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Fonction Description d’appartenance

µCz Elicitée à partir des résultats des Calculs imprécis ICp(z) µPz Elicitée à partir des approximations des résultats exacts

données par les Participants IPp(z)

µPx et Elicitées à partir des approximations des opérandes µPy données par les Participants IPp(x) et IPp(y)

µAz Calculée par application de l’Arithmétique floue à µPx et µPy

µMz Estimée par le Modèle flou d’interprétation des ENA (voir section 5.3)

TABLEAU 8.2 – Notations et descriptions des fonctions d’appartenance des quatre types de sous-ensembles flous considérés.

imprécises sont notés respectivement µPx et µPy.

IPp(z) est l’intervalle correspondant à l’approximation du résultat exact z, c’est-à-dire l’intervalle correspondant à “environ z”, donnés par le Participant p. µPz est le sous-ensemble flou représentant cette approximation.

L’intervalle ICp(z) correspond au résultat fourni par le participant p au Calcul imprécis, “environ x” “environ y”. µCzest le sous-ensemble flou représentant les résultats au calcul. IAp(z) est l’intervalle calculé en appliquant l’Arithmétique des intervalles (Moore, 1966) aux intervalles IPp(x) et IPp(y) correspondant aux opérandes imprécises. De même, µAz est le sous-ensemble flou obtenu par application de l’Arithmétique floue aux opérandes µPx et µPy.

Enfin, l’examen de la propagation des imprécisions dans la perspective sémantique du vague tient également compte des intervalles flous produits par le Modèle flou d’interpré-tation des ENA f RKM (voir section 5.3 p. 80). Ces intervalles flous sont notés ici µMz.

8.2 Problématique et hypothèses

A notre connaissance, il n’existe pas, à ce jour, d’étude publiée portant sur la propaga-tion des imprécisions dans le calcul imprécis réalisé par l’être humain. Cette problématique soulève pourtant la question des rôles joués par les systèmes approximatif et exact des nombres (voir section 2.2 p. 17) dans le calcul imprécis. En effet, d’un côté, le calcul arith-métique implique le système exact et, de l’autre, l’estimation des imprécisions implique le système approximatif (Dehaene, 2003).

130 Chapitre 8. Combinaison des ENA : calcul arithmétique

Selon nous, deux hypothèses antagonistes peuvent être considérées pour rendre compte des traitements cognitifs opérés lors d’un calcul imprécis. Dans la première, le système exact des nombres prend en charge à la fois le calcul exact, c’est-à-dire x y, par exemple 20 · 30 pour “environ 20 ” · “environ 30 ”, et la propagation des imprécisions. Dans ce cas, le système approximatif des nombres ne joue aucun rôle spécifique et la propagation des imprécisions dans le calcul est conforme à ce qui serait attendu selon les formalismes mathématiques.

Dans la seconde hypothèse, le système exact des nombres prend en charge le calcul exact, par exemple 20 · 30 pour “environ 20 ” · “environ 30 ”. L’estimation de l’imprécision résultant du calcul est quant à elle, comme pour l’interprétation des ENA, le produit d’un compromis entre les deux systèmes cognitifs. Autrement dit, l’imprécision finale est équi-valente à celle estimée pour l’approximation du résultat exact, par exemple “environ 600 ” pour “environ 20 ” · “environ 30 ”. Dans ce cas, l’imprécision résultant du calcul devrait être indépendante des opérandes et de l’opération arithmétique considérées et ne devrait pas correspondre à ce qui est attendu selon les formalismes mathématiques.

Nous avons mis en évidence dans les études empiriques de l’interprétation des ENA (voir chapitres 4 et 7) que les deux sous-systèmes responsables de la cognition des nombres sont tous les deux impliqués dans le traitement des ENA. Nous prenons par conséquent le parti de considérer a priori la seconde hypothèse, à savoir que lors d’une combinaison arithmétique d’opérandes imprécises, les individus réalisent dans un premier temps le calcul exact avant d’en produire une approximation. Par exemple, dans le cas de “environ 150 ” + “environ 8000 ”, ils calculent d’abord 150+8000 = 8150, sans tenir compte des imprécisions de “environ 150 ” et “environ 8000 ”. Ensuite, ils estiment l’imprécision autour de 8150, comme ils le feraient pour “environ 8150 ”.

Pour tester cette hypothèse principale, quatre propositions peuvent être formulées. La version formelle des hypothèses est donnée pour les intervalles. Elle s’applique identique-ment aux sous-ensembles flous.

H1 - Résultat du calcul semblable à l’approximation du résultat exact : si l’imprécision assignée au résultat dépend uniquement du résultat exact, nous devrions observer que ce résultat est égal à l’approximation du résultat exact.

Formellement, cette hypothèse s’écrit : ICp(z) = IPp(z).

H2 - Calcul non conforme aux formalismes mathématiques : si l’imprécision des opérandes n’est pas prise en compte, nous devrions observer que le résultat du calcul imprécis ne correspond pas à celui obtenu par application de l’arithmétique des intervalles ou de l’arithmétique floue.

