ;  la mise en place de stratégies ;

118 Bacon F., Sylva Sylvarum, 1625, p245

 des potentialités ou ressources nécessaires pour s'orienter vers un néo-développement.

C’est que résume le schéma ci-après : La résilience s’organise à la fois autour d’un lien environnemental et d’un néo-développement personnel, en regard d’un événement traumatique qui va faire irruption au plan psychique.

Schéma du processus de résilience de Nicolas Sajus (2015)120

Traumatisme

Instance du Moi : Lien environnemental Ressources du sujet

120Sajus N., la résilience comme levier de progression professionnelle pour les femmes, Paris,

L’Harmattan, juillet 2015, p.243.

Luthar, Cicchetti et Becker (2000) expliquent que « la résilience se réfère à un processus dynamique comprenant l’adaptation positive dans le cadre d’une adversité significative. »121. Le concept de résilience est donc un processus, une dynamique. Il va mobiliser la capacité du sujet à subjectiviser, ses ressources, des éléments plurifactoriels (notamment le lien environnemental) afin de permettre l’élaboration d’un néo-développement en regard d’événement(s) traumatique(s). Plusieurs auteurs estiment que la résilience se définit moins par le résultat que par le(s) processus (Luthar, Cicchetti et Becker, 2000 ; Egeland, Carlson et Sroufe, 1993). Ainsi, cette approche considère dans le processus de résilience un développement du sujet qui se poursuit toute la vie, n’étant pas restreint à l’enfance et à l’adolescence. Comme le souligne Cyrulnik (1999 : 205) : « la résilience, c’est plus que résister, c’est aussi apprendre à vivre ». Dans cette optique, « la résilience n’est jamais absolue, totale, acquise une fois pour toutes (…), est variable selon les circonstances, la nature des traumatismes, les contextes et les étapes de la vie ; elle peut s’exprimer de façons très variées selon les différentes cultures. » (Manciaux, Vanistendael, Lecomte et Cyrulnik, 2001, p. 17 ; aussi Rutter, 1993). Il doit exister ou se construire une base sécure où « les personnes ne se laissent pas abattre » 122 (Bowlby, 1988). Ce cheminement va donc participer à développer et/ou accroître une bonne narcissisation (capacité à avoir de l’estime pour soi). En outre, selon Cyrulnik (2010), il va s’agir pour l’adolescent de s'approprier son histoire de vie traumatique.

Pour cela, la personne doit faire appel « à ses ressources internes. Elle doit se bagarrer pour ne pas se laisser entrainer sur la pente naturelle des traumatismes,… jusqu’au moment où une main tendue lui offrira une ressource externe, une relation affective, une institution spéciale ou culturelle qui lui permettra de s’en sortir…»123. Chez les anglo-saxons, une des pionnières en psychologie du développement à utiliser

121 Luthar Ciccheti, Becker, The construct of resilience: a critical evaluation and guidelines for future

work, 2000, p. 543. 122

Bowlby J., Théorie de l’attachement, 1969, traduction française 1988, p.31.

cet emprunt à la physique fut : Emmy Werner (1955)124. Elle réalisa une étude longitudinale (environ 30 ans) sur une population de 700 enfants extrêmement défavorisés, d’une île hawaïenne. Parmi eux, 70 ont su « rebondir » de manière totalement adaptée dans un contexte à haut risque de développement de troubles de la personnalité, sans qu’aucune aide psychologique ne leur soit apportée (Werner, 1955). Cette étude a montré que les personnes avaient pu « cautériser » leurs blessures de vie, par le mariage, le fait d’être parent, la découverte d’une pratique religieuse, le soutien de personnes proches, une activité professionnelle.

