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Problématique et principes méthodologiques – l'identification d'un objet d'étude : qu'est-ce qu'un « adjectif » ?

Dans le document L'adjectif en anglais et en français (Page 35-165)

Les contours d'une catégorie : les « adjectifs » ont-ils un profil collectif commun ?

Dans l'optique distributionnaliste qui est la nôtre, nous revendiquons à notre tour la célèbre maxime de J.R. Firth « You shall know a word by the company it keeps »14 pour l'adapter à un niveau supérieur en étudiant à travers des contextes multiples, non pas un mot particulier, mais une catégorie entière, celle de l'adjectif. Nous faisons, en effet, l'hypothèse que les mots n'existent pas en isolation, et que le contexte n'est pas seulement une juxtaposition d'entités autonomes mais un réseau de relations syntagmatiques qui tel un puzzle contient en puissance, par principe de complémentarité, le contour de chaque élément qui s'y intègre. Quoique chaque énoncé, en tant qu'il est unique, soit formé pour partie de relations fortuites n'autorisant aucune généralisation, nous pensons qu'en multipliant les contextes les aspects fortuits auront tendance à s'estomper en se confondant, tandis que les caractéristiques communes, si elles existent, se manifesteront probablement par une plus grande fréquence, ou, dit autrement, si certaines caractéristiques ressortent effectivement par une récurrence significativement plus élevée, elles sont de ce fait communes.

La notion de fréquence, qui constitue l'un des axes majeurs de notre travail, suppose par définition une méthode de mesure quantitative. Pour étudier la fréquence d'un phénomène, toutefois, il faut disposer de données quantifiables, ce qui implique d'abord qu'elles constituent ou sont assimilables à des unités. La description de la méthodologie de la mesure donnée dans l'Encyclopédie Universalis nous paraît rendre parfaitement compte de cette problématique :

L’expérimentation consiste en la recherche quantitative des grandeurs physiques mises en jeu par un phénomène, ce qui revient à les situer dans une échelle conventionnelle. Une distance peut être exprimée par comparaison à l’étalon mètre, une puissance par rapport au watt. Toutes les mesures ne comportent pas nécessairement une comparaison à un étalon. Un dénombrement d’objets ou de phénomènes peut constituer une mesure. Le comptage des vis dans une boîte ne nécessite pas d’étalon. (…)

Une bonne mesure implique une définition claire de la grandeur cherchée. Ainsi, un nombre indiquant la masse volumique d’un gaz n’a de sens que si la composition de ce 14 Firth, J. R. (1957). A synopsis of linguistic theory 1930–55. In Studies in linguistic analysis p. 1-32. The

Philological Society, Oxford; rééd. Palmer, F. R. (ed.) (1968). Selected Papers of J. R. Firth 1952–59. Longmans, London, cité par Evert, S. (2008). Corpora and collocations, in A. Lüdeling & M. Kytö (eds.),

dernier est connue. De plus, le renseignement doit être assorti de la valeur de la température et de la pression. De la sorte se profilent les facteurs dits d’influence, c’est-à-dire les grandeurs extérieures susceptibles d’influencer la grandeur inconnue. (…) L’expérimentateur a pour rôle de définir d’abord la grandeur cherchée et d’établir en conséquence la nomenclature des grandeurs d’influence, appelées souvent parasites.

(Encyclopædia Universalis, art. MESURE – méthodologie)

À première vue, notre étude des syntagmes nominaux avec ou sans adjectifs et de leurs paramètres contextuels semblerait s'apparenter à l'exercice de dénombrement des vis dans une boîte. Seulement, si ladite boîte contient aussi des clous, des boulons, des pitons et des tire-fonds, il importe de savoir ce que l'on doit compter comme vis ou non. En effet, selon que notre définition de l'« adjectif » comprendra, ou non, des unités lexicales comme les suivantes :

But Peggy would not be able to compete with the ruffled lace shirt and all that it set off … (MVA19)

