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B. Détermination des formes de fer et d'aluminium

I. Problématique générale et objectifs

La Terre est caractérisée par la diversité de ses paysages qui sont le fruit de longs processus d’interactions entre les climats, la tectonique, la vie et plus récemment l’Humanité (Hooke et Martín-Duque, 2012). A la base de cette diversité il y a le sol, une interface vitale pour les écosystèmes et l’Humanité située entre la lithosphère, l’atmosphère, la biosphère et l’hydrosphère (Brantley, 2008; McNeill et Winiwarter, 2004; Whitney, 1927). La compréhension de son fonctionnement et de sa dynamique est donc critique dans de nombreux domaines et disciplines comme la géologie, la pédologie, l’écologie, la biologie, les bio-industries, la climatologie, ou encore l’agronomie (Lal, 2007). Au-delà du modelé des paysages (Heimsath et al., 1997), la qualité des sols influence directement la qualité et l’approvisionnement en eau (Ghassemi et al., 1995), la santé humaine (Abrahams, 2002; Senesil et al., 1999), le maintien d’un approvisionnement durable en aliments (Cassman, 1999), la production d’énergie et de divers matériaux : sylviculture et agroforesterie (Huston, 1993) (Sanchez et al., 1997; Schoenholtz et al., 2000; Worrel et Hampson, 1997). Les sols sont à l’origine de 99,7 % de l’alimentation sur Terre (FAO, 2001) et cette dernière devra bientôt accueillir et nourrir 9 milliards d’habitants encore plus efficacement et équitablement au milieu du siècle à venir. Le sol sera encore dans le futur la première interface privilégiée pour la production d’aliments (Brown, 1981; Godfray et al., 2010) et, en cela, l’augmentation des taux d’érosion ou de dégradation générale des sols peut s’avérer critique pour la durabilité des sociétés humaines (Nunes et al., 2011; Pimentel et al., 1995; Tilman et al., 2002).

La réaction des roches silicatées avec le CO2 atmosphérique à l’origine de la formation des sols agit comme une pompe à carbone (Davidson et Janssens, 2006; Martin et al., 2010; Meir et

al., 2006; Pagani et al., 2009; Schlesinger et Lichter, 2001). A l’inverse, les changements

d’affectation (occupation) des sols sont reconnus comme pouvant être un facteur important d’émission de CO2, et ceci notamment pour les zones de forêts boréales ou marécageuses où les sols sont riches en carbone (Fargione et al., 2008; Fearnside et Imbrozio Barbosa, 1998; Jandl et al., 2007; Tomlinson et Milne, 2006; Woodwell et al., 1983) (Figure-I-1). Dans la problématique d’un changement climatique, un consensus n’a pas été établi sur l’impact des sols : ils pourraient, soit avoir un rôle de rétroaction positive (par une augmentation des vitesses de dégradation du carbone stocké, les sols seraient une source de carbone pour l’atmosphère), soit avoir un rôle de rétroaction négative (en stockant plus de carbone issu

3 d’une activité végétale plus importante) (Davidson et Janssens, 2006; Lal, 2007; Monson et al., 2006; Raich et Potter, 1995).

Figure I-1 : Stock de CO2 dans les sols mondiaux (Davidson & Janssens, 2006).

Les sols sont également des réservoirs jouant un rôle important dans les transferts et les cycles des éléments chimiques à l’échelle globale. Outre leur rôle dans le cycle du carbone évoqué ci-dessus, les sols sont des pôles importants dans les cycles de l’azote (Canfield et al., 2010; Myrold, 2003) du phosphore (Cross et Schlesinger, 1995; Smil, 2000), du soufre (Friend, 1973), de la silice, des nutriments (calcium, magnésium, potassium par ex.) et des oligo-éléments (cuivre, bore, fer, zinc) (Duchaufour, 1997; Stevenson et Cole, 1999). L’altération chimique des minéraux aboutit à une exportation de différents éléments chimiques du tableau périodique vers les eaux de surface (rivières, fleuves, lacs et océans) et les eaux souterraines (Garrels Robert et Mackenzie Fred, 1967) (Figure I-2).

