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Les Recherches philosophique sur l’essence de la liberté humaine

Les Recherches paraissent dans le premier volume des Écrits philosophiques, publiés en 1809 : elles sont le seul texte inédit du recueil. Dès le prologue des Recherches, Schelling affirme qu’il n’a que peu de remarques à faire à leur sujet. Malgré cela, la rédaction des Recherches était projetée depuis un certain temps ; c’est du moins ce que laisse entendre sa correspondance avec Windischmann. Dans une lettre datée du 16 janvier 1806, il écrit : « Dès que j’aurai trouvé le coin tranquille de la terre allemande, je veux entreprendre quelque chose de radical et à fond, pour ou bien périr entièrement ou bien vaincre complètement dans cette guerre du mauvais principe contre le bon. Il ne sert à rien de faire les choses à demi, et la situation présente ne permettrait pas de réaliser davantage. »209 Ce coin tranquille, Schelling va le découvrir à Munich, la capitale de

Bavière, où il est nommé en 1806 à l’Académie des Sciences et à l’Académie des Beaux-Arts. Pour lui, cet exode à Munich a pour objectif de lui permettre de s’affranchir une fois pour toutes des soucis matériels et des servitudes de l’enseignement pour enfin se consacrer exclusivement à sa production philosophique. Or, la procrastination le guette, car délivré de ses tâches de professeur, « il perdra beaucoup de son ardeur, de son assurance, et il sera pour ainsi dire condamné aux affres de la rumination solitaire et sans fin »210, celles sans aucun doute de l’interminable chantier des

Âges du monde. C’est toutefois aux Recherches que revient principalement le rôle d’inaugurer la période dite intermédiaire de son œuvre, où l’inflexion majeure se caractérise par la découverte de la mystique théosophique de Jacob Böhme et par l’adoption des thématiques du second romantisme. Suivant le Zeitgeist, Schelling va passer de la Frühromantik à la Spätromantik, c’est-à-dire d’un univers caractérisé par « le mystère, la magie et le “chemin de l’intériorité” »211 à un univers soumis

« “aux puissances de la profondeur et aux puissances de l’obscur”, au dynamisme et à l’irrationnel »212. À cela s’ajoutent les tourments causés par les évènements politiques en Allemagne

(les guerres napoléoniennes) ainsi que le décès de sa femme Caroline, le 7 septembre 1809. Les Recherches consacrent la phase nocturne de sa pensée. Schelling le remarque d’ailleurs dans une lettre datée du 27 mai 1809, adressée à son ami Schubert. Nous pouvons y lire : « Dans mes exposés, jusqu’à présent l’aspect diurne a peut-être été trop souligné, quoique du reste l’aspect opposé fût connu dès le début. En quelques endroits seulement (de l’ouvrage sur la liberté) j’ai

209 X. Tilliette, Schelling. Une philosophie en devenir, Tome I, p. 500. 210 Ibid., p. 502.

211 Ibid., p. 504. 212 Ibid.

peut-être trop poussé au noir… »213 Par contre, pour un commentateur comme Horst Fuhrmans, la

Wende schellingienne n’aurait pas été provoquée

par des motifs éthiques ou politiques, ni par les problèmes du Mal et du fini, mais uniquement par la métamorphose de l’environnement. Elle est abrupte, et cependant elle ne rompt pas avec le passé, car les structures de l’identité sont maintenues. La “Ronde de Jour” est devenue la “Ronde de Nuit”. Les principes fondamentaux du système ont été plongés dans la “vie fulgurante et l’abîme irrationnel” de J. Böhme.214

Bien qu’intéressante, cette interprétation extrinsèque et contextuelle a le désavantage de perdre de vue l’évolution personnelle et philosophique de Schelling. Si l’influence de l’environnement y est pour quelque chose dans la reconfiguration nocturne de sa pensée, les problèmes philosophiques auxquels il s’est antérieurement confronté dans sa philosophie de l’Identité le sont également. Son incapacité à solutionner le problème de l’unité de l’unité et de l’opposition par la différence quantitative, la séparation ou la chute du fini figure sans aucun doute parmi les raisons qui conditionnent cette mutation philosophique. C’est d’ailleurs ce qu’il explique dès l’introduction des Recherches, lorsqu’il affirme qu’il est temps que « surgisse l’opposition supérieure, ou plutôt l’opposition véritable, celle de la nécessité et de la liberté, avec laquelle seulement peut commencer l’étude du point médian le plus secret de la philosophie »215.