Mes manuscrits, raturés, barbouillés, mêlés, indéchiffrables, attestent la peine qu'ils m'ont coûtée. (TA23)

les interactions avec l'environnement syntaxique, avec certains schémas de complémentation par exemple, ne seront pas nécessairement les mêmes, et nous n'obtiendrons pas les mêmes mesures, par exemple, de l'affinité avec la fonction épithète ou attribut, de la réceptivité aux marques de gradation, ou du taux d'antéposition et de postposition en français. Nous sommes donc bien confronté à une problématique d'identification de la matière que nous étudions, et des facteurs d'influence.

Mais qu'est-ce qu'un « adjectif » au juste ?

Or, la catégorie de l'adjectif est notoirement difficile à cerner, comme l'a constaté L. Picabia dans un passage souvent cité, d'abord par manque de critères positifs, et aussi à cause des nombreuses immixtions inter-catégorielles :

Faire l'étude des constructions adjectivales pose le problème fondamental de savoir ce qu'est un adjectif. S'il est assez facile de donner la définition d'un verbe que l'on peut décomposer en une racine (r(V)), un temps (T) et un affixe personne-nombre (pn), il n'en est pas de même pour les adjectifs et l'on ne peut donner que des définitions

substantif. Pourtant, constructions verbales et constructions adjectivales se recoupent,

de même que constructions nominales et constructions adjectivales.

(L. Picabia, (1978). Les constructions adjectivales en français, Genève-Paris : Droz, p. 146 [Ns. soul.])

Aux problèmes d'empiètements de côté et d'autre des frontières verbales et nominales (mieux vaudrait dire « substantivales ») aux confins de la catégorie de l'adjectif, s'ajoute celui de la non-conformité à l'intérieur même de la catégorie lorsque, pour pallier au manque de critères d'identification positifs, on essaie de circonscrire la catégorie autour d'un prototype :

Dans la description des langues, la délimitation d'une classe d'adjectifs constitue une question particulièrement délicate. (…) Une difficulté constante dans l'étude des adjectifs, sans équivalent pour les noms ou les verbes, est qu'une fois établi dans une langue donnée un prototype de comportement adjectival (en termes morphologiques et/ou distributionnels) (…) il est fréquent de constater que la proportion de lexèmes se

comportant pleinement selon ce prototype est relativement faible par rapport à celle de lexèmes qui s'en écartent plus ou moins.

(D. Creissels, 2006. Syntaxe générale, une introduction typologique, vol. 1, Paris : Lavoisier, p. 200-2 [Ns. soul.])

À telle enseigne que d'aucuns iront même jusqu'à accorder au principe de la définition négative un caractère de nécessité logique :

(…) What distinctive property do adjectives have that underlies their various morphological and syntactic characteristics ?

The strongest and most interesting answer to this question would be to say that there is

nothing special about adjectives. They are already distinguished from verbs by not

licensing a specifier, and from nouns by not having a referential index. (…) Such a theory would preserve an important aspect of the Chomskian insight that one needs only two binary features to distinguish three or four categories (+/– N and +/– V from Chomsky [1970] (…)). Any additional features would be logically superfluous and would raise questions about why there are not more categories than there are. (…) One can, however, have a category that is – N, – V, and in this chapter I argue that is what adjectives are ; one needs no new features and no new principles to account adequately

for their basic properties across languages.

(M. Baker, (2004). Lexical Categories, Cambridge : Cambridge University Press, p. 190 [Ns. soul.])

Nous avons été confronté tout au long de la phase d'étiquetage manuel de nos échantillons de textes à l'épineuse problématique antérieure de l'identification des formes relevées dans des fonctions syntaxiques typiquement adjectivales, mais dont l'appartenance catégorielle était ambiguë. Fallait-il, par exemple, comptabiliser parmi les adjectifs les formes

« ivory », « silver », « decayed », « canailles », « compliqués » et « reculés » dans les exemples ci-dessous ?