8.2. Problématique et hypothèses 131

Formellement, cette hypothèse s’écrit : ICp(z) 6= IAp(z).

H3 - Insensibilité au calcul : si les participants ne tiennent pas compte de l’imprécision assignée aux opérandes, mais réalisent le calcul exact avant de produire une approximation du résultat, nous devrions observer la même imprécision finale dans les cas où deux opé-rations différentes donnent le même résultat exact, qu’elles varient selon les opérandes ou l’opérateur (addition ou multiplication). Plus spécifiquement, nous distinguons deux cas :

H3.1 - Insensibilité à la granularité : comme nous l’avons montré dans les deux études empiriques de l’interprétation des ENA, l’imprécision assignée à une ENA dépend, entre autres, de sa granularité (voir section 4.4 p. 50 et section 7.3 p. 111). Plus précisément, plus la granularité est importante, plus l’imprécision est grande.

Par conséquent, si les participants tiennent compte de l’imprécision des opérandes, les calculs dont les opérandes présentent une granularité plus importante (par ex., “en-viron 400 ” + “en“en-viron 600 ”, où Gran(400) = Gran(600) = 100) devraient aboutir à une imprécision plus grande par rapport aux calculs dont les opérandes sont caractérisées par une granularité plus faible (par ex., “environ 440 ” + “environ 560 ”, où Gran(440) = Gran(560) = 10).

Au contraire, si l’imprécision assignée aux opérandes n’est pas prise en compte, ces différents calculs devraient aboutir à la même imprécision.

Formellement, cette hypothèse s’écrit : ICp(x1+y1) = ICp(x2+y2), avec x1+y1= x2+y2, Gran(x1) 6= Gran(x2) et Gran(y1) 6= Gran(y2)6.

H3.2 - Insensibilité à l’opération arithmétique : comme pour l’hypothèse H3.1, si les participants tiennent compte de l’imprécision assignée aux opérandes, celle assignée au résultat devrait être différente lorsqu’on considère deux calculs dont à la fois les opérandes et l’opérateur diffèrent mais dont le résultat exact est le même (par ex., “environ 20 ” · “environ 50 ” vs. “environ 400 ” + “environ 600 ”).

Au contraire, si les imprécisions ne sont pas prises en compte, l’imprécision assignée au résultat devrait être la même, quelle que soit l’opération considérée.

Formellement, cette hypothèse s’écrit : ICp(x1· y1) = ICp(x2+ y2), avec x1· y1 = x2+ y2.

6. Pour cette hypothèse, nous ne considérons que le cas des additions. En effet, il existe davantage de combinaisons possibles de granularité pour aboutir au même résultat dans le cas des additions que dans celui des multiplications. Par conséquent, tester cette hypothèse à partir de multiplications conduirait à considérer une plus grande quantité d’items dans le questionnaire que nous avons conçu pour collecter les données (voir section 8.3 p. 132).

132 Chapitre 8. Combinaison des ENA : calcul arithmétique

H4 - Sensibilité aux paradoxes sorites : Les paradoxes sorites expriment une insen-sibilité à des petits changements conduisant à l’imposinsen-sibilité d’un grand changement (voir section 2.1.1 p. 8). Ces paradoxes, caractéristiques des expressions vagues, peuvent être appliqués aux calculs imprécis. En effet, l’imprécision assignée à une ENA dont la granu-larité est importante (par ex., “environ 6000 ”) ne devrait être que peu affectée lorsqu’on lui ajoute une ENA dont l’ordre de grandeur de la granularité est beaucoup plus faible (par ex., “environ 10 ”) car l’imprécision de cette dernière se trouve noyée dans celle de la première. Ainsi, l’imprécision assignée à “environ 6000 ” + “environ 10 ” devrait être très proche de celle assignée à “environ 6000 ”.

Au contraire, si les imprécisions ne sont pas prises en compte dans le calcul imprécis, l’imprécision assignée à “environ 6000 ” + “environ 10 ” devrait être proche de celle assignée à “environ 6010 ” et, par conséquent, nettement inférieure à celle assignée à “environ 6000 ”. Formellement, cette hypothèse s’écrit : |ICp(z)| << |IPp(x)|, où x est l’opérande dont la granularité est élevée et z est le résultat exact du calcul.

8.3 Méthodes

Nous décrivons dans cette section la méthodologie que nous avons mise en œuvre pour collecter et nettoyer les données relatives à l’étude du calcul imprécis chez l’être humain de manière à tester les quatre hypothèses considérées.

8.3.1 Population

146 participants se sont portés volontaires pour participer à cette étude : 102 femmes et 44 hommes, dont l’âge est compris entre 20 et 74 ans (M = 38, 6; σ = 14, 2). Ils ont été recrutés par une annonce diffusée sur une liste de diffusion et tous ont pour langue maternelle le français.

