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1. Améliorations et validation des méthodes de calcul et quantification des incertitudes

Les cœurs en projet pour le réacteur ASTRID sont basés sur des configurations géométriques hétérogènes avec des vidanges en sodium proches de zéro, ce qui nécessite des outils de calculs robustes. En lien avec l’élaboration du rapport préliminaire de sûreté du réacteur ASTRID, plusieurs pistes d’études et d’amélioration des méthodes de calcul ont été envisagées pour évaluer les performances et la sûreté des concepts innovants.

Le travail de thèse s’inscrit dans ce cadre et a pour motivations principales d’une part l’amélioration des méthodes et des outils de calculs des paramètres neutroniques des RNR-Na et d’autre part une quantification des biais et incertitudes associées. L’évaluation des biais et incertitudes sur les grandeurs neutroniques est nécessaire pour assurer un fonctionnement du réacteur dans les marges de sûreté imposées et définir les programmes expérimentaux en support au projet ASTRID.

Les biais et incertitudes sur les grandeurs d’intérêt proviennent des données d’entrée des études ainsi que des approximations de méthodes. De manière plus détaillée, les incertitudes ont pour origine:

 les données nucléaires (sections efficaces macroscopiques pour une composition du cœur donnée),

 les données technologiques (données de fabrication et notamment la géométrie, les concentrations atomiques des constituants du cœur et les lois de dilatations thermiques utilisées),

 l’évolution du bilan matière dans le cœur sous irradiation,

 la thermique du combustible,

 les biais provenant des solveurs, des schémas de calculs (et de la modélisation) et des méthodes utilisées.

Par ailleurs les incertitudes sur la composition du cœur irradié et la thermique du combustible sont elles-mêmes fortement affectées par celles sur les données nucléaires. La propagation des incertitudes issues des données nucléaires sur les grandeurs neutroniques est donc complexe car celles-ci sont corrélées de plusieurs façons. Cette complexité est en outre accrue si l’on souhaite évaluer la corrélation spatiale des grandeurs neutroniques et des incertitudes.

a) Les activités de validation globale

Le travail de thèse s’inscrit dans le cadre de la démarche de vérification, validation et qualification des outils de calculs scientifiques utilisés pour évaluer avec précision les

grandeurs physiques d’intérêt pour les RNR-NA. Les objectifs de la VVQI (Vérification, Validation, Qualification et quantification des Incertitudes) visent à obtenir des outils de calculs robustes et précis, avec des biais de calculs des grandeurs d’intérêt maitrisés et des incertitudes associées aux études réalisés quantifiées.

Les activités de validation globale se décomposent en 3 étapes successives principales :

 La Vérification qui permet de s’assurer que les équations des modèles physiques utilisés dans les codes sont résolues correctement et que les approximations des modules de calculs et des méthodes numériques sont suffisamment faibles par rapport aux objectifs fixés.

 La Validation numérique des modèles physiques et des schémas de référence. Cette validation, purement numérique, est réalisée par la comparaison des résultats du schéma de calcul à un calcul « étalon », à mêmes données nucléaires. Ce calcul étalon peut être un raffinement dans le calcul déterministe pour un ou plusieurs des paramètres (maillage énergétique, déviation angulaire, module géométrique exact, etc.) Le processus de validation numérique se termine généralement par une comparaison à un calcul Monte-Carlo TRIPOLI4 qui permet de quantifier le biais dû aux méthodes. Dans cette étape, la précision des données d’entrée des codes n’est pas déterminante, l’objectif étant d’évaluer les biais à partir d’un même jeu de données. C’est la raison pour laquelle, la modélisation de concepts de cœurs isothermes à 20°C où le traitement des sections efficaces est simplifié est couramment employée pendant la validation numérique.

 La Validation expérimentale dont la démarche consiste à s’assurer que les résultats de l’outil de calculs sont en bons accords avec les valeurs mesurées qu’elles soient issues d’expériences intégrales en maquettes critiques ou en réacteurs de puissance ou le résultat d’analyse de combustibles irradiés ou d’irradiations en réacteurs expérimentaux.