Le terme sera repris par plusieurs auteurs à l’instar de Mickaël Rutter (1993)125, qui a décrit l’évolution favorable de jeunes, dans un contexte d’exposition au stress avec un risque sérieux de conséquences défavorables. Dans le monde francophone, il faut attendre la fin des années 1990 pour que certains scientifiques, surtout psychiatres et pédopsychiatres, commencent à s’intéresser à la question : Boris Cyrulnik (1999), Antoine Guedeney (2000), Stanislaw Tomkiewicz (2000), et Michel Manciaux (2001). Boris Cyrulnik (1999) consacre un livre sur ce processus dont le titre en est cet oxymore : « Un merveilleux malheur », où il définit largement le concept. Il y explique que c’est « la capacité d’une personne ou d’un groupe à se développer bien, à continuer à se projeter dans l’avenir - véritable métamorphose – en présence d’événements déstabilisants, de conditions de vie difficiles, de traumatismes parfois sévères»126. Autrement dit, la résilience est la capacité de mettre en place des mécanismes stratégiques ou de défense, pour rebondir, lorsqu’une personne a été confrontée à des évènements douloureux au cours de sa vie. Ce n’est pas une notion de doux bonheur où « tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes127 ». Il s’agit d’un maillage qui se tricote tout au long d’une vie et qui n’est pas simple à mettre en place. La

124 Werner E.,Children of the garden Island, étude de 1955.

125 Rutter M., Antisocial Behavior by young people, 26 mai 1993.

126 Cyrulnik B.,Un merveilleux malheur, Paris, Odile Jacob, poches, 6 octobre 1999, p.50.

127

Cyrulnik B., Un merveilleux malheur, Paris, Odile Jacob, poches, 6 octobre 1999, d’après Voltaire, « candide », p.43.

résilience, confrontée à divers éléments de vie, pourrait laisser place à des cryptes128 qui participeraient parfois à la non résolution traumatique. Ainsi, des angoisses, des cauchemars, un syndrome dépressif, peuvent parfois réapparaitre en regard de divers éléments qui surgissent dans l’histoire de vie du sujet. Le champ de la psychopathologie développementale aux Etats-Unis, (« developmental psychopathology ») tente de tenir compte des interactions multidimensionnelles au cours des différents processus de maturation.

En ce sens, des personnes pourraient être résilientes pour une typologie d’événements et « vulnérables » pour d’autres (Rutter 1993). C’est ce qu’explicite le schéma ci-après, réalisé par Nicolas Sajus (2015) afin de mieux appréhender le processus de résilience (schéma vu et validé par Boris Cyrulnik lors de notre entretien en 2014).

Schéma de l’évolution du processus de résilience - Nicolas Sajus (2014)129

Ce schéma nous explique comment s’opère le processus de résilience en regard d’un traumatisme vécu. Cependant, face à divers contextes de rencontre ou émotionnel, le processus peut s’avérer inachevé, voire même avorter, si le sujet n’arrive plus à lutter face à la réapparition de certaines angoisses par exemple, cauchemars etc.

Evènements de la vie

Processus de résilience en cours - N.Sajus (2014)

Rencontres Rencontres mariage Apprentissages Trauma Angoisses/dépressions répétition

Processus de résilience « non achevé »

temporalité

Pratiquement tous les auteurs qui ont travaillé et développé la théorisation de cette notion ont maintenu l’idée qu'il existe un consensus autour de trois types de phénomènes :

129Sajus N., La résilience comme levier de progression professionnelle pour les femmes, Paris,

L’Harmattan, juillet 2015, p.243

 Un bon développement et une bonne adaptation du sujet jeune malgré la présence de facteurs de risque ;

 Le maintien de la compétence malgré des situations stressantes chroniques ;  Une bonne récupération post-traumatique.

Au plan psychologique, la résilience devient non seulement une résistance aux épreuves de l'existence, mais de plus, le dépassement de ces dernières à l'envers, c’est à dire à mieux vivre pour s'organiser, et donc à aller aussi de l'avant. La résilience est davantage envisagée tel un processus, une capacité permettant la survenue d'une adaptation adéquate en dépit de circonstances menaçantes ou présentant un défi considérable (Luthar, Cicchetti et Becker, 2000). De plus, la résilience est, non seulement le fait d'un processus dynamique ayant permis d'affronter les événements traumatisants, mais également un enrichissement pouvant conduire éventuellement à une sorte de potentiel de protection susceptible d'être mobilisé de nouveau (Anaut, 2002)130.

