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Problèmes d’approvisionnement des parcs

Chapitre 1 : Objet d’étude

1.3. Contextualiser l’urbanisation en Asie du Sud-Est

1.3.4. Problèmes d’approvisionnement des parcs

Comme montré ci-dessus, la forte densité de population, l’urbanisation rapide, la planification déficiente et rigide et l’augmentation de la privatisation dans la planification sont des caractéristiques bien présentes dans les villes du Sud-Est asiatique (Hogan et al. 2012). Ces dernières peuvent ainsi générer des injustices environnementales, notamment en ce qui concerne l’accessibilité aux parcs urbains qui sont souvent considérés comme un service public. Dans cette section, nous présentons trois problèmes d’approvisionnement des parcs urbains qui sont identifiés dans la littérature : la qualité des parcs, l’accessibilité et la saturation potentielle des parcs, le problème de reconnaissance et de procédure dans la conception des parcs.

La qualité des parcs touche à plusieurs aspects : la conception d’ensemble, les équipements, l’entretien, la qualité de la végétation ainsi que l’accès gratuit (Malek et al. 2011 ; Varna et Tiesdell 2010). L’entretien des parcs existants est souvent insuffisant, ce qui fait qu’ils sont parfois des zones d’insécurité comme le cas du parc Seremban à Kuala Lumpur (Malaisie) (Maulan 2002). De plus, les manques d’équipements, de végétation et d’aires de jeux pour les enfants sont aussi des problèmes majeurs dans la plupart de parcs, par exemple à HCMV, à Hanoi et à Jakarta (T. H. Nguyen 2010 ; Wong et Sevin 2013 ; T. L. Le 2013).

La privatisation des parcs et des espaces publics dans les pays du Sud-Est asiatique pose notamment des problèmes qui mènent à réduire la qualité et l’accès aux parcs. Au Vietnam, par

exemple, on assiste à l’émergence de projets publics en partenariat avec le secteur privé, c’est- à-dire des parcs et des espaces publics planifiés et construits par des entrepreneurs privés (Tran 2015 ; PADDI 2011). Plusieurs auteurs ont signalé que l’augmentation des projets public-privé est une menace pour la vie de la communauté parce que ces projets sont conçus afin d’en tirer un maximum de profit (C. D. L. Nguyen 2013 ; Tran 2015). De plus, l’accès à ce type de parc est limité (payant ou réservé aux propriétaires résidentiels) et l’usage est surveillé (plusieurs caméras de surveillance, agences de sécurité privées, etc.), par exemple à HCMV, à Jakarta, ou à Singapour (T. H. Nguyen 2010 ; McCarthy 2003).

Quant à l’accessibilité spatiale aux parcs et espaces publics, dans certaines villes de la région, par exemple à Kuala Lumpur, à HCMV et à Hanoi (T. H. Nguyen 2010 ; Maulan 2002 ; Kurfürst 2011), les parcs sont généralement mal reliés aux réseaux de transport en commun. Ainsi, les utilisateurs sont souvent des habitants voisins du parc (PADDI 2011). La forte densité de population et le manque d’espaces verts sont la cause probable des problèmes de saturation des parcs urbains dans les centres-villes comme à Hanoi (Pham et al. 2012 ; Pham, Labbé et Pelletier 2015). Ce qui est inquiétant, c’est que les parcs sont constamment menacés par la construction illégale, les projets de développement immobiliers et de stationnement et l’empiétement spatial causé par de nombreuses activités commerciales dans les parcs, comme montré dans le cas de Hanoi (Kurfürst 2011 ; Pham et Labbé 2017). Plusieurs métropoles de l’Asie du Sud-Est manquent d’espaces verts, et surtout de parcs (Wong et Sevin 2013 ; Boudreau et al. 2015) (voir le tableau 1.5). Pour répondre aux besoins grandissants de la population en activités physiques et récréatives, avec l’appui des gouvernements, des parcs et des aires de jeux ou de recréation privées payants (à l’intérieur des immeubles) sont de plus en plus communs à Manille, Hanoi, HCMV, voire à Singapour qui se veut être une ville-jardin (Pomeroy 2011 ; T. H. Nguyen 2010 ; T. L. Le 2013 ; Kleibert et Kippers 2015).

Tableau 1.5 : Taux de superficie de parcs par habitant des villes dans la région Sud-Est asiatique

Ville Jakarta HCMV Bangkok Kuala Lumpur Hanoi

Taux de superficie de parcs

par habitant (m2) 0,22 0,22 1,00 1,25 1,48

Source : Synthèse de Aldous (2010) et Pham et Labbé (2017)

Il faut relever quelques causes qui expliquent une telle qualité inadéquate des parcs et une accessibilité réduite. Au Vietnam, la planification et, notamment, l’aménagement des espaces verts, est toujours très fonctionnaliste, normatif et rigide (PADDI 2011 ; IMV 2011). Elle est

constamment en retard par rapport à la croissance de l’urbanisation (T. V. Le 2005 ; Watson 2009). Les plans répondent rarement aux besoins du développement urbain. Ils sont le résultat d’un processus d’urbanisme non interactif réalisé par des urbanistes sous la direction des autorités locales (T. V. Le 2005 ; T. H. Nguyen 2010). À titre d’exemple, les plans directeurs des espaces verts urbains à Hanoi et à HCMV pour la période 1990 - 2025 sont inefficaces et manquent de réalisme (Pandolfi 2001 ; ADB 2011). Ainsi, quand ces plans ont été présentés en 1990, la plupart des zones vertes ont eu une autre fonction par rapport à ce qui était proposé dans le plan.

La gouvernance autoritaire et l’augmentation de la privatisation dans la planification (comme montré précédemment) sont des facteurs qui influencent aussi la conceptualisation des espaces publics et notamment des parcs urbains en ce qui concerne l’injustice de la reconnaissance et l’injustice procédurale dans l’accès aux espaces publics et aux parcs urbains dans les villes du Sud-Est asiatique (Springer 2009 ; Shatkin 2006). Les espaces verts, espaces publics et parcs deviennent parfois des symboles du pouvoir politique plutôt que de rester des espaces à améliorer pour les citadins (Shatkin 2006 ; Maulan 2002).

Ces problèmes d’approvisionnement du parc urbain dans les villes Sud-Est asiatiques contribuent probablement à établir un facteur important de l’injustice environnementale des parcs non seulement en termes de l’iniquité environnementale, mais aussi de l’injustice de la reconnaissance et de l’injustice procédurale. Dans ce contexte, examiner la justice environnementale en milieu urbain dans l’Asie du Sud-Est représente une urgence. Ce projet de recherche est une tentative de répondre à ce besoin.

1.4. Approches méthodologiques de justice environnementale dans l’accès aux