Cet énoncé survient au détour d’une explication lapidaire sur l’opposition qui traverse toute la philosophie moderne entre l’esprit et la nature, opposition qui s’est révélée dans sa première configuration, chez Descartes, comme étant celle de la substance pensante et de la substance étendue, et qui a dominé la pensée occidentale au moins jusqu’à Kant pour enfin être réfutée dans un premier temps par l’idéalisme de Fichte, et puis par celui de Schelling. C’est donc dans ce contexte que Schelling affirme que la racine de cette opposition est présentement arrachée, et qu’il faut maintenant s’attaquer à une opposition plus radicale. Autrement dit, la question de l’opposition de la liberté et de la nécessité implique de dépasser les deux puissances (la nature et l’esprit) en direction de leur fondement, qu’en 1809, Schelling n’appelle plus l’Absolu, mais Dieu. C’est seulement à partir de cette perspective qu’une nouvelle solution pour régler le problème de l’identité de l’identité et de la différence peut être enfin véritablement envisagée.

Cette nouvelle opposition, celle de la liberté et de la nécessité, possède la caractéristique singulière de considérer ces deux termes tant comme une antinomie irréductible, que comme une unité épistémo-ontologique. En d’autres mots, questionner cette dualité implique de s’interroger sur

213 Ibid., p. 503. 214 Ibid., p. 505.

la constitution du savoir philosophique et sur sa possibilité interne la plus radicale. Ainsi, quiconque désire avoir une connaissance de la liberté doit nécessairement l’élever au concept, c’est-à-dire à ce que Schelling appelle une vue scientifique du monde (wissenschaftlichen Weltansicht). Ce dont il s’agit ici, c’est de comprendre que la liberté est une Tatsache der Freiheit, un fait et un sentiment que tout homme éprouve, mais qui « ne ressort pas suffisamment et réclame par conséquent, ne fût- ce que pour l’exprimer en paroles, une pureté et une profondeur d’esprit plus qu’ordinaires »216. Le

fait du sentiment de la liberté doit être conceptualisé et inscrit dans la trame du savoir philosophique. Pour Schelling, tout comme pour ses contemporains, le savoir se comprend en termes de science, c’est-à-dire comme « ce savoir qui connaît les fondements premiers et derniers, et qui expose, conformément à ce savoir principiel, l’essentiel de ce que l’on peut savoir en général selon un enchaînement bien fondé »217. On reconnaît ici la définition kantienne du système que fait

sienne Schelling, lorsqu’il écrit à la fin de ses Recherches : « Dans le système chaque concept a sa place fixée, où il reçoit toute sa valeur, et qui détermine aussi bien sa signification que sa limitation. »218 Dans cette mesure, la notion de vue scientifique du monde doit être comprise dans sa

signification véritablement idéaliste, c’est-à-dire comme science, comme système philosophique qui n’a d’autre choix pour être que d’inclure la totalité des étants, et ce sans toutefois oublier la liberté. À ce propos, Schelling affirme que :

aucun concept, pris isolément, ne peut-être déterminé, et que seule la mise en évidence de sa connexion avec le tout lui donne son ultime achèvement scientifique — ce qui doit être tout particulièrement le cas du concept de liberté qui, pour avoir en général quelque réalité, doit être non pas un concept simplement subordonné ou accessoire, mais l’un des principaux foyers du système —, les deux aspects de la recherche, ici comme partout ailleurs, coïncident pour n’en

former qu’un.219

La tâche philosophique n’est donc plus de penser indépendamment le concept de liberté (Begriff der Freiheit), ni non plus d’élaborer simplement un système du savoir où s’enchaînent de façon nécessaire les propositions du savoir, mais de s’engager dans la résolution de cette contradiction qu’est le « système de la liberté »220, c’est-à-dire de penser conjointement l’antinomie existant entre