1.6.2 L’émergence des différentes questions autour de la résilience

Selon Serge Tisseron (2012), différents facteurs sont engagés dans le processus de résilience : des facteurs internes d’ordre génétique, cognitif et comportemental, puis des facteurs environnementaux. Concernant les facteurs endogènes, il s’agit du fonctionnement intellectuel, l’estime de soi et l’aptitude à utiliser les mécanismes de défense (déni, clivage, humour). Dans le cadre de notre objet de recherche et de la population adolescente maltraitée, il va s’agir de défenses dites adaptatives. Pour George Vaillant (2012), certaines défenses peuvent être adaptatives et faciliter aussi

130Anaut M., Résilience, transmission et élaboration du trauma dans l'écriture des enfances

bien l'homéostasie psychique que l'adaptation du sujet à son environnement. Ces défenses adaptatives présentent cinq caractéristiques selon l’auteur131 :

1) Leur mode d'action vise, par exemple dans le cas de l'affect, non pas à le faire disparaître, à " l'anesthésier ", mais plutôt à agir sur lui et, donc, à " réduire la douleur ". Ceci explique pourquoi l'anticipation ou la répression sont des mécanismes plus adaptatifs que l'activisme et le déni psychotique.

2) Les défenses adaptatives s'inscrivent dans une perspective temporelle : elles sont plus orientées vers le long terme. L'anticipation est ainsi supérieure au passage à l'acte car elle permet, métaphoriquement parlant " de payer maintenant et de voler plus tard ".

3) Les défenses adaptatives sont aussi spécifiques que possibles. La métaphore est ici la clé qui s'ajuste parfaitement à la gorge d'une serrure, comparée au marteau pour frapper, fixé à une porte close. Elles doivent être adaptées à la menace.

4) Plutôt que de bloquer les sentiments, les défenses adaptatives les canalisent. Endigués, les sentiments peuvent être aussi dangereux qu'une panne dans le système d'évacuation de la vapeur d'une cocotte minute mise sur le feu.

5) Les défenses adaptatives rendent leur utilisateur agréable, attrayant. Les défenses non-adaptatives conduisent au rejet de leur utilisateur perçu comme irritant, répugnant, etc.

À l’engagement au processus de résilience des facteurs endogènes, s’associent les facteurs exogènes qui seront constitués par la primauté de l’attachement familial (Tisseron, 2012). Ainsi, s’y inclut l’éducation, l’existence de relation humaine et empathique avec des parents, des représentants parentaux, ou des référents structurants, soutenants ou des tuteurs de résilience. Les « tuteurs de résilience » ou « tuteurs de développement » sont des personnes qui, placées sur le chemin de l’enfant ou de l’adolescent, vont le guider et le soutenir. Pour cela, il faut que s’effectue « la

rencontre», c'est-à-dire « le fait que l’enfant résilient ait pu croiser et accrocher un jour un adulte, ou au moins un aîné, qui lui a apporté de l’aide, de l’affection et de l’estime » (Cyrulnik, 1999). Les « tuteurs de résilience » sont donc les personnes qui rendent possible la reprise d’un développement après que l’enfant ait subi un traumatisme. Cyrulnik (1999) détaille que ces tuteurs peuvent être un parent, un enseignant, un éducateur, un psychologue, etc. Toute personne qui va croire en lui, stimuler son développement, lui permettre de reprendre confiance en lui et d’avoir un projet d’avenir.

Selon l’étude de Terrisse, Larose et Lefebvre (1998), les enfants vulnérables se situent pour majorité dans un contexte de vulnérabilité avec un environnement défavorable. En matière socio-éducative, le courant de l’intervention a été en particulier représenté par le projet « Head Start » (Little et Smith, 1971; Zigler et Muenchow, 1992) aux États-Unis, et, au Canada, par le projet DEDAPAM (Bonnier-Tremblay, 1977), qui fût à l’origine de l’« Opération Renouveau » (Vandromme, 1979) au Québec ou par le projet « Partir d’un bon pas pour un avenir meilleur » en Ontario (Ministère des services sociaux et communautaires, 1989). Dans ce nouveau courant de recherche, il s’agit de tenter de préciser et de comprendre les interactions des facteurs associés à son adaptation malgré des conditions défavorables (Garmezy, 1991).

