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Chapitre 4 : Présentation et analyse des résultats

4.1 Les perceptions de la légitimité de la plainte

4.1.5 Les plaintes malveillantes

Les plaintes malveillantes se réfère à une plainte portée contre un policier dans le but de nuire ou de ralentir leurs enquêteurs et elles sont plus fréquentes dans le milieu du crime organisé (Finn, 2001, p. 113). Dans le cas de Jean, il a eu plusieurs plaintes en déontologie policière, il explique en avoir eu environ quatorze. De ce nombre, cinq ont été retenues, parmi lesquelles une plainte s'est rendue jusqu’en audience devant le comité de déontologie policière. Jean travaille dans un département de lutte contre le crime organisé. Il explique que les délinquants ont rapidement compris que de porter plainte en déontologie policière nuisait au travail des policiers.

Ben, en réalité, ils ont essayé de nous nuire pour empêcher qu’on prenne des actions, qu’on vienne les contrôler dans le centre-ville, qu’on vienne les voir dans les clubs, ce qui n’a pas fonctionné. Fait que le premier deux ans dans le fond, dès qu’y avait une intervention qui ne faisait pas leur affaire, il y avait une plainte qui suivait. Et ils se sont vite rendu compte que ça ne nous empêchait pas de continuer à faire notre travail de façon adéquate. Fait qu’ils ont comme juste lâché leur plainte à un certain moment donné. Ils se sont rendu compte ça ne servait à rien dans le fond, qui perdaient leur temps. Parce qu’il y a eu plein de plaintes en réalité qui font juste faire la plainte pour faire la plainte, ils ne font même pas le suivi après là. (Verbatim 14)

Denis a vécu trois conciliations. L’événement le plus récent a été assez unique et se catégorise dans les plaintes malveillantes. Denis explique qu’il a arrêté un individu pour harcèlement à l’endroit d’une intervenante communautaire. Un an et demi à la suite à cet événement, Denis se

sent suivi en voiture lors de son retour du bureau. Il remarque que c’est le même individu qui deviendra le plaignant. Il l’arrête lorsqu’il est près d’un véhicule de police pour avoir de l’aide. Le plaignant a été reconnu coupable d’intimidation à une personne associée au système de justice à la cour criminelle. Denis verbalise les événements :

Puis, c’est une voie, on ne peut pas dépasser cette place-là. Mais lui quand même, il a dépassé les trois véhicules pour venir derrière moi. Ça fait que là, ça ne faisait pas de doute dans mon esprit qu’il me suivait. Et je ne savais pas pourquoi, pour les raisons. Mais je me doutais que c’était à cause de que je l’avais arrêté, il m’avait reconnu, et qu’il me suivait pour m’intimider. Fait que c’est sûr que je n’allais pas chez nous. (Verbatim 13)

Le processus de déontologie policière dans le cas de Jean a filtré une grande partie des plaintes à son endroit. Pour l’année 2018-2019, la déontologie policière a refusé 58.2% des plaintes déposées (Commissaire à la déontologie policière, 2019, p. 39). Conséquemment, le processus semble protéger les policiers contre ce genre de pratique en filtrant les plaintes malveillantes. Pour Denis, la plainte a été retenue. Nous n’avons pas les raisons entourant l’acceptation de la plainte et nous avons uniquement le point de vue de Denis sur la situation, mais à première vue, il est normal de se questionner sur l’admissibilité de cette plainte en conciliation. Denis a décrit la séance de conciliation comme étant très courte puisque le plaignant l’a envoyé promener au début de la séance. Le conciliateur a donc parlé au plaignant seul à seul. Au retour de Denis, la feuille expliquant que la plainte était retirée a été signée par le plaignant et ce dernier avait déjà quitté. Aussi, nous pouvons nous questionner sur les raisons qui ont fait que le Commissaire en déontologie a accepté la plainte sachant possiblement que le plaignant avait eu un dossier à la cour criminelle et qu’il avait d’autant plus des interdits de contact avec Denis. Nous n’avons pas les détails de la chronologie. Il est possible que la conciliation ait eu lieu avant la sentence à la cour criminelle. Bref, certaines plaintes peuvent être questionnables, comme c’est le cas pour Denis. Toutefois, nous avons uniquement sa version des faits et il est alors difficile de juger pleinement à savoir si elle a été acceptée. Ce qui est en revanche observé, c’est que parfois les policiers trouvent qu’ils manquent d’explications quant au motif d’acceptation de la plainte. Les recherches suggèrent que lorsque les policiers et les citoyens sont informés d’actions et des raisons qui en découlent durant le processus, et ce, par souci de transparence, il y aura

augmentation du sentiment de justice (Mc Devitt et al., 2005; May et al., 2007, cités dans Schulenberg, Chenier, Buffone et Wojciechowski, 2017, p. 782). Malheureusement, je ne sais pas ce qui est officiellement envoyé aux policiers par la déontologie policière, dont je ne peux pas affirmer s’il est vrai que le policier manque d’information et d’explication entourant les motifs d’acceptation de la plainte. En revanche, il est vrai que les policiers de l’étude semblent penser que c’est le cas. Il s’avère donc opportun de bien informer les policiers des motifs d’acceptation de la plainte en conciliation, et ce, pour favoriser leur adhésion au processus et ultimement, leur sentiment d’équité.