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La détermination du temps de production et d’altération des sédiments dans les bassins alluviaux est un enjeu important afin de contraindre correctement l’évolution du climat et des surfaces terrestres face aux forçages naturels et anthropiques présents et futurs.

Nombreuses sont les méthodes - géomorphologiques, géochimiques et de modélisation - permettant d’estimer le taux de formation de régolithe, son taux d’érosion ou encore le temps de résidence des sédiments dans les plaines alluviales. Parmi ces dernières, plusieurs études montrent la pertinence de l’utilisation des déséquilibres des séries radioactives de l’uranium pour contraindre le temps d’altération des roches, et en particulier la durée du transfert des sédiments dans les bassins alluviaux. Toutefois, la comparaison de différentes approches montre une discordance importante entre le temps de réponse et/ou la durée de transfert d’un flux sédimentaire proposés dans les bassins alluviaux.

Cette discordance est bien illustrée dans le cas du bassin himalayen, qui constitue le plus grand système érosif de la planète et joue donc un rôle crucial dans le contrôle du cycle long terme du carbone. En effet, pour les plaines alluviales asiatiques, Granet et al. (2007; 2010) ont proposé, en utilisant les isotopes radioactifs de l’uranium, des temps de transfert supérieurs à 100000 ans pour les sédiments grossiers et nettement plus rapides (< 25000 ans) pour les sédiments fins. Ces résultats, confirmés par Chabaux et al. (2012), concordent avec les travaux de Métivier and Gaudemer (1999) qui, grâce à un modèle de transport diffusif, proposent un temps de résidence des sédiments de l’ordre de 105-106 ans. Au contraire, Lupker et al. (2012a) estiment par les cosmonuclides 10Be un temps de transfert des sédiments nettement plus rapide, de l’ordre de 1700 ans. Cette échelle de temps est en accord avec les travaux de Singh et al. (2008), qui suggèrent, par l’analyse des isotopes de Sr et Nd, un temps de transport très rapide des sédiments.

Face à la forte variabilité des échelles de temps proposées, le premier axe développé au cours de cette thèse vise à répondre à la question de la durée du transfert des sédiments dans la plaine alluviale himalayenne. Ainsi, afin de valider les résultats proposés auparavant par Granet et al. (2007; 2010) et Chabaux et al. (2012), les déséquilibres et les fractionnements U-Th-Ra des sédiments de la rivière himalayenne de la Gandak ont été étudiés en détail. Pour cela, il a été initialement nécessaire d’implémenter le protocole analytique existant, afin d’obtenir une dissolution complète des sédiments, y compris des phases minérales les plus réfractaires.

Les résultats obtenus sur les sédiments de la Gandak ont permis de mettre en évidence que la systématique des déséquilibres U-Th-Ra et du fractionnement U/Th semble être fortement influencée par la composition minéralogique de l’échantillon. Ce constat est cohérent avec le

Introduction

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travail de Garçon et al. (2014), qui met en avant le rôle principal de certaines phases minérales dans le détermination des signatures isotopiques Sr-Nd-Hf-Pb des sédiments himalayens. En effet, la forte hétérogénéité minéralogique qui caractérise les sédiments de type fluviatile a une influence non négligeable sur leur composition géochimique et isotopique.

Dans cette optique, plusieurs travaux ont déjà été réalisés pour déterminer la répartition des nucléides de U et Th dans les phases minérales secondaires, afin d’évaluer la durée d’altération des sédiments sur la base des signatures isotopiques des minéraux primaires (Handley et al., 2013a; 2013b; Suresh et al., 2014). Toutefois, aucun travail n’existe actuellement sur les différentes phases minérales primaires, leur état de déséquilibre et l’influence de chacune sur le sédiment total. C’est dans cette direction qu’est développé le deuxième axe de cette thèse, dont l’objectif est de mesurer des séries radioactives de l’uranium dans des phases minérales séparées. Ce travail a pour objectif de déterminer l’influence de chaque phase minérale sur le bilan isotopique U-Th-Ra du sédiment total, mais aussi d’évaluer la sensibilité de différentes populations minéralogiques au processus d’altération. Pour cela, les phases minérales ayant un poids significatif dans les budgets U et Th du sédiment, soit 10 minéraux au total, ont été isolées et analysées, à partir d’un sédiment de berge de la Gandak.

En parallèle aux travaux sur sédiments totaux, Bernal et al. (2006) ont montré qu’il était possible d’évaluer l’intensité et la durée des processus d’altération à partir de la mesure par ablation laser des radionucléides de U et Th in situ sur des phases secondaires d’oxyhydroxides de Fe. Le troisième axe de cette thèse est ainsi dédié à la mesure des séries radioactives de U dans des grains minéraux par spectrométrie de masse à ionisation secondaire. Cette approche, développée pour la première fois au cours de cette thèse, vise à compléter l’étude des déséquilibres U-Th dans les phases minérales primaires par la compréhension des mécanismes d’altération à l’échelle du grain minéral. Pour cela, il a été nécessaire de développer un protocole analytique pour la mesure de 230Th et 234U, deux isotopes à très faibles concentrations. L’objectif principal de ce travail est d’observer l’évolution des rapports U-Th-Ra à échelle inter-minérale – c’est-à-dire entre différentes espèces – et intra-minérale, c’est-à-dire au sein d’un même grain, afin d’obtenir des informations sur leur état d’altération. Pour cela, des minéraux de monazite et de zircon ont été analysés, avec des mesures en profil depuis la surface brute jusqu’au cœur des grains.

Chapitre 2