Tous les projets cités se sont inscrits dans une perspective compensatoire. Les enfants sont considérés comme étant sous-stimulés, ou inadéquatement stimulés, et il est donc nécessaire de leur apporter un surcroît de stimulation éducative extérieure destinée à compenser les carences familiales initiales. Très rapidement, les premières évaluations des grands projets d’éducation compensatoire aux États-Unis ont montré que leurs effets avaient plus de chances de se maintenir à long terme si l’intervention prenait en compte, non seulement l’enfant lui-même, mais aussi son environnement le plus immédiat, d’abord sa famille, puis son milieu de vie, social et scolaire (Cicirelli, Evans et Schiller, 1969). D’où l’apparition, dans le cadre des programmes

d’intervention précoce, des programmes d’éducation ou de formation parentale (Goodson et Hess, 1975; Terrisse et Pineault, 1989).

1.6.3 La résilience immédiate et la résilience secondaire

Différents auteurs se sont penchés sur la faculté de rebondir du sujet ou résilience (Ursano, 1996 et Mac Farlane, 1996). Ils ont distingué la résilience immédiate et la résilience ultérieure. Pour Mac Farlane (1996), la résilience immédiate se définit comme l’absence de facteurs qui détermineraient un vécu dissociatif à l’instant du trauma et l’absence d’une sémiologie clinique post-traumatique. La résilience secondaire ou ultérieure, quant à elle, se questionnerait en regard du sujet qui présente un syndrome psycho traumatique durable. Elle consisterait à faire disparaître cette symptomatologie plus ou moins rapidement. Elle serait dépendante de la capacité du sujet à rebondir ainsi que de l’ensemble des appuis et ressources externes dont il peut bénéficier afin de se dégager du traumatisme.

1.6.3.1 La résilience immédiate

Elle peut se décliner également sous différentes sémantiques : résilience primaire, ou résistance. Il s’agira donc de la capacité du sujet à résister à l’agression et de s’adapter afin que cette dernière ne génère aucune altération psychique. Ce phénomène se nomme « résilience primaire » ou « résistance ». Pour Alexander Mac Farlane et Rachel Yehuda (1997), cette résilience « at the time of the trauma », ce qui signifie « au moment du trauma » serait dépendante du type d’agression traumatique. Ainsi, les réponses du sujet ne seraient pas les mêmes, par exemple dans le cadre d’une agression sexuelle unique, et dans la répétition de l’acte où la personne va créer une adaptation psychique appelée stratégie de coping (ou stratégie d’adaptation au stress). Néanmoins, l’expérience clinique des situations accompagnées démontre que cette approche théorique n’est pas toujours vérifiée. MacFarlane (1996) pose comme critère de résilience immédiate l’absence de réaction dissociative (effroi, horreur, incompréhension, désorientation, arrêt de la pensée, détresse). Cette réaction est à

corréler avec la nature même de l’événement potentiellement traumatique, mais aussi à la vulnérabilité même de la personne : vulnérabilité structurelle installée depuis l’enfance, vulnérabilité conjoncturelle (sujet fatigué, épuisé ou privé de soutien social le jour du traumatisme), et vulnérabilité de résonance affective (un père de famille peut être plus affecté par un événement traumatique qu’une personne célibataire) (Crocq, 1999). Néanmoins, tous ces facteurs de résilience doivent être « considérés avec circonspection »132. Slater et Sargant, suite à la guerre dans les années 1950, ont pu dire que tout le monde ne vit pas l’événement traumatique de la même manière. Ainsi, tel événement peut être traumatique et traumatisant pour le sujet dans l’ici et maintenant en regard des circonstances de fatigue, d’environnement matériel, de lien social, et d’états d’âme. Freud (1939) avait déjà évoqué que les conséquences traumatiques étaient facteurs de l’état structurel du sujet et de sa dimension conjoncturelle.

Documents relatifs