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2.1 Limites de la recension

La présente étude est intéressante à plus d’un titre, notamment parce que peu d’étude existe sur le point de vue des policiers face à la plainte dans le processus de la conciliation. Or, il s’avère pertinent de produire des études sur ces sujets puisque la déontologie policière est l’instance qui gère le plus grand nombre de plaintes au Québec et la conciliation est le processus de résolution informelle le plus commun. Peu de recherches ont été consacrées au système de traitement des plaintes contre la police et aux conséquences sur les participants (Galovic, Birch, Vickers et Kennedy, 2016, p. 173). Il est pourtant important de comprendre le processus et les impacts qu’il peut y avoir sur les policiers et les plaignants puisqu’ils sont partis prenants. Les études initiales cherchaient à comprendre les opinions de la population générale sur les modèles de surveillance des policiers et l'expérience des plaignants dans le processus. Jusqu’à maintenant, la littérature s’est peu intéressée à l’expérience des policiers face à la plainte. Ils sont pourtant les acteurs centraux dans le processus et il est intéressant de voir comment ils se sentent lorsqu’ils sont visés par une plainte et si cela impact leur pratique professionnelle.

Également, peu d’études sur ces sujets ont été réalisées au Québec. En effet, plusieurs recherches présentées précédemment provenaient de divers pays, majoritairement des États-Unis, de l’Australie et de l’Angleterre. Pourtant au Québec, plusieurs modèles de surveillance, d’enquêtes et d’administration des sanctions sont présents sur le territoire. L’opinion des policiers du Québec est tout aussi importante à considérer et des comparaisons avec les résultats d’ailleurs pourraient être faites. Et enfin, la quasi-totalité des études précédentes utilisent des questionnaires, alors que celle-ci est réalisée via des entrevues. Cela pourrait apporter une vision nouvelle sur la réalité du point de vue des policiers. Selon Omar (1987) les participants auraient tendance à se défendre, même inconsciemment, en répondant au questionnaire en voulant faire ressortir une certaine image d’eux-mêmes. Également, les réponses sont généralement peu approfondies et les questionnaires manquent de personnalisation puisque ne peuvent s’adapter à tous les individus. Il peut aussi y avoir des difficultés de compréhension et d’interprétation des questions par les participants. Les auteurs Prenzler, Mihinjac et Porter ont écrit que « les

questionnaires ont tendance à polariser les réponses » (2013, p. 156). L’entrevue est une méthode qui favorise l’échange. Aussi, les réponses viennent de la source même, donc directement du candidat. Il faut savoir que le milieu policier est difficile d’approche pour toutes sortes de raisons, notamment pour la confidentialité et la culture policière (Chan, 1996). Les entrevues apportent des données et des perspectives différentes. Elles permettent entre autres de s’approcher au plus près de l’expérience des policiers et de véritablement saisir le sens que les policiers donnent à leur vécu.

2.2 Les objectifs

Les objectifs de la recherche répondent aux limites présentées puisque celle-ci va s’intéresser au point de vue de policiers ayant reçu une plainte en déontologie au Québec, une expérience qui, bien que peu étudiée, est loin d’être rare dans la carrière d’un policier. Plus précisément, la lumière est mise sur leur vécu de la conciliation, cette méthode représentant le mode de résolution favorisé par le système de déontologie au Québec. La méthodologie utilisée ici s'appuie sur des entrevues avec des policiers qui ont vécu la conciliation à la suite d’une plainte en déontologie policière. Tous ses éléments permettent de répondre aux limites des recherches, ce qui va enrichir le savoir sur le policier face à la plainte.

L’objectif principal de la présente recherche est de comprendre l’expérience des policiers qui ont vécu la conciliation à la suite d’une plainte en déontologie policière au Québec et de voir dans quelle mesure l’expérience de la conciliation a pu produire des effets sur les pratiques professionnelles du policier. Pour ce faire, je vais commencer par décrire les perceptions des policiers relativement à la conciliation (sous-objectif 1). Je vais ensuite décrire les impacts de la conciliation du point de vue des policiers (sous-objectif 2). Enfin, je vais chercher à saisir comment le sentiment de justice se construit lors de l’expérience de la conciliation (sous-objectif 3).

Les objectifs sont reliés à notre sujet et au cadre théorique de la justice organisationnelle. Comme cette recherche tente de comprendre l’expérience des policiers qui ont vécu la conciliation à la suite d’une plainte en déontologie, les trois aspects vus précédemment seront

étudiés : la justice distributive, la justice procédurale et la justice interactionnelle. Les trois dimensions apportent des explications différentes, mais nous pensons qu’elles sont complémentaires pour comprendre comment le sentiment de justice des policiers se construit lors de leur expérience en conciliation. Tous les objectifs sont importants pour comprendre l’expérience des policiers dans le processus de conciliation. Leur perception, leur sentiment de justice et les conséquences sont trois éléments qui vont permettre d’établir un portait global de l’expérience policière de la conciliation à la suite d’une plainte en déontologie policière.

2.3 Les contributions de l’étude

Cette recherche permet d’améliorer les connaissances sur l’expérience des policiers en déontologie, plus spécifiquement sur la conciliation en lien avec la théorie de la justice organisationnelle. Ces connaissances pourraient mener à des pistes de réflexion et possiblement générer certains changements permettant d’améliorer le système de traitement des plaintes. En ayant le point de vue des deux parties prenantes dans le processus, il peut être possible d’orienter la déontologie policière afin d’augmenter le taux de satisfaction des participants. Notre étude s’inscrit dans le prolongement des études au sujet de la justice organisationnelle, plus spécifiquement dans le domaine du traitement des plaintes à l’endroit des policiers. La littérature semble montrer que le sentiment de justice et d’équité entourant le processus de traitement des plaintes a un impact sur la satisfaction des plaignants et des policiers, ce qui rend cette voie d’analyse intéressante. Dans ce contexte, il est nécessaire de se questionner sur la méthodologie utilisée, ce qui est exposé dans le prochain chapitre.