Au vrai, Madame, malgré son apparente élégance et sa très jolie figure, avait de drôles de manières, des habitudes canailles qui me désobligeaient fort (TA08)

… il en est ainsi par toute l'Irlande, jusque dans les coins les plus reculés (TA17)

Il régla aussi les heures immuables des repas ; ils étaient d'ailleurs peu compliqués et très succincts (TA03)

… past the huge ivory church; across the grey-green bridge over the silver river (MVA12)

The silent crowd raised their faces and looked across the ropes to the church which, now it was destroyed, broke the line of the street like a decayed tooth. (MVA08)

Bon nombre de linguistes ont étudié ces questions auparavant, sans parvenir aux mêmes conclusions, tandis que d'autres incluent, souvent sans autres formalités, des formes relevant de la flexion verbale, ou analysables comme substantifs juxtaposés, parmi les « adjectifs » qu'ils étudient15. Pour notre part, nous étions conscient que le choix d'inclure ou d'exclure de

15 À titre d'exemple : « De nombreux adjectifs à complétive ou infinitive sujet admettent aussi comme sujet un

substantif concret ou même humain sans changement de sens appréciable, par réduction de phrase : (…). Porter un short à l'église est déplacé = Le short à l'église est déplacé. » (J. Giry-Schneider et E. Laporte, « Classer et décrire les adjectifs du français », Cahiers de lexicologie, 98, 2 (2011) 45-64 [Ns. soul.]) « (8) Il remarqua seulement l'inaccoutumé de son comportement (…) (11) Pascal avait rencontré dans la rue son ancienne amie… Elle s'était émue de l'élimé de son veston (…) » (M. Noailly, « Du lien primordial de l'adjectif et du substantif en français » p. 159, in J. François et al., 2005. L'adjectif en français et à travers les langues, Caen : Presses universitaires de Caen) « Contrairement aux substantifs, où le type ami-amie est plutôt rare, 14% des adjectifs ont une finale vocalique (joufflu, osé, pourri), et donc une distinction de genre inaudible. » (J. Goes, 1999. L'adjectif entre nom et verbe, Paris-Bruxelles : De Boeck

(Duculot), p. 138 [Ns. soul.]) ; « Plain non-subsective adjectives (e.g., alleged) do not licence any inference

For instance, if X is an alleged murderer then it is unknown whether X is a murderer or not. » (M. Amoia & C. Gardent, 2006. Adjective based inference. In Proceedings of the Workshop KRAQ'06 on Knowledge and Reasoning for Language Processing (KRAQ '06). Association for Computational Linguistics, Stroudsburg, PA, USA, 20-27) ; « When adjectives like those in (16) are used, relative scope has no apparent effect: a beautiful big ball is a ball that is beautiful and big, as is a big beautiful ball. However, when different adjectives are used, the scopal effects become apparent. Consider the two noun phrases in (17). (17) a. chopped frozen chicken b. frozen chopped chicken (…) The higher adjective, to the left, modifies the reference of the entire constituent it combines with. Examples can readily be multiplied; some different kinds appear in (18). (…) (18) c. broken valuable pottery ≠ valuable broken pottery (…) Valuable broken pottery is necessarily valuable (perhaps to archaeologists, for example), whereas broken valuable pottery might be worthless. » (P. Svenonius, 1994. The structural location of the attributive adjective. In Proceedings of the 12th West Coast Conference on Formal Linguistics p. 439-454) ; « …on a en effet montré que d'autres types d'adjectifs (simples, tel main, ou dérivés, parmi lesquels principalement certains en - ed, - ing, - able, tels confessed criminal, standing ovation, treasonable act) relèvent de contraintes

identiques. » (M. Schuwer, « La séquence <Adjectif relationnel + nom> en anglais : un mode de composition nominale ? » p. 23, in J. François et al., 2005. L'adjectif en français et à travers les langues, Caen : Presses universitaires de Caen [Ns. soul.]) Il nous semble que le plus souvent ce sont des formes

d'origine verbale qu'on fait entrer clandestinement dans la catégorie adjectivale, mais on trouve aussi çà et là des formes susceptibles d'être analysées comme des substantifs juxtaposés. Ainsi, par exemple, on ne

telles formes de l'analyse ne pouvait se faire sans adopter ipso facto un ensemble de présupposés théoriques. Ces problèmes de définition feront l'objet d'un examen minutieux dans les pages qui suivent.