8.3.2 Matériel

Un questionnaire en ligne a été conçu pour collecter de manière explicite les données. Il se compose de trois parties. La première permet de collecter les résultats de 23 calculs imprécis, listés dans le tableau 8.3, 5 multiplications et 18 additions. Ils ont été sélectionnés pour minimiser le niveau nécessaire en calcul mental et pour éviter tout effet de taille du problème (Zbrodoff & Logan, 2005). Pour être réalisées, les additions ne nécessitent pas de retenue et leurs opérandes ne possèdent pas plus de deux chiffres significatifs. Les opérandes des multiplications ne possèdent quant à elles qu’un seul chiffre significatif.

8.3. Méthodes 133

Calcul Résultat exact environ 20 · environ 30 600 environ 20 · environ 400 8000 environ 20 · environ 50 1000 environ 30 · environ 50 1500 environ 40 · environ 50 2000 environ 20 + environ 30 50 environ 20 + environ 80 100 environ 30 + environ 4700 4730 environ 40 + environ 110 150 environ 40 + environ 400 440 environ 50 + environ 100 150 environ 100 + environ 500 600 environ 150 + environ 8000 8150 environ 200 + environ 400 600 environ 200 + environ 800 1000 environ 400 + environ 600 1000 environ 400 + environ 1100 1500 environ 440 + environ 560 1000 environ 500 + environ 1000 1500 environ 500 + environ 1500 2000 environ 2000 + environ 6000 8000 environ 10 + environ 6000 6010 environ 20 + environ 8000 8020

TABLEAU 8.3 – Calculs proposés dans le questionnaire.

: ces deux items sont dédiés à l’hypothèse H4 portant sur la sensibilité aux paradoxes sorites. Ce sont ceux pour lesquels l’approximation du résultat exact n’est pas demandée.

considérées. En effet, plusieurs calculs aboutissent au même résultat exact bien que leur opération soit différente (par ex., “environ 20 ” · “environ 50 ” et “environ 400 ” + “en-viron 600 ”) ou que leurs opérandes diffèrent en granularité (par ex., “en“en-viron 440 ” + “environ 560 ” et “environ 400 ” + “environ 600 ”).

La consigne est : “selon vous, entre quelles valeurs MINIMALE et MAXIMALE se trouve le résultat de environ x environ y ? ”, où “environ x” et “environ y” sont les opérandes, avec x, y ∈ N, et l’opération arithmétique considérée. Cette partie du ques-tionnaire permet de collecter les intervalles ICp(z).

134 Chapitre 8. Combinaison des ENA : calcul arithmétique

La seconde partie du questionnaire est conçue pour collecter les intervalles correspon-dant aux approximations des 24 opérandes imprécises et résultats exacts de 21 des 23 calculs. Elle permet de collecter les intervalles IPp(x), IPp(y) et IPp(z). Par exemple, “envi-ron 200 ”, “envi“envi-ron 400 ” et “envi“envi-ron 600 ” pour le calcul “envi“envi-ron 200 ” + “envi“envi-ron 400 ”. Les approximations des résultats exacts des deux calculs utilisés pour tester l’hypothèse H4 concernant les paradoxes sorites, “environ 6010 ” et “environ 8020 ”, ne sont pas demandées aux participants pour être certain que ceux-ci ne sont pas biaisés par celles-ci lorsqu’ils réalisent les calculs. En effet, il se peut qu’en donnant d’abord l’approximation du résul-tat exact, par exemple “environ 6010 ”, les participants soient induits à donner les mêmes intervalles comme résultats aux calculs, par exemple “environ 10 ” + “environ 6000 ”.

La consigne de cette partie est “selon vous, entre quelles valeurs MINIMALE et MAXI-MALE se trouve environ x ? ”, où x est la valeur de référence de l’opérande ou du résultat exact considéré.

Tous les items du questionnaire, qu’ils portent sur les résultats des calculs ou sur les approximations des opérandes et résultats exacts, ne sont pas sémantiquement contextua-lisés.

Enfin, la troisième partie du questionnaire comporte deux questions dont le but est de contrôler, comme lors de l’étude de l’interprétation des ENA (voir section 4.3.2 p. 44), la variabilité interindividuelle quant :

— à l’usage des mathématiques, de manière à contrôler si un usage quotidien des mathématiques au travail ou dans les études affecte la combinaison des ENA. — au niveau subjectif en calcul mental : comme information complémentaire à la

précédente question, le participant estime, sur une échelle de type Likert graduée de 1 à 5, son niveau en calcul mental.

8.3.3 Procédure

Pour chacune des trois parties du questionnaire, l’ordre des questions est aléatoirement tiré pour chaque participant. De même, l’ordre dans lequel un participant remplit la partie calculs et la partie approximations est aléatoirement tiré. La troisième partie, comprenant les questions sur l’usage des mathématiques et le niveau subjectif en calcul mental, est toujours la dernière à être remplie.

Dans les deux premières parties, calculs et approximations, les participants doivent, comme dans la première étude de l’interprétation des ENA (voir section 4.3.3 p. 46), donner les valeurs des bornes inférieure et supérieure d’un intervalle comme une seule réponse, en entrant ces valeurs dans l’espace dédié.