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Figure I-2 : Schéma simplifié du sol comme interface des principaux réservoirs terrestres (Jabiol et al., 2011).

Les sols sont donc une interface majeure, aussi bien à l’échelle locale que planétaire, qu’il convient de mieux appréhender pour en conserver tous les atouts éco-systémiques. La variable du temps dans l’évolution de ces derniers est une question scientifique majeure afin d’en prévoir les éventuels effets sur les Humains et leur Société (Bellamy et al., 2005; Brantley, 2008; Wilkinson et McElroy, 2007).

II. Les processus d’altération, vers la formation des sols

En 1832, l’altération et son rôle dans les paysages sont évoqués par Henry Thomas de la Beche : « La dégradation des terres est une tendance constante de toute substance

décomposée ou dégradée d’être enlevée par la pluie ou l’eau superficielle pour être transportée à un niveau inférieur que celui occupé initialement et pour être transportée finalement vers la mer. Il n’y a pas de rocher, aussi solide soit-il, qui ne présente de marque de ce que l’on détermine comme l’altération ou de l’action de l’atmosphère » (de la Beche, 1832).

L’altération chimique des minéraux fut reprise par Jacques-Joseph Ebelmen « On conçoit donc

facilement que sous l’influence prolongée d’un liquide chargé d’acide carbonique comme le sont toutes les eaux qui filtrent dans l’intérieur du sol jusqu’à de grandes profondeurs les silicates puissent se décomposer et se dissoudre » (Ebelmen, 1845). Plus tard seront évoqués

l’altération des roches comme source de production de sol (Merrill, 1897) ainsi que l’impact des plantes sur l’altération (Clarke, 1908).

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A. Les fractions minérales des sols

La formation et l'évolution des sols, c'est-à-dire la pédogenèse, dépendent de facteurs multiples en dehors du type de roche mère, tels que les saisons, le climat, le gel, l’hydrométrie, le couvert, les acides organiques produits par la végétation etc… Le résultat des interactions entre le sol et son environnement aboutit à la formation de différents horizons pédologiques qui forment alors un profil pouvant atteindre un état d'équilibre avec son environnement (Bockheim et Gennadiyev, 2000). Les minéraux constitutifs de la roche mère sont plus ou moins résistants à l'altération, donc plus ou moins réactifs (Schütz, 1990) et au final, la fraction minérale au sein du sol est principalement constituée (Figure I-3) :

 de minéraux primaires, hérités de la roche mère et ayant résisté à l’altération (comme le quartz par exemple) ;

 de minéraux transformés comme ceux ayant subi des pertes mineures en cation (comme la vermiculite par exemple) ;

 des minéraux secondaires néoformés comme la smectite, la kaolinite, les oxydes de fer, d’aluminium, de manganèse etc… (Soils USBS et al., 1923; Brimhall et Dietrich, 1987; Duchafour, 1997; Johnson et Watson-Stegner, 1987; Yoo et al., 2009).

Le sol est principalement formé de ces fractions minérales ainsi que de phases organiques, d’eau, de gaz et de microorganismes (Soils USBS et al., 1923; Duchafour, 1997). Ces différentes phases et minéraux évoluent en parallèle, avec pour chacun des âges de formation ou de transformation différents (Targulian et Krasilnikov, 2007).

Figure I-3 : Schéma simplifié de l'altération d’une roche mère avec des minéraux primaires (système initial) en sol (système hérité).

Altération Lessivage / migrations Minéraux primaires Transformation Néoformation Héritage

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B. Facteurs d’altération

1) Minéralogie

Les minéraux silicatés présentent chacun une résistance spécifique à l’altération en fonction de la séquence de cristallisation de Bowen (Figure 1-4). Concrètement, les minéraux qui cristallisent dans des conditions de température et de pression plus élevées s’altèrent plus rapidement que ceux formés à température et pression plus faibles (Jackson et Sherman, 1953). De nombreuses études d’altération de minéraux ont été menées, aussi bien en conditions naturelles (Taylor et Blum, 1995; White et al., 1996) qu’en conditions contrôlées en laboratoire pour les plagioclases (Burch et al., 1993; Chen et Brantley, 1997; Taylor et al., 2000), les feldspaths potassiques (Stillings et Brantley, 1995), la biotite (Malmström et al., 1996; Turpault et Trotignon, 1994; White, 2002), afin de déterminer les vitesses et les mécanismes d’altération des minéraux silicatés. Cependant, les vitesses d’altération déterminées en laboratoire ou sur le terrain peuvent aboutir à des ordres de grandeurs différents (revue dans White et al. (2003) par exemple).