Nous allons passer en revue quelques unes de ces difficultés pour montrer pourquoi on peut légitimement se demander si les lexèmes qu'on appelle traditionnellement « adjectifs » forment réellement une catégorie cohérente. Trois hypothèses contradictoires se font concurrence :

— que les termes appelés « adjectifs » appartiennent à la même catégorie que les substantifs, — ou bien : qu'ils appartiennent à la même catégorie que les verbes,

— ou encore : qu'ils constituent non pas une, mais plusieurs catégories distinctes.

compte plus les études qui, à la suite de D. Bolinger, commentent l'interprétation potentiellement ambiguë de « criminal » en tant qu'adjectif dans « criminal lawyer », qui pourrait être considéré comme un substantif juxtaposé dans l'hypothèse (assez invraisemblable, nous paraît-il, nonobstant la quantité d'encre qu'elle a faite couler) d'une interprétation comme « lawyer who is (a) criminal » (cf. Bolinger (1967), Givón (1970), Claudé (1981), Quirk et al. (1985), Giegerich (2005), Schuwer (2005), Maniez (2009) entre autres). Chez L. Bauer, dans la même série que « classical music », « primary colour » et « private

school », nous trouvons « public school » et « secret society », dans lesquels le premier terme a un

fonctionnement substantival bien attesté et pourrait très bien commuter avec « state school » et « honor

society » respectivement (Bauer, L., (2004). Adjectives, compounds, and words. Nordic Journal of English

Studies). En français, « ouvrier » est un adjectif pour D. Van de Velde dans « manifestation ouvrière » (D. Van de Velde (2006), « Les adjectifs de groupe », Travaux de linguistique, 2006/2 no 53, p. 135-154), alors que pour M. Noailly « étudiant-ouvrier » et « ouvrier-étudiant » sont des suites N1-N2 (M. Noailly, (1990). Le substantif épithète. Paris : PUF, p. 90). E. Laporte inclut parmi les exemples d'adjectifs associés à un nom de partie du corps comme nom approprié les exemples « face vierge de ... » et « main expert à

… » (E. Laporte, 1994. « Appropriate nouns with obligatory modifiers », Publications de l'Institut Gaspard

Monge 28, 1994, Université de Marne-la-Vallée) et D. Bouchard regoupe « captif », « veuf » et « célibataire » dans la même série que « fluvial », « solaire » et « tropical » : « Consider ADJs that express

relations of an object with another (82a) (…) : trafic ferrovière (sic) rail traffic, commerce fluvial water

commerce, témoin oculaire eye witness, chaleur solaire solar heat, étoile polaire polar star, végétation tropicale tropical vegetation, fils aîné elder son, oiseau captif captive bird, un homme marié/ celibataire / veuf /divorce a married/single/widowed/divorced man » (D. Bouchard (2002). Adjectives, number and interfaces: Why languages vary. North-Holland, p. 101). Dans l'ensemble nous partageons

l'intuition linguistique des auteurs que nous avons cités, mais il nous semble que l'assimilation quelque peu arbitraire de certaines formes ambivalentes du point de vue syntaxique à la catégorie adjectivale risque de créer une confusion entre l'identification d'une catégorie grammaticale et l'étude des fonctions syntaxiques auxquelles les membres de cette catégorie sont prédisposés, sans en avoir pour autant l'exclusivité, confusion d'autant plus malheureuse que ce sont souvent les emplois paradoxaux impliquant un glissement entre deux catégories qui permettent de mieux saisir ce qui fait la particularité de chacune.

