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Problème de Wright et variables instrumentales

A.5 Graphiques

3.1.2 Problème de Wright et variables instrumentales

Le problème de la régression mentionnée plus tôt est qu’il y a présence d’endogénéité entre la variable de prix et la variable de quantité. Cette situation est appeléeproblème de Wright, en référence à l’économiste Philip Wright et à son travail sur les effets d’un tarif d’importation sur les huiles végétales et animales. C’est pour résoudre ce problème que Wright a développé une approche que l’on connait aujourd’hui sous le nom de variables instrumentales (VI).

de séparer l’influence de la variable instrumentée en deux parties : une variation exogène (non-corrélée au terme d’erreur) et une variation endogène (corrélée au terme d’erreur). Il est donc possible, à travers une régression à deux étapes, de séparer ces deux variations en remplaçant la variable instrumentée par une variable instrumentale. Ceci permettra d’obtenir un estimateur non-biaisé pour la variable instrumentée. Pour qu’une variable instrumentale soit considérée comme valide, elle doit satisfaire deux conditions. La première est celle de la pertinence, qui implique que la variable instrumentale doit être corrélée avec la variable que nous cherchons à instrumenter. Cette condition est facile à vérifier avec n’importe quel logiciel économétrique ou statistique. La deuxième condition est celle de l’exogénéité. Cette condition stipule que la variable instrumentale ne doit pas être corrélée avec le terme d’erreur.

Autrement dit, la variable instrumentale ne doit avoir aucun effet sur la variable dépendante autrement que par son influence sur la variable qu’elle instrumente. Cette condition est sou-vent établie par un raisonnement économique théorique puisqu’elle est plus difficile à prouver que la première.

Comment les variables instrumentales permettent-elles de résoudre le problème de Wright ? Dans le cas d’une régression similaire à celle mentionnée plus haut, où l’objectif est de dé-terminer l’élasticité de la demande d’un bien, le fait d’instrumentaliser la variablelogP avec une ou des variables instrumentales reliées à l’offre du bien permet d’éliminer la corrélation de cette variable avec le terme d’erreur. Puisque ces variables sont corrélées au prix via leur effet sur l’offre du bien (condition de pertinence) et qu’elles n’ont aucun effet sur la demande du bien (condition d’exogénéité), leur utilisation nous permet d’estimer une véritable élasti-cité de la demande. Autrement dit, sur un graphique d’offre et de demande, instrumentaliser le prix avec des variables instrumentales reliées à l’offre du bien fait en sorte que la variation des variables instrumentales permet d’observer un déplacement de la courbe d’offre. Les va-riables instrumentales étant exogènes à la courbe de demande, cette dernière ne bouge pas, et donc, toutes les combinaisons de prix et quantités observées se trouvent sur la courbe de demande ; ces combinaisons nous permettent donc d’estimer l’élasticité de la demande du bien.

Asensio et al. (2014)

La première étude à être présentée dans cette revue de littérature est un bon exemple d’application de la méthode des variables instrumentales. En effet, cette étude vise à évaluer l’effet de trois politiques publiques mises en place en Espagne en 2011, du mois de mars au mois de juin, dans le but de réduire la quantité d’essence consommée dans le pays. L’une de ces mesures est une subvention accordée au service de train régional et de correspondance.

Les auteurs de cette étude espéraient constater une élasticité-prix croisée positive entre le prix du transport public et la quantité d’essence consommée, désignant ainsi ces deux biens comme des substituts et réaffirmant la principale justification invoquée pour les subventions aux transports publics. Il est important de constater que leur étude permet aussi de calculer l’élasticité-prix de l’essence en Espagne.

Pour ce faire, les auteurs ont colligé des données mensuelles pour 48 provinces espagnoles entre 2008 et 2011. Les données sur la consommation d’essence proviennent de CORES, l’organisme dont la mission est de gérer la distribution des réserves pétrolières en Espagne.

Quant aux prix mensuels de l’essence, les données ont été fournies par le Ministère de l’Indus-trie, de l’Énergie et du Tourisme espagnol. Les variables instrumentales utilisées dans cette étude sont le prix du baril de pétrole Brent et le taux d’échange Euro-USD ; les données sur ces variables instrumentales proviennent de la US Energy Information Administration et de la Banque centrale européenne respectivement. Enfin, les données sur les variables de contrôle, telles que le stock de voitures, sont tirées du site de laDirection générale du trafic, l’organisme responsable de la gestion du trafic automobile en Espagne.

En ce qui a trait à leur modèle, les auteurs de cette étude ont initialement opté pour un modèle basé sur des effets fixes. Dans ce modèle, l’effet d’une réduction de 5% du tarif pour le transport public était représenté par une variable indicatrice prenant une valeur de un pendant la période de la subvention. Or, en raison d’arguments théoriques et de résultats non-significatifs, ils ont adopté par la suite un autre modèle où le prix du transport public est modélisé directement. Le modèle adopté est :

log(Qpt) = Xptβ+β1logP e+β2logP t+σD3−6/11+ρBiotp+pt,

oùQpt représente la quantité d’essence consommée dans la province pà la périodet,Xpt est un vecteur de variables explicatives pour la demande d’essence, qui inclut, par exemple, le

à juin 2011,Biot représente la proportion de composés biologiques présents dans l’essence à la périodet, etωp représente les effets fixes des provinces. Les variables D3−6/11 etBiotsont reliées aux deux autres mesures mises en place par le gouvernement espagnol et ne seront pas discutées dans cette recherche.

Le modèle est estimé selon quatre méthodes différentes : avec effets fixes ou moindres car-rés généralisés, avec et sans instrumentalisation. Le prix du baril de pétrole Brent et le taux d’échange Euro-USD sont utilisés pour instrumenter la variable de prix. Cela est un exemple de la méthodologie proposée pour résoudre le problème de Wright : les variables instrumen-tales sont corrélées au prix de l’essence à travers l’offre d’essence, mais n’ont aucune influence directe sur la demande d’essence. Quant au prix du transport public, un test d’endogénéité Durbin-Wu-Hausman indique que l’hypothèse d’exogénéité entre ce dernier et la quantité d’essence consommée ne peut être rejetée, ce qui élimine la nécessité d’instrumentaliser cette variable.

Pour finir, en ce qui a trait aux résultats, les quatre méthodes utilisées produisent des va-leurs de paramètres différentes, mais raisonnablement proches l’une de l’autre, ce qui permet de donner les résultats sous forme d’intervalles. À ce titre, l’étude conclut que l’élasticité-prix croisée de l’essence vis-à-vis du prix du transport public est entre 0,07 et 0,11. Ces résultats sont significatifs à 99%. Selon les auteurs, ce résultat est satisfaisant, non seulement puis-qu’il reconfirme l’argument économique en faveur des subventions pour le transport public, mais aussi parce qu’il est du même ordre que les précédentes études menées en Espagne sur ce sujet, et ce, même si ces dernières ont eu lieu dans les années 70. Un autre résultat important est l’élasticité-prix de l’essence, qui varie entre−0,19et−0,23. Ces résultats sont significatifs à 99%. Les auteurs font finalement remarquer que les élasticités-prix mention-nées dans leur étude sont des élasticités-prix de court terme puisque le stock de véhicules est inclus dans le modèle ; la valeur des élasticités est donc conditionnelle à un stock de véhicules constant. Cette conclusion est aussi supportée par le fait que les mesures ayant été analysées dans cette étude furent dès le début annoncées comme temporaires et n’ont duré que trois à quatre mois.

3.1.3 Modèle AIDS