Figure I-4 : Stabilité vis-à-vis de l’altération des minéraux silicatés définie par Goldich (1938) modifiée d’après Voinot (2012).

7 2) Processus physiques

Les processus physiques directement liés aux conditions climatiques comme l’hydrométrie, le vent ou le gel, ainsi que l’action des racines et des organismes vivants (champignons, lombrics) influencent plus ou moins directement l’altération des minéraux du sol ou directement celle de la roche mère. Ces processus divisent les minéraux en de multiples grains, c’est la micro division (Aoudjit et al., 1996; Moulton et al., 2000; Pagani et al., 2009). Ces interactions ne solubilisent pas directement les minéraux, mais augmentent la surface de contact entre ces derniers et les flux altérants. Ainsi, les minéraux plus petits présenteront des vitesses d’altération plus importantes (Berner et Schott, 1982).

3) Processus chimiques et biologiques

La hausse de température augmente les vitesses de dissolution des minéraux (Velbel Michael, 1987) ou augmente les vitesses de précipitation de phases minérales secondaires (Yuste et al., 2003). L’altération des minéraux est aussi fortement dépendante des caractéristiques chimiques des fluides interstitiels. D’une part, l’équilibre de ces fluides avec le CO2 gazeux atmosphérique ou au sein des sols confère à ces derniers un caractère acide. Ainsi, le pH est un facteur majeur de dissolution des minéraux, que ce soit par une forte acidité ou une forte alcalinité (Brady et Walther, 1989; Lasaga et al., 1994; White et Brantley, 1995). D’autre part, la force ionique de l’eau interstitielle influence l’équilibre chimique entre le solide et la solution ; ainsi une solution saturée en éléments déplacera l’équilibre en diminuant l’effet altérant de cette dernière (White et Brantley, 1995).

Les plantes qui se développent à partir des sols mobilisent des éléments nutritifs en altérant les minéraux du sol (Barber, 1995). Les racines des plantes et les microorganismes associés, excrètent des ions H+, des acides organiques, des ligands et du CO2 qui abaissent le pH et favorisent l’altération des minéraux (Drever, 1994; Drever et Stillings, 1997; Kelly et al., 1998). Les pouvoirs des agents chelatants, qu’ils soient inorganiques comme l’oxalate (Stillings et al., 1996; Welch et Ullman, 1996) ou organiques comme les acides fulviques et humiques, vont complexer des éléments immobiles tels l’aluminium et le fer et ainsi déplacer les équilibres chimiques, amenant à une dissolution plus rapide de certains minéraux (Berner, 1997; Berner et Cochran, 1998; Boyle et Voigt, 1973; Calvaruso et al., 2010; Calvaruso et al., 2006; Drever et Stillings, 1997; Ford Cochran et Berner, 1996; Leythaeuser, 1973; Leyval et Berthelin, 1991;

8 Oliva et al., 1999; Puente et al., 2004). Les litières et les produits issus de leur dégradation peuvent jouer un rôle majeur dans les horizons supérieurs des sols en les acidifiant et en produisant des ligands organiques (Melillo et al., 1989; Six et al., 2002). La décomposition progressive de la litière produit une grande diversité de ces molécules organiques : tanins, polysaccharides, composés aromatiques, acides humiques et fulviques (Lützow et al., 2006). Ces composés vont favoriser l’altération des minéraux par acidification et complexation (détaillé ci-dessus) ; de plus, la dégradation de ces composés organiques entraîne à terme la production de CO2, lui-même promoteur d’altération (Raich et Schlesinger, 1992).