la nécessité et la liberté. Il devient donc nécessaire pour quiconque voudrait philosopher de réaliser ce système, prenant en compte à la fois la question philosophique par excellence, celle qui porte sur l’essence, et le fait que toute activité philosophique a pour fondement un acte libre. Ainsi, comme l’exprime Alexandra Roux : « l’effort qui s’impose à l’homme qui philosophe — l’effort de concilier système et liberté : c’est son humanité qui le presse de chercher un système qui ne fasse

216 Recherches, p. 124 [336].

217 M. Heidegger, Schelling. Le traité de 1809 sur l’essence de la liberté humaine, p. 38. 218 Recherches, p. 192 [411].

219 Ibid., p. 124 [336]. Nous soulignons.

pas fi de la liberté, qui justifie le sentiment de sa liberté. »221 Or, la liberté ne peut pas être

conceptualisée comme n’importe quel autre concept, mais doit malgré tout être prise en charge par une vue rationnelle ; pour y arriver, elle doit devenir l’ultime foyer, le Mittelpunkt par lequel peut se jouer le destin du système. Ainsi, liberté et système sont donc constitutifs l’un de l’autre autant sur le plan ontologique qu’épistémique. Il convient donc maintenant d’expliquer convenablement et essentiellement ces deux notions que sont le système et la liberté.

Le système

Si, au cours du XVIIe siècle, certains penseurs, songeons notamment à Spinoza et Leibniz,

ont développé leur pensée sous une configuration systématique, ce n’est véritablement qu’avec Kant que la notion de système se trouve thématisée, dans L’architectonique de la raison pure. À la fin de la Critique de la raison pure, il écrit :

J’entends par architectonique l’art des systèmes. Puisque l’unité systématique est ce qui, simplement, transforme une connaissance commune en science, c’est-à-dire ce qui, d’un simple agrégat, fait un système, l’architectonique est donc la doctrine de ce qu’il y a de scientifique dans notre connaissance en général, et elle appartient ainsi, nécessairement, à la méthodologie.222

Par la suite, Kant explique ce qu’il entend par système, c’est-à-dire :

l’unité des diverses connaissances sous une Idée. Cette dernière est le concept rationnel de la forme d’un tout, en tant que, à travers ce concept, la sphère du divers aussi bien que la position des parties les unes par rapport aux autres sont déterminées a priori. Le concept scientifique de la raison contient donc le but et la forme de tout ce qui est congruent avec ce but. L’unité du but auquel toutes les parties se rapportent et dans l’Idée duquel elles se rapportent aussi les unes aux autres fait que l’absence de chaque partie peut être repérée à partir de la connaissance des autres, et qu’aucun ajout contingent ne peut y trouver une place, ni aucun quantum indéfini de perfection qui ne possède ses limites déterminées a priori. Le tout est donc articulé (articulatio), et non produit par accumulation (coacervatio) ; assurément peut-il croître de l’intérieur (per intussusceptionem), mais non pas de l’extérieur (per appositionem), comme un corps animal auquel la croissance ne vient ajouter aucun membre, mais rend chaque membre, sans modifier les proportions, plus fort et mieux adapté à ses fins.223

En d’autres termes, le système se présente pour Kant comme l’unité interne, ou l’ajointement d’une totalité où chaque étant trouve sa place suivant une logique et une structure déterminée. Pour les penseurs idéalistes, cette définition fait du système une tâche philosophique qui donne sa mesure au savoir, puisque le système marque le fondement d’une ontologie reposant sur la subjectivité. La

221 A. Roux, « La liberté pour le bien et pour le mal », dans Alexandra Roux (coord.), Schelling en 1809. La liberté pour le bien et pour le mal, Paris, Vrin, 2010, p. 23.

222 E. Kant, Critique de la raison pure, p. 674. Ak, III, p. 538 223 Ibid., p. 674. Ak, III, p. 538-539.

question devient donc celle-ci : pourquoi le système est-il la principale exigence de l’idéalisme allemand?

