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Chapitre 1 : Mise en contexte et cadre théorique

1.6 Problématique et objectifs

Dans le cadre de ce mémoire, nous voulons d’abord contribuer à l’histoire culturelle du Costa Rica en documentant une période peu connue, l’Archaïque récent. Pour justifier notre identification culturelle et chronologique, il est pertinent de vérifier si les changements entre les phases anciennes et récentes de l’Archaïque costaricain s’accordent avec ce qui se passent au Panama, autant sur le plan de la chronologie que du contenu culturel et adaptatif. Notre démarche consiste à comprendre le mode de vie des occupants des sites examinés, la nature des activités pratiquées et les comportements qui leur sont associés, et ce à travers l’étude des vestiges trouvés sur les sites. Il s’agit entre autres des collections d’artéfacts lithiques de pierre taillée et de pierre abrasée, ainsi que des structures spécifiques trouvées en contexte stratigraphique intègre, accompagnées si possible d’une datation radiométrique.

À travers l’analyse de ce matériel, nous tenterons de répondre à diverses questions de recherche qui nous préoccupent. Quelles étaient les activités pratiquées sur les sites étudiés ? Quelles étaient les adaptations spécifiques de ces groupes ? Avons-nous affaire à des chasseurs-cueilleurs comme lors des périodes du Paléoindien et de l’Archaïque ancien ou plutôt de groupes qui manipulaient déjà les plantes ? Quel était le mode de vie ou le mode de subsistance des occupants ? Comment Piedra Viva, un des seuls sites datant de l’Archaïque récent au Costa Rica, se caractérise-t-il au niveau des assemblages lithiques ? Dans quelle mesure les sites San Gerardo, Los Ortuño, Linda Vista et El Carmen s’apparentent-ils au site Piedra Viva ? Sommes- nous en présence d’une seule et même industrie lithique ? En quoi l’assemblage lithique de Piedra Viva diffère-t-il des assemblages des sites du Paléoindien et de l’Archaïque ancien au Costa Rica ? Comment les assemblages lithiques de ce site peuvent-ils se comparer à ceux de l’Archaïque récent du Panama ? Quelle dynamique peut expliquer le développement de ce genre d’industrie lithique trouvé sur Piedra Viva et associé à l’Archaïque récent ? Peut-on lier Piedra Viva à un réseau d’interaction, permettant des échanges avec les populations contemporaines du Panama ? Est-il possible de dresser un tableau du paléoenvironnement qui prévalait sur le site Piedra Viva lors de son occupation ? Est-il possible de détecter un impact anthropique de l’occupation de Piedra Viva sur l’environnement immédiat du site ?

La problématique de base consiste à situer chronologiquement et culturellement les divers assemblages étudiés. La comparaison entre les assemblages lithiques de Piedra Viva et Linda Vista permettra de comprendre s’ils font partie d’une même industrie lithique. Les assemblages lithiques seront ensuite comparés aux données disponibles au Panama provenant de sites contemporains. Cette comparaison est essentiellement basée sur des rapprochements analogiques, reposant sur la forme et la fonction proposée des outils provenant des collections lithiques associées aux occupations de l’Archaïque récent du Panama, conjointement avec leurs divers contextes de découverte. Notre enquête utilise entre autres comme point de référence comparatif, une étude des artéfacts lithiques des sites de l’Archaïque récent au Panama occidental et des expérimentations sur des reproductions d’artéfacts lithiques, effectuées pour déterminer l’utilisation à l’aide d’analyses tracéologiques (Ranere 1975 : 173-210).

Afin de tenter de répondre à ces interrogations nous entreprendrons entre autres, une analyse technomorphologique des assemblages lithiques des sites étudiés, pour ensuite les positionner

dans un contexte interrégional et continental. Par contre, dans un souci de compréhension globale, outre l’approche essentielle de l’analyse des assemblages lithiques, nous adopterons une méthode se voulant « holistique ». Cette approche vise à considérer les sites archéologiques dans leur ensemble, incluant les données disponibles via différentes sources d’information autres que les assemblages lithiques. Par conséquent, nous considérons que sur les sites étudiés ; la position géographique, le contexte paléoenvironnemental, la nature des vestiges, les traces d’activités menées sur le site, les structures et artéfacts identifiés, ainsi que leur contexte de déposition, leur disposition et leur distribution, en plus des déterminations radiométriques et paléobotaniques associées, constituent un ensemble cohérent, dont les diverses fractions nous permettent de comprendre le site de façon plus complète. Notre but est donc de représenter l’occupation humaine sur les sites étudiés d’une manière intégrale en utilisant la variété des sources d’informations disponibles sur nos sites.

Nous savons que les occupants des sites étudiés évoluaient dans un environnement riche d’une faune et d’une flore parmi les plus diversifiées à travers les Amériques. En effet, le Costa Rica avec ses 51 100 km2 de territoire représente moins de 0,03 % de la superficie terrestre, mais avec ses 500 000 espèces répertoriées, il correspond en fait à 4 % de la biodiversité planétaire (Zamora et Obando 2001 : 21,22). Par contre, la question des modes de subsistance des occupants de ces sites reste entière et difficile à comprendre en raison de l’absence totale d’ossements, de restes organiques (fibre, bois, etc.) et de restes macroscopiques de végétaux carbonisés identifiables. Pour ces raisons, nous tenterons de comprendre le ou les modes de subsistance possible des occupants du site Piedra Viva à travers une étude des vestiges paléobotaniques, que nous avons entrepris lors de notre projet de fouille sur le site Piedra Viva.

Nous avons donc effectué un échantillonnage de résidus sur des artéfacts lithiques du site Piedra Viva, à l’aide d’une technique simplifiée de récupération des micros fossiles paléobotaniques, utilisant seulement un bain sonique, de l’eau distillée, une centrifugeuse pour récupérer le résidu et une hotte chimique pour le sécher. En effet par l’entremise de cette technique d’extraction de base, nous avons récupéré sur la meule à main et sur un couteau de pierre taillée provenant du site Piedra Viva des microfossiles d’origine végétale. Les échantillons furent envoyés du Costa Rica au Canada pour être analysés par la paléobotaniste Dr. Ruth Dickau, afin d’y identifier des assemblages de phytholithes et de grains d’amidon provenant soit de l’utilisation directe des

outils et également des sédiments dans lesquels étaient déposés les artéfacts. Ce travail nous informera sur le ou les usages des outils, sur le cadre paléoenvironnemental associé au contexte de découverte archéologique de ceux-ci et sur l’utilisation générale de végétaux sur le site associé à des activités de subsistance.

Cet exercice mettra en lumière l’utilisation spécifique de certains outils et la présence de diverses espèces végétales sur le site. Le but étant de nous éclairer sur le mode de subsistance et peut-être sur la nature de l’apport végétal à la consommation des occupants. De plus, l’analyse des échantillons nous permettra possiblement d’identifier des espèces végétales consommées et utilisées sur le site ou présentes dans l’environnement immédiat des occupants. Ces autres taxons végétaux identifiés ne sont pas associés à l’utilisation de l’outil, mais plutôt présents dans les sédiments couvrant l’objet, tous deux provenant en l’occurrence d’un contexte stratigraphique intègre et daté au C14. Cet examen nous donnera donc des indications sur les conditions paléoenvironnementales qui prévalaient sur le site et possiblement des indices sur la nature de l’impact et l’influence humaine sur celles-ci.