4) Changement d’essence

L’influence d’un changement d’essence sur les caractéristiques physiques, chimiques et biologiques du sol et de la rhizosphère (le sol le plus en contact avec les racines) a été mis en évidence dans de nombreuses études en laboratoire et in situ (Augusto et al., 2000; Bakker et

al., 2004; Binkley et Giardina, 1998; Boyle et Voigt, 1973; Ferrier et al., 2010; Hinsinger et al.,

1992; Mareschal et al., 2010; Nihlgård, 1971; Nys, 1987; Oulehle et Hruška, 2005; Quideau et

al., 1996; Ranger et al., 1995; Raulund-Rasmussen et Vejre, 1995; Zinke, 1962).

Les essences excrètent généralement par leur système racinaire plus de cations, comme les H+, afin d’établir un équilibre ionique interne. Ainsi, les essences à pousse rapide comme les résineux acidifient plus les sols (Matzner et Ulrich, 1983). L’impact d’un changement d’essence passe donc essentiellement par l’acidification des solutions de sols causée par les essences résineuses (Augusto et al., 2000; Bonneau et al., 1979; Dupraz et al., 1986; Ovington, 1955; Raulund-Rasmussen et Vejre, 1995; Skeffington, 1983) et par une production plus importante d’acides organiques lors de la minéralisation de la litière (Johnson et al., 1994; Lawrence et

al., 1995; Ovington, 1955; Priha et Smolander, 1997; Raulund-Rasmussen et Vejre, 1995). Ces

changements vont jouer un rôle majeur dans les sols par une diminution de la disponibilité du potassium et une augmentation de fer sous épicéas comparativement aux hêtres par exemple (Collignon et al., 2011; Nihlgård, 1971). Dans des conditions de laboratoire, Raulund-Rasmussen et Vejre (1995) ont montré que les solutions de sol prélevées sous épicéa altèrent plus rapidement un feldspath que des solutions prélevées sous chêne et hêtre. Ces observations ont été confirmées sur des minéraux tests (feldspaths, chlorites, plagioclases) enfouis dans des sols et soumis à des solutions altérantes en laboratoire (Augusto et al., 2001;

9 Augusto et al., 2000; Bakker et al., 2004; Nys, 1987; Ranger et al., 1990; Sadio, 1982; Sohet et

al., 1988). En général, les effets dus aux différences d’essences sont plus marqués dans les

vingt premiers centimètres du sol (Binkley et Valentine, 1991; Hagen-Thorn et al., 2004; Mareschal, 2008; Tice et al., 1996).

III. Quantification des vitesses de formation des sols

A. Etat stationnaire des sols

Un sol est un système ouvert situé entre la saprolite et l’atmosphère. Le sol est le résultat, d’une part, de l’altération de la roche mère et, d’autre part, de l’érosion qui conduit à la perte de sol par un départ de phases solides en surface (Birkeland, 1999; Ivanov et Demkin, 1999). Le taux de dénudation (arasement de la couche superficielle du sol (D)) est égal à la somme du taux d’érosion (transport physique de matériel (E)) et du taux d’altération chimique à l’intérieur du régolithe (dissolution chimique de matériel (W)). L’état stationnaire des sols est atteint quand le taux de dénudation est égal au taux de production de sol (SP), soit D=E+W=SP (Figure I-5) (Dixon et von Blanckenburg, 2012; Heimsath et al., 1997).

Figure I-5 : Le taux de dénudation (D) correspond à la somme des taux d’érosion physique (E) et d’altération chimique dans le régolithe (Wsoil+Wsap) et est égal, à l’état stationnaire, au taux de

production de régolithe (SP) ; D=E+W=SP (Dixon et von Blanckenburg, 2012).

De manière générale, il en résulte que les épaisseurs des sols, qui ont été déterminées par différentes méthodes, sont arrivées à un état stationnaire (Dosseto et al., 2008b; Fernandes et Dietrich, 1997; Heimsath et al., 1997). Cependant, soumis à une action anthropique forte, la production de sol peut s’avérer de 10 à 1000 fois plus faible que l’érosion dans le cas de sols

10 agricoles (Dosseto et al., 2012; Montgomery, 2007) et l’érosion a tendance à augmenter lors de déboisements (Dosseto et al., 2012; Dupré et al., 2003).