Toutes ces étapes du processus doivent permettre de quantifier les incertitudes aux valeurs prédictives (avec ou sans facteurs correctifs) fournies par les outils de calculs. Ceux-ci sont caractérisés par leurs domaines de pertinence (domaine dans lequel les approximations de modèle sont considérées valides) et d’expérience où les résultats sont en bon accord avec les mesures. La validité du code sera d’autant mieux assurée que la base de données expérimentales couvre le domaine d’application et les diverses caractéristiques recherchées.

b) Approche « Best Estimate Plus Uncertainty » (BEPU)

Le principal objectif d’une analyse de sûreté est de démontrer de manière robuste que toutes les exigences en termes de sûreté fixées pour un concept de cœur sont respectées. Ce travail est réalisé en montrant que des marges suffisantes existent entre les valeurs des paramètres

importants (températures du sodium ou du combustible par exemple) et le seuil à partir duquel la sûreté du cœur est compromise (températures d’ébullition ou de fusion).

Pour définir les marges, il existe deux approches distinctes :

 soit en appliquant une approche conservative qui consiste à appliquer une combinaison de modèles donnant des estimations pessimistes des valeurs recherchées afin de se placer dans une situation enveloppe vis à vis des critères de sûreté à atteindre,

 soit en utilisant une approche « Best Estimate » qui consiste ainsi à réaliser la meilleure estimation, c'est-à-dire la plus réaliste possible des grandeurs d’intérêt et de leurs incertitudes associées. Cette approche nécessite donc l’utilisation des codes et des modèles physiques les plus précis afin d’obtenir une estimation réaliste de la réponse globale du réacteur pendant les transitoires. Ces codes doivent donc être basés sur des modèles très détaillés avec le minimum d’approximations et doivent tenir compte des corrélations possibles entre les grandeurs étudiées.

Figure 14 Concept de marge de sûreté

Par ailleurs, la méthode conservative ne permet pas de s’assurer que la combinaison des données d’entrée les plus pénalisantes donne la marge la plus pessimiste notamment lorsque la réponse n’est pas linéaire (situations rencontrées lors de la simulation de transitoires par exemple). Une analyse BEPU (Best Estimate Plus Uncertainty) avec l’évaluation des incertitudes est alors la seule approche permettant une évaluation des marges de sûreté. Cette démarche est souvent difficile étant donné qu’elle nécessite la propagation des incertitudes des données d’entrée des études sur les grandeurs d’intérêt à travers chaque code de calculs en tenant des compte des couplages multi-physiques et des corrélations éventuelles entre les données d’entrée. Le travail de thèse s’inscrit dans ce contexte avec pour objectifs principaux,

l’amélioration des méthodes de calcul pour une évaluation précise des grandeurs neutroniques d’intérêt pour les transitoires et la quantification des incertitudes sur ces paramètres avec la prise en compte des corrélations éventuelles entre les données.

2. Benchmark international sur le concept CFV

La validation des outils de calculs et des données nucléaires repose sur la confrontation des résultats de calculs avec les expériences de qualité en maquettes ou en réacteurs dont les incertitudes de mesures sont quantifiées. Néanmoins la validité des outils peut être examinée en comparant les résultats obtenus avec des outils et schémas de calculs différents lors de benchmarks numériques.

Un benchmark sur le concept de cœur CFV [Var13] a été proposé par le CEA au Département à l’Energie (DOE) des Etats-Unis. Ce benchmark a pour objectif de confronter les méthodes et outils de calculs utilisées pour simuler le comportement des cœurs RNR-Na pendant les transitoires. Une première partie du benchmark concerne l’évaluation des grandeurs neutroniques d’intérêt pour les études de transitoires alors que la seconde partie se concentre sur l’étude du comportement du concept CFV pendant les transitoires non protégés ULOHS et ULOSSP. De façon plus détaillée, les objectifs du benchmark sont les suivants :

Comparaison des études neutroniques

o

Evaluation des grandeurs neutroniques en déterministe et Monte Carlo

o

Analyse de l’impact des bibliothèques de données nucléaires (JEFF3.1 et

ENDF BVII)

o

Quantification des incertitudes neutroniques

Analyse du comportement du cœur pendant les transitoires ULOHS et ULOSSP

o

Analyse des températures atteintes par le sodium et des marges avant

ébullition

o

Etude des contributions des contre-réactions au cours des transitoires Une partie du travail de thèse a été réalisée dans le cadre de ce benchmark international. Notamment, j’ai eu l’opportunité d’effectuer une mission de 3 mois aux Etats-Unis impliquant le développement d’une méthodologie pour propager les incertitudes neutroniques pendant les transitoires. Les résultats obtenus avec les différents outils et schémas de calculs sont discutés dans les chapitres III et IV du manuscrit.