Pour les idéalistes, le système est pensé comme une exigence philosophique absolue. Entre les ébauches de systèmes réalisées aux XVIIe et XVIIIe siècles et celles réalisées par les idéalistes

du début du XIXe, il a fallu que la philosophie parvienne à une compréhension d’elle-même comme

connaissance absolue. Comme nous l’avons déjà vu dans le premier chapitre, cette transformation a été d’abord opérée par Kant, et ce même s’il ne croyait pas que la raison soit susceptible d’une connaissance absolue. Dans la Critique de la raison pure, Kant a cherché à connaître fondamentalement l’essence de la raison et c’est seulement à partir de cette réflexion que l’exigence du savoir absolu s’est imposée pour les idéalistes. Kant a mené son enquête de façon à déterminer la raison à la fois comme la faculté supérieure de connaître et comme la faculté souveraine au sein des autres facultés supérieures que sont l’entendement, la faculté de juger et la raison. Cette raison est, comme nous l’avons déjà présenté, la faculté des Idées. Nous ne reviendrons pas sur leur détermination, mais nous rappellerons seulement que celles-ci, tout comme la faculté de juger, ont pour fonction de diriger la recherche théorique et donnent des règles pour l’accomplir. En d’autres termes, la tâche de la raison, c’est d’orienter l’intuition et la pensée en direction d’une structure unitaire de l’étant en totalité. Nous accédons donc au concept kantien du système comme « l’unité des diverses connaissances sous une Idée »224. Cette idée est un focus imaginarius, « c’est-à-dire un

point d’où les concepts de l’entendement ne partent pas effectivement, dans la mesure où il est situé totalement en dehors des limites de l’expérience possible, [mais il] sert pourtant à leur procurer, outre la plus grande extension, la plus grande unité. »225 La raison kantienne est donc

essentiellement systématique, elle est la faculté du système et ce qui l’exige, car elle nous permet de penser la totalité de l’étant en fonction d’une structure unitaire et nécessaire. La raison et le système sont par conséquent intrinsèquement liés pour Kant, et c’est ce qui marque un tournant décisif dans l’histoire de la philosophie, car en opérant cette identification, Kant ne pense plus la raison simplement comme un instrument de connaissance. Elle est dorénavant bien plus, puisqu’elle devient le véritable objet de la philosophie dans la mesure où elle constitue l’unité directrice, c’est- à-dire le système en tant que « science du rapport entre toute connaissance et les fins essentielles de

224 Ibid., p. 674. Ak, III, p. 538. 225 Ibid., p. 561. Ak, III, p. 428.

la raison humaine »226. C’est ce que Kant exprime lorsqu’il affirme que la philosophie est

maintenant une teleologia rationis humanae227. Or, comme le souligne Heidegger :

La philosophie kantienne et la détermination qu’elle donne de l’essence de la raison et du système constituent la présupposition, et en même temps le coup d’envoi, qui fait que le système devient dans l’idéalisme allemand le but décisif, l’exigence et le champ où se déploient les suprêmes efforts de la pensée.228

En déterminant l’essence de la raison comme étant essentiellement systématique, Kant donne une impulsion à la volonté de système. Toutefois, sa conception du système sera essentiellement modifiée par les jeunes penseurs idéalistes, qui ne la considèreront plus tant comme un cadre pour le savoir de l’étant en totalité, mais comme l’articulation ontologique fondamentale ; comme le jointement de l’Être. En d’autres termes, le système va être déterminé par les idéalistes comme la « totalité de l’être dans la totalité de sa vérité et de l’histoire de la vérité »229. Ainsi, la vérité de

l’Être coïncide avec celle du système ; l’Être est désormais le système philosophique conçu comme science. Cette conception se présente d’abord chez Fichte comme une « volonté de penser l’essence ontologique de la manifestation dans la pure immanence à soi du concept »230, et ce à partir d’une