L’épaisseur des sols dépend donc des vitesses de dénudation et de production. On dénombre trois cas (Anderson, 2012; Brantley, 2008; Dosseto et al., 2011; Heimsath et al., 1997; Kümmerer et al., 2010) :

 les taux de dénudation sont supérieurs aux taux de formation : l'épaisseur de sol diminue ou ce dernier ne peut pas se former,

 les taux de dénudation sont inférieurs aux taux de production : l'épaisseur de sol augmente,

 les taux de dénudation sont égaux aux taux de formation : l'épaisseur de sol reste constante.

B. Méthodes de quantification des processus d'altération - érosion

Afin d’estimer les vitesses d’altération, d'érosion et de formation des sols dans les milieux naturels, différentes approches ont été appliquées.

Des calculs théoriques basés sur la cinétique de dissolution des minéraux peuvent être utilisés (Ferrier et al., 2010; Lasaga et al., 1994; Yokoyama et Matsukura, 2006), tout comme l’extrapolation d’expériences de dissolution en laboratoire (Chorover et Amistadi, 2001; Murakami et al., 2003; van Grinsven et van Riemsdijk, 1992; Zhang et al., 1996). A l’échelle des bassins versants, les résultats de l’érosion et de l’altération sont directement mesurables dans les rivières et les taux de production de sol recalculés par bilans de masse. En effet, les rivières transportent une phase solide, que sont les sédiments, directement issus de l’érosion physique, quant à la phase dissoute, elle est directement liée à l’altération chimique. Ainsi, des taux d’érosion ont été estimés, soit à l’échelle mondiale (Milliman et Meade, 1983; Milliman et Syvitski, 1992; Pinet et Souriau, 1988), soit à l’échelle de petits bassins versants (Gabet et al., 2010; Millot et al., 2002; Viville et al., 2012), en mesurant le flux de sédiments transporté par les rivières. Parallèlement, les bilans de masse de la phase dissoute ont permis de déduire les taux d’altération correspondants pouvant aboutir à des taux de production de sol (Gabet et al., 2010; Millot et al., 2002; Oliva et al., 2003; Sak et.al, 2004; Viville et al., 2012; West et al., 2005; White et al., 1998). Ces approches ne permettent cependant d'obtenir que des taux subactuels.

11 A la fin du XXème siècle, la possibilité technique d’utiliser des outils isotopiques tels que les nucléides cosmogéniques (10Be-26Al) ou les chaînes de l’uranium et du thorium (chaînes 238 U-234U-230Th-226Ra et 232Th-228Ra-228Th) a ouvert la voie à l’apport de nouvelles contraintes de temps sur les processus d'altération et de formation des sols. L’utilisation des nucléides cosmogéniques a permis de déterminer des durées d’exposition et des vitesses de dénudation (Brown et al., 1995; Dixon et al., 2012; Ferrier et al., 2010; Gosse et Phillips, 2001; Heimsath et Burke, 2013; Heimsath et al., 1997, 1999; Riebe et al., 2003; Van Der Woerd et al., 2006). Ces dernières sont assimilées aux vitesses de production du sol en supposant un état stationnaire du sol. De nombreuses études ont exploré la relation pouvant exister entre ces vitesses de dénudation et l’altération (Lal, 1991; Nishiizumi et al., 1986; Portenga et Bierman, 2011; Von Blanckenburg, 2005; Von Blanckenburg et al., 2004).

Les déséquilibres radioactifs des chaînes de l’U et du Th ont la particularité de pouvoir estimer directement les vitesses de production de sol, sans faire d'hypothèse sur l'éventuel état stationnaire du sol. Le principe d'utilisation de ces outils est présenté dans le paragraphe §IV de ce chapitre. Les études des déséquilibres radioactifs, donnant les taux de production de sol, ont confirmé un état stationnaire des sols étudiés (Chabaux et al., 2013; Dosseto et al., 2012; Dosseto et al., 2008b). L’état stationnaire n’est pas atteint dans des cas particuliers, comme les sols en pente ou bas de pente, les cratons ou zones cultivées (Dosseto et al., 2012; Ma et al., 2010). Les taux de production de sol développés sur une roche mère granitique calculés grâce aux déséquilibres radioactifs des chaînes de l’U et du Th sont situés entre ~20 et 50 mm/ka (Tableau I-1).