L'ambivalence adjectif/substantif : quelques définitions

Quoique nous ayons, en effet, l'espoir de trouver, au terme de ce parcours, un ou plusieurs critères d'identification et de recensement assez précis pour autoriser une étude quantitative, et que nous ne puissions donc présumer de la pertinence des définitions traditionnelles qu'on donne de l'adjectif et du substantif, il nous paraît néanmoins utile, en attendant, de rappeler provisoirement celles-ci afin d'illustrer quelques unes des ambiguïtés qui leur sont inhérentes. Nous ferons appel, pour ce faire, aux dictionnaires Le Petit Robert pour le français et Shorter Oxford English Dictionary pour l'anglais :

substantif, ive [sypstãtif, iv] n. m. et adj. • 1365; lat. gramm. substantivum, dans

verbum substantivum 1 Unité du lexique (mot ou groupe de mots) qui peut se combiner avec divers morphèmes exprimant des modalités particulières (articles; pronoms

démonstratifs, possessifs; marques du genre et du nombre, etc.) et qui correspond sémantiquement à une substance (être ou classe d'êtres, choses, notions). ⇒ nom (III, 1o). Substantif masculin, singulier. Faire un substantif d'un adjectif. ⇒ substantiver.

(Le Nouveau Petit Robert, version électronique 2.1, Dictionnaires Le Robert, 2001 [Ns. soul.])

substantive /səb stantˈ ɪv, sˈʌbst(ə)ntɪv/ adjective, noun, & verb. LME.[ORIGIN Old French & Modern French substantif, -ive or Late Latin substantivus, from substantia substance: see -ive.] ► A adjective. 1 Having a separate and independent existence; not dependent on or subsidiary to another, independent, self-sufficient. LME. (…) 2 Grammar. ▸ a Designating a substance. Chiefly in noun substantive, = substantive noun. LME. ▸ b Expressing existence. Chiefly in substantive verb, verb substantive, the verb ‘to be’. L15. ▸ c Of the nature of, equivalent to, or used as a noun or substantive; substantival. M17. (…) ► B noun. A noun; a noun equivalent. LME. (Shorter Oxford English Dictionary Sixth Edition (version 3.0.2.1), Oxford University Press 2002, 2007)

noun /na n/ noun. LME. [ORIGIN Anglo-Norman = Old French nun, num (mod. nom)ʊ

from Latin nomen name.] Grammar 1 A word used as the name or designation of a

person, place, or thing. (One of the parts of speech.) LME. abstract noun, collective

noun, common noun, concrete noun, count noun, mass noun, proper noun, verbal noun, etc. 2 With specifying word: a word of a class comprising nouns proper (noun substantive) and adjectives (noun adjective), and formerly also occas. pronouns. arch. LME. (Shorter Oxford English Dictionary, op.cit. [Ns. soul.])

Le dictionnaire Oxford nous indique qu'en anglais (dont le lexique enregistre une distinction usuelle entre « name » et « noun ») le terme « substantive », emprunté au français, est équivalent à celui, plus courant et plus autochtone, de « noun », et en donne une définition d'ordre essentiellement sémantico-logique : le nom-substantif dénomme ou désigne « une personne, une chose ou un lieu » (doté, qui plus est, d'une existence séparée et indépendante,

si l'on tient compte de son acception dite adjectivale). La définition de « substantif » en français (qui ne distingue pas autrement les sens onomastique et grammatical du « nom ») donnée par le Petit Robert nous paraît plus riche d'enseignements : on y apprend, d'un point de vue morpho-syntaxique, que le substantif peut se combiner avec des déterminants tels que les articles, démonstratifs, ou possessifs, qu'il prend des marques de genre et de nombre, et que sémantiquement il dénote une « substance », c'est-à-dire un « être ou une classe d'êtres »16.