position de fond : Moi=Moi. Toutefois, la vision fichtéenne du système comme science a quelque chose de singulier, parce qu’il ne s’agit pas encore pour elle, forte « d’une intuition intellectuelle pure, de fonder la totalité de l’être de l’étant, l’Absolu lui-même, mais son savoir, le savoir absolu, ce qui est tout autre »231. Fichte reste fidèle à l’esprit kantien en ce qu’il accomplit sa quête d’unité

de la pensée, en articulant adéquatement les dimensions pratique et théorique, et ce sans s’engager à fonder la totalité de l’Être de l’étant, c’est-à-dire l’Absolu lui-même. C’est avec Schelling et ses écrits de jeunesse, intitulés Sur la possibilité d’une forme de la philosophie en général et Du Moi, que le principe absolu du réel est pensé de façon systématique.232 Toutefois, la conception

authentiquement schellingienne du système, « le modèle même du système »233 se présente pour la

première fois avec la philosophie de l’Identité. C’est l’uni-totalité, le Έν καì Πãν présenté dans le premier chapitre, qui correspond au concept schellingien du système. Il est le système de l’absolue Identité, à comprendre au sens génitif comme l’auto-déploiement de la raison qui transit l’entière totalité de l’étant. Cette uni-totalité

226 Ibid., p. 678. Ak, III, p. 542. 227 Ibid.

228 M. Heidegger, Schelling. Le traité de 1809 sur l’essence de la liberté humaine, p. 75. 229 Ibid., p. 91.

230 P. Grosos, Système et subjectivité. Étude sur la signification et l’enjeu du concept de système. Fichte, Hegel, Schelling. Paris, Vrin, 1996, p. 192.

231 Ibid., p. 203.

232 Voir S. Ansaldi, La tentative schellingienne, p. 63.

233 J. Rivelaygue, « Schelling : du système à la critique », dans Leçons de métaphysique allemande, Tome I,

constitue le sens même du concept de système. Mais elle ne l’est pas tant parce qu’elle organise d’une façon cohérente — ou systématique — la déductibilité et l’ajointement de la totalité de l’étant à partir d’un principe premier, que parce que, fort d’une présupposition hyper- rationaliste, elle se donne les moyens de faire apparaître toutes choses dans le plein jour de leur présence, en sorte que tout retrait de l’essence de leur manifestation ou toute transcendance est d’emblée abolie.234

Pour la philosophie de l’Identité, la Raison n’est pas simplement une puissance organisatrice externe qui concorde avec la présence des choses, mais elle est la manifestation des choses même. Ainsi, ce qui caractérise la puissance du système de l’Identité n’est pas tant de pouvoir ajointer systématiquement la totalité de l’étant selon une nécessité fondée sur un principe premier, que de la rendre manifeste dans une présence à soi, ce que Philippe Grosos appelle « l’essence transparente de la manifestation qu’il déploie »235. Autrement dit, dans la philosophie de l’Identité, l’étant

singulier n’est jamais totalement fini, puisqu’il est toujours un reflet de l’Identité absolue ; il est l’Identité absolue sous une certaine puissance. L’étant est donc éclairé, amené au jour, élevé à la manifestation, à une présence à soi par la Raison absolue. Donc, si le système de l’Identité absolue peut conférer une organisation au savoir, c’est parce qu’il imprègne sa présence en toute chose et parce que sa vérité concorde avec la vérité de l’Être. Grâce à l’activité du philosophe, le système peut parvenir à la transparence de sa manifestation. L’organisation du savoir ne se constitue donc pas en fonction d’une visée encyclopédique et totalisatrice, mais en raison de l’ontologie de l’Identité que seule l’intuition intellectuelle du philosophe est à même d’ouvrir dans toute sa transparence. Ce savoir philosophique de l’Un est ce savoir qui, « en se ramifiant, ne se dissocie qu’en fonction des degrés divers qui constituent la manifestation du monde idéal, et qui se déploie dans la totalité de l’arbre immense de la connaissance »236. Ainsi, pour comprendre l’ordre

systématique du savoir, il faut d’abord accéder à la transparence de l’Identité absolue, qui s’exprime

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