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La problématique de l'étalement urbain au Québec : évolution du cadre de la

Dans ses travaux portant sur la planification territoriale au Québec, Proulx (1996;

2008) soutient qu'au-delà de la mise en oeuvre des plans territoriaux et des mesures ponctuelles d'aménagement du territoire, la planification urbaine ne prendra réellement de l'importance qu'après les années 1960:

«Depuis les années 1960, la gestion territoriale de fonctions publiques est devenue un enjeu d'action très important à tous les échelons ( ... ) Pour certains enjeux territoriaux globaux tels que l'aménagement, l'urbanisme et le développement, la planification représente désormais le mode privilégié de

régulation basé sur la coordination des multiples et diverses actions (décisions) vers des buts et finalités communautaires. » (Prouix, 2008 : p.25)

De la sorte, c'est surtout après la Deuxième Guerre mondiale que les principaux éléments du corpus législatifs ou lois-cadres ont émergé (Trépanier, 2004) entraînant dans ce courant la création du cadre de la planification au Québec.

Afin de pallier aux problèmes d'urbanisation tels que l'étalement urbain, l'urgence de créer et d'établir des instruments d'urbanisme ainsi qu'un cadre de planification ont incité les autorités gouvernementales et les planificateurs à concevoir des outils d'urbanisme opérationnels, complémentaires et cohérents (Guay, 1987). Ainsi, même si depuis les années 1960, la gestion territoriale est devenue un enjeu d'action important (Proulx, 2008), les véritables mesures en termes de planification urbaine et d'aménagement du territoire au Québec ne seront introduites qu'à la toute fin des années 1970 avec l'adoption de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme (L.R.Q., c.A-19.1), en vigueur depuis le 12 décembre 1979, qui a eu pour effet de créer les municipalités régionales de comté (MRC) de même que l'obligation pour ces dernières d'adopter un schéma d'aménagement et pour les municipalités, un plan d'urbanisme (PU).

Relativement au partage des pouvoirs et de la décentralisation introduite par cette loi-cadre, Trépanier (2004) mentionne que «la Loi québécoise sur l'aménagement et l'urbanisme reflétait déjà les mises en doute de la centralisation et traduisait les premiers efforts vers un partage des responsabilités plus politique» (p.60). En outre, cette loi serait déterminée selon une conception plus souple et moins autoritaire de la planification en faisant appel à la concertation et à la coopération intergouvernementale (Trépanier, 2004).

En ce qui concerne le processus décisionnel de la LAU, Trépanier (2004) ajoute que ce dernier «était lui-même une nouveauté; plus souple, plus politique, plus interactif que les lois des années d'après-guerre, il rompait ainsi avec l'autoritarisme bureaucratique traditionnel » (p.62).

Au moment de l'adoption de la LAU commencera donc un véritable exercice de planification territoriale qui, par le biais des schémas d'aménagement 3, obligera chaque municipalité locale d'une MRC à adopter à son tour un PU4 et une réglementation d'urbanisme conforme au schéma d'aménagement en vigueur. Avant l'introduction de la LAU, seulement une centaine de municipalités québécoises disposaient d'un PU alors que le Québec d'alors comptait 1 600 municipalités (Beaudet, 2005). Par ailleurs, cette loi-cadre, au moment de son adoption, est venue combler un vide et corriger une situation de laisser-aller généralisée qui existait avant sur le territoire québécois (Guay, 1987). En effet, si plusieurs municipalités avaient une réglementation d'urbanisme sommaire, cette dernière n'était que rarement accompagnée d'une réflexion approfondie sur les enjeux d'aménagement pour le développement futur de la ville (Trépanier, 2004).

Le SAD répond en partie au problème de l'étalement urbain en prévoyant la délimitation d'un périmètre d'urbanisation restreignant l'implantation d'activités urbaines à l'intérieur de limites prédéfinies. Notons également que devant l'urgence d'assurer la protection des terres agricoles, il y aura en 1978, l'adoption par le gouvernement québécois de la Loi sur la protection du territoire agricole (LPTA)5 qui en plus de viser la conservation des terres agricoles par l'établissement d'un zonage agricole de toutes les

En 2002, les schémas d'aménagement sont devenus les schémas d'aménagement et de développement (SAD). A ce moment, il y avait une volonté claire de lier les dimensions aménagement et développement qui auparavant, étaient dissociées. Cette nouvelle approche précise donc que l'aménagement n'est pas seulement physique, qu'il relie aussi les dynamiques spatiales et socio-économiques dans une perspective temporelle allant du court au long terme (Trépanier, 2004) Selon la définition émise par le MAMR, le SAD «est le document de planification qui établit les lignes directrices de l'organisation physique du territoire d'une municipalité régionale de comté ou d'une communauté métropolitaine. Il permet de coordonner les choix et les décisions qui touchent l'ensemble des municipalités concernées, le gouvernement, ses ministères et ses mandataires. Le schéma est, avant tout, un document d'intention formulé et conçu de manière à faire ressortir une vision régionale du développement économique, social et environnemental » (MAMR, 2008a).

