• Aucun résultat trouvé

2.1 Problématique de la thèse

2.1.1 Le besoin de modèles cognitifs pour les habitats intelligents

Si l’on souhaite dépasser un niveau élémentaire d’aide technique, l’élaboration d’un système

d’assistance cognitive nécessite de solides connaissances sur la personne et sur ses difficultés

dans la vie quotidienne. Pour proposer une aide adaptée, le système doit autant que possible

connaître le stade de la maladie de la personne, les déficits cognitifs dont elle souffre ou

encore le type d’erreurs qu’elle pourrait commettre. L’une des idées de base de cette recherche

réside dans le fait que c’est en apportant des connaissances sur les processus mentaux que la

modélisation cognitive pourra contribuer au développement des environnements intelligents.

La modélisation cognitive permet en effet non seulement de documenter les mécanismes

mobilisés pour la réalisation de tâches quotidiennes mais aussi de simuler les comportements

observés chez les patients. Ces apports de la modélisation peuvent être mis à profit dans

différentes étapes du processus d’assistance :

Tout d’abord, pour détecter une activité en cours de réalisation, le système d’assistance

cognitive doit s’appuyer sur la représentation des activités connues. La diversité des troubles

cognitifs liés à la maladie d’Alzheimer ou aux traumatismes crâniens est à l’origine de

compor-tements très différents pour la réalisation d’une même activité. Le système de reconnaissance

d’activités peut difficilement stocker une liste exhaustive des comportements possibles liés à

la nature et à la gravité d’une maladie. L’étude comportementale nécessaire à l’établissement

d’une telle liste serait pour le moins incertaine et coûteuse. Simuler les comportements d’une

personne cognitivement dépendante et fournir une base de connaissances sur les scénarios

qu’elle peut exécuter, peut au contraire mieux définir la détection automatique d’activités.

Un tel «modèle cognitif» peut aussi être utile à la détection d’un scénario de comportement

«anormal». Avant d’intervenir, le système doit en effet décider si la tâche en cours présente

un danger ou nécessite une intervention. La comparaison entre la situation en cours et les

scé-narios de comportements «anormaux» connus doit pouvoir accroître la justesse et la rapidité

de décision du système.

Ensuite, la modélisation cognitive peut intervenir au niveau de la sélection de la nature

d’aide à apporter à la personne. Grâce à ses fondements théoriques, le modèle est à même

de fournir des informations précises sur la nature des troubles cognitifs de la personne. Les

voies d’assistance proposées à la personne peuvent alors être adaptées avec un maximum de

précision à son handicap. Par sa capacité de simulation, le modèle cognitif permet de simuler

le comportement de la personne face à l’aide. Un système fondé sur un tel modèle peut alors

être apte à décider du moyen le plus adapté et le plus efficace pour assister la personne

handicapée.

Une étape incontournable vers un tel système est donc de comprendre les troubles dont

souffrent les personnes dépendantes et leurs conséquences sur la réalisation d’AVQ. Or, à ce

jour, les systèmes d’aide à la tâche ne possèdent pratiquement jamais de modèles «profonds»

du comportement humain (Zhang et al., 2004, Lo Presti et al., 2004). Prenons l’exemple des

orthèses

1

cognitives, dispositifs technologiques d’assistance dédiées à aider les personnes dans

la réalisation de certaines AVQ. Elles offrent différents types d’assistance et utilisent divers

supports technologiques, tels que les téléavertisseurs, NeuroPage (Hersh et Treadgold, 1994),

les assistants personnels (plus connus sous le nom de PDA, Personal Digital Assistant) ou

encore les téléphones cellulaires. Bien que certaines de ces orthèses cognitives soient sensibles

au contexte («context awerness») dans lequel se déroule les AVQ, aucune ne contient de

modèle cognitif (Lo Prestiet al., 2004,Girouxet al., 2006). Dans ses travaux, Levinson (1997)

1

Orthèse : « Appareil visant à corriger une fonction déficiente, à compenser une incapacité ou à accroître

le rendement physiologique d’un organe ou d’un membre », (Québec, Conseil consultatif sur les aides

tech-nologiques : http ://www.med.univ-rennes1.fr/sisrai/dico/1795.html)

2.1. Problématique de la thèse

insiste sur le besoin d’inclure des modèles cognitifs dans les dispositifs d’assistance. PEAT

(Levinson, 1997) est un agenda conçu pour les traumatisés crâniens. Il permet d’assister ces

personnes dans la planification et l’exécution de tâches quotidiennes. Levinson suggère, sans

toute fois l’avoir réaliser, d’inclure dans son dispositif un modèle informatique des processus

mentaux impliqués dans la réalisation des AVQ. Ce modèle, dit-il, permettrait de simuler la

dégradation des processus mentaux et fournirait un support adapté en fonction des processus

altérés. À ce stade de ses travaux, seuls des éléments de planification propre à l’intelligence

artificielle ont été implémentés dans PEAT.

Premier constat : les modèles cognitifs, de par leur nature, peuvent améliorer l’efficacité des

habitats intelligents. Leur utilité a été soulignée, mais pour l’instant, aucun modèle complet

n’a été développé ni intégré dans les systèmes d’assistance.

2.1.2 Les modèles cognitifs existants

Le terme «modélisation» est utilisé dans de nombreux domaines, tels que ceux de la physique,

de l’informatique ou encore de la psychologie. Chaque spécialité lui associe des méthodes

et des techniques propre, mais toutes s’accordent à le définir de façon générale comme le

moyen d’établir une connaissance formelle décrivant un objet ou un phénomène réel et naturel

(Cooper, 2002). En sciences cognitives, la modélisation offre la possibilité de développer des

représentations computationnelles des processus cognitifs. Ces modèles sont ensuite utilisés

pour simuler et prédire le comportement humain (Cooper, 2002). Par exemple, un modèle

informatique de la mémoire à court terme doit être capable de générer les comportements

dus à l’effet de récence, à savoir que les premiers et derniers éléments d’une liste sont mieux

retenus que ceux du milieu.

Plusieurs courants s’affrontent en modélisation cognitive (Cooper, 2002). Les deux principaux

sont le connexionisme (Hopfield, 1982, Abdi, 1993) et les architectures cognitives (Newell,

1990). Pour le premier, la cognition émerge de l’interaction de petites unités informatiques

travaillant de façon parallèle et distribuée. Ce courant théorique rejette la manipulation de

symboles pour expliquer le fonctionnement cognitif. Ainsi le réseau de neurones peut être vu

comme une boîte noire : il est capable de reproduire un phénomène psychologique mais il ne

peut l’expliquer (Cooper, 2002). Il est en outre très peu adapté à la modélisation de processus

complexes interagissant. Or, l’un des objectifs de la modélisation pour les habitats intelligents

est de mieux comprendre les troubles des malades et d’expliquer leurs dysfonctionnements.

Le courant connexionniste manque donc de transparence dans ses processus pour être un bon

candidat au développement de modèles utiles à l’assistance cognitive. Le deuxième courant,

réuni sous le nom d’architecture cognitive, propose des théories unifiées du fonctionnement

de l’esprit humain.

Le terme d’architecture cognitive se réfère à l’ensemble des structures, outils, techniques