12 Sol étudié Précipitations annuelles (mm) Temp. Moyenne (°C) Productio n de sol (mm/ka) Référence Bassin Pitinga, Amazonie 2000 26 50 Mathieu et al., 1995 Vallée de Bega, Australie 910 10 43 Dosseto et al., 2008b

Kaya, Burkina Faso* 700 10 25 Dequincey et al., 2002

Frogs Hollow, Australie

500 12 24 Suresh et al., 2013

Tableau I-1 : Taux de production de sol développés sur roche mère granitique et granodiorite (*) (Adapté d’après Suresh et al, 2014).

C. Relation altération - érosion

Bien que les taux d’altération et d’érosion ne soient pas contrôlés par les mêmes facteurs, un lien semble exister entre l’érosion et l’altération : une érosion physique plus importante peut augmenter les taux d’altération chimique en favorisant une exposition des minéraux frais du sol aux solutions altérantes (Berner et Kothavala, 2001; Dupré et al., 2003; Gaillardet et al., 1995; Gaillardet et al., 1999; Goddéris et al., 2008; Maher, 2010; Millot et al., 2002; White et Brantley, 1995). A l’inverse, un effet « bouclier » par une couche importante de sol diminue l’effet d’altération en protégeant la roche mère des agents altérants (Heimsath et al., 1997; Stallard, 2011). Ainsi, dans les régions affectées de faible taux d'érosion, une corrélation positive existe entre les taux d’érosion et les taux d’altération. Cependant, cette corrélation positive disparaît au-delà d'un certain taux d'érosion (revue dans Dixon et von Blanckenburg (2012)). L'augmentation du taux d'érosion finit par entraîner des temps de contact entre la solution altérante et les minéraux très courts, limitant l'altération chimique. Les taux d'altération et d'érosion deviennent alors anti-corrélés. Ainsi, les zones montagneuses affectées de forts taux d’érosion ne sont pas propices à des taux d’altération importants (Figures I-6,7).

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Figure I-6 : Un taux maximum de production de sol (SPmax) est prédit ainsi qu’une anti-corrélation entre l’épaisseur de sol et son taux de production. Cette corrélation répond soit à une loi exponentielle,

soit en bosse, où une certaine épaisseur de sol (Hc) permet une vitesse de production maximale. Quand les taux d’érosion dépassent le maximum de taux de production, l’épaisseur de sol tend à se réduire à 0

et il y a donc un affleurement de la roche mère (Dixon et von Blanckenburg, 2012).

Figure I-7 : Schéma théorique de la relation entre les taux d'altération et les taux d'érosion. Le taux d'altération est faible si l’érosion est trop faible ou trop forte (l’effet bouclier empêche la roche mère d’être en contact avec des solutions de sol

sous-saturées et une érosion très rapide empêche un temps de contact suffisamment long

entre l'eau et les minéraux) (Dixon et von Blanckenburg, 2012).

D. Datation des processus secondaires pédogénétiques

Les processus pédogénétiques agissent sur une échelle de centaines de millions d'années à quelques minutes (Targulian et Krasilnikov, 2007). Targulian et Krasilnikov (2007) ont ainsi classé les différents processus au sein des sols en trois familles : rapides (10 à 100 ans), moyens (centaines d’années) et lents (10 à 1000 ka). Des méthodes de datation basées sur les outils isotopiques peuvent être appliquées pour dater les formations secondaires de différentes phases des sols comme la méthode 40Ar-39Ar pour les cryptomelane (oxydes de manganèse), U–Th/He pour les oxydes de fer, le 14C pour les carbonates et la matière organique ou encore les chaînes de l’U pour l’ensemble de ces phases (Tableau I-2). L’évolution de certains minéraux comme la kaolinite ou les oxydes de fer sont aussi des indices d’âges de formation des sols (Arduino et al., 1986).

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Méthode de datation Phase analysée Processus visés Echelle de temps

40Ar-39Ar Cryptomelane Redox > 2 ka

U–Th/He Oxydes de fer Redox > 500 ka

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