Selon le MAMR, le plan d'urbanisme «est le document de planification qui établit les lignes directrices de l'organisation spatiale et physique d'une municipalité tout en présentant une vision d'ensemble de l'aménagement de son territoire » (MAMR, 2008b).

Depuis 1997, cette loi est maintenant appelée la Loi sur la protection des terres et des activités agricoles (LPTAA) et a aussi évolué pour s'adapter aux diverses mutations et réalités de l'environnement socio-économique (Ouimet, 2001).

terres cultivées et cultivable au Québec a, selon Ouimet (2001), nécessairement influencé les attitudes à l'égard de la gestion d'ensemble du territoire.

En dépit du caractère souple et décentralisé de la LAU, les instruments qui permettent sa mise en oeuvre demeurent largement rigides de par leur nature réglementaire et législative (Trépanier, 2004). Conséquemment, les mécanismes de mise en oeuvre de la loi demeurent plus traditionnels reposant sur la conformité entre les schémas, les plans et les règlements. Par ailleurs, si l'adoption de la LAU a permis de jeter les bases de la participation et de la consultation citoyenne en matière d'aménagement du territoire et d'urbanisme, certaines difficultés rencontrées dans le processus illustrent que la participation effective des citoyens produit des résultats mitigés et que les processus de consultation sont incomplets et parfois inefficients (MAMR, 2007). En effet, les mécanismes de participation mis en place par la LAU ne favoriseraient pas la participation et l'intérêt des citoyens puisqu'ils s'avèrent souvent présentés de manière peu attrayante, sous forme juridique et accompagnés d'une documentation à la qualité et la pertinence inégale. Aussi, ajoutons que l'absence fréquente de la diffusion des résultats de consultation de même que l'incapacité de générer des obligations qui aillent au-delà de celle d'informer et de consulter provoquent un désintéressement généralisé des citoyens face aux activités de consultation (MAMR, 2007).

Selon Fischler et Wolfe (2006), l'obligation pour les municipalités locales de respecter les dispositifs réglementaires des mécanismes de planification éloigne souvent la pratique des objectifs de planification stratégique et globale définis dans les documents

«Conformily of a project with the zoning plan is checked against the specific regulatory norms contained in local bylaws, rather than against the overali planning objectives that the plan spelis out. Where conformiiy with regulations is established, a building permit is issued" (p. 343).

Devant cette difficulté d'arrimer les objectifs de planification avec les dispositifs de mise-en-oeuvre, le gouvernement provincial a apporté des changements avec l'ajout de plusieurs outils permettant de prendre en considération des circonstances particulières ou nouvelles (Trépanier, 2004). À cet égard, Trépanier mentionne que « l'utilisation des outils d'urbanisme selon une approche stratégique et proactive est de plus en plus importante dans un contexte de réaménagement urbain et d'amélioration du tissu urbain existant, en particulier des secteurs centraux et anciens. L'intervention dans l'existant requiert notamment une approche par projet, intégrant des outils variés et complémentaires»

(2004: p.68).

Tout compte fait, le cadre de la planification québécois poursuit lui aussi l'évolution décrite par Grant (2006) en ce qui concerne l'émergence d'un discours fondé sur l'approche du développement durable. Ces nouveaux enjeux liant les dynamiques spatiales et socio-économiques, dans une perspective large et à long terme (Trépanier, 2004), insufflent une critique de l'urbanisme traditionnel et stimule la nécessité d'introduire de nouvelles pratiques urbanistiques adaptées à ces exigences. Pour ce faire, une nécessaire refonte des processus et des instruments est mis en lumière par maints auteurs (Ascher,

1995; Padioleau, 2000; Trépanier, 2004; Da Cunha, 2005; Fischler et Wolfe, 2006;

Gariépy, Gauthier et Trépanier, 2008). À cet effet, Padioleau (2000) indique qu'au-delà de leur fonction technique, les instruments de planification doivent être envisagés comme de véritables «systèmes d'action collective », qui commandent une utilisation adaptée et évolutive.