adjectif, ive [ad ktif, iv] n.ʒɛ m. et adj. • XIVe; lat. gramm. adjectivum « qui s'ajoute », trad. gr. epithêton → épithète I N. m. Mot susceptible d'être adjoint directement (épithète) ou indirectement (attribut) au substantif avec lequel il s'accorde, pour

exprimer une qualité (qualificatif) ou un rapport (déterminatif). Adjectifs

démonstratifs, exclamatifs, indéfinis, interrogatifs, possessifs, numéraux, relatifs (⇒ déterminant). Adjectifs qualificatifs. Degrés de comparaison et d'intensité de l'adjectif qualificatif. ⇒ comparatif, superlatif. Adjectif substantivé; employé adverbialement. (Petit Robert, op.cit. [Ns. soul.])

adjective / ad kt v/ adjective, noun, & verb. LME. [ORIGIN Old French & Modernˈ ʒɪ ɪ French adjectif, -ive from Late Latin adjectivus, -iva, from adject-: see adject ppl adjective & noun, -ive. First in noun adjective rendering Late Latin nomen adjectivum (Priscian) translating Greek onoma epitheton.] ► A adjective 1 Grammar. = adjectival adjective 1. Now rare. LME. noun adjective = sense B.1. (…) ► B noun. 1 Grammar. A word designating an attribute and added to a noun, to describe the thing etc. more fully. (One of the parts of speech.) LME. (Shorter Oxford English Dictionary, op.cit. [Ns. soul.])

Cette fois-ci, le dictionnaire Oxford, tout en privilégiant à nouveau les fonctions sémantiques de l'adjectif, lesquelles consistent à « désigner un attribut » et à « décrire »17, nous renseigne aussi sur son fonctionnement syntaxique : il est « ajouté à un nom ». Le Petit Robert confirme cette fonction adnominale, en précisant qu'elle peut se réaliser de manière directe ou indirecte, et qu'elle se manifeste dans l'accord de l'adjectif par rapport au substantif. Sur le plan sémantique, le Petit Robert esquisse une distinction entre deux types d'interprétations, l'une

16 Cette définition de la « substance » en tant qu'être et classe à la fois a retenu tout particulièrement notre attention, car on retrouve dans l'« être » l'idée d'existence indépendante mentionnée dans le dictionnaire

Oxford, tandis que la notion de « classe » implique un raisonnement qui va au-delà de la perception et la

connaissance immédiate du monde, pour désigner, non pas les choses en elles-mêmes, mais une continuité abstraite entre elles, fondée sur une ressemblance et sur l'exclusion de différences. Pour passer de l'être à la classe, la ressemblance doit paraître plus saillante ou être jugée plus pertinente que les différences. La « substance » qui a donné son nom au « substantif » serait donc ce qui, au niveau de notre conception du monde, sépare l'être des autres êtres (une ou plusieurs différences saillantes et pertinentes par rapport au reste du monde), et qui assure en même temps sa continuité avec une classe (au moins une ressemblance plus saillante et/ou pertinente que les différences).

« qualificative » quand l'adjectif exprime une « qualité », l'autre « déterminative » lorsqu'il exprime un « rapport », et ajoute que l'adjectif peut recevoir des degrés de comparaison et d'intensité. Les mentions étymologiques du dictionnaire Oxford nous signalent, enfin, que, historiquement, le terme « adjective » lui-même a d'abord été employé comme adjectif au sein de l'expression « noun adjective » calquée sur les locutions latine et grecque « nomen

adjectivum » et « onoma epitheton », avant de s'en affranchir pour devenir… un substantif.

L'ambivalence adjectif/substantif : perspectives historiques et modernes

Dans la tradition occidentale les formes que l'on appelle couramment aujourd'hui « adjectifs » ont, en effet, été assimilées pendant près de deux millénaires à la catégorie des

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