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q convPlasma confiné

Chapitre 2 : Méthodes de mesure de température par radiométrie

2.1 Principes de pyrométrie radiométrique

2.1.1.2 Problème de mesure sur parois métalliques

Réaliser une mesure de pyrométrie monochromatique dans des conditions où les hypothèses sur l’émissivité et le flux réfléchi ne sont pas vérifiées va introduire une erreur sur la température mesurée. On peut illustrer les problèmes posés par la technique de pyrométrie monochromatique dans le cas d’une paroi réfléchissante en tungstène, comme ce sera le cas pour ITER. La figure 2-4 montre l’émissivité totale hémisphérique du tungstène en fonction de la température donnée par différentes références. On peut remarquer que sur toute la plage de température observable dans un tokamak, l’émissivité varie fortement mais reste assez faible, de 0,03 à 400K jusqu’à 0,28 à 2300K.

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Figure 2-4 : émissivité totale hémisphérique du tungstène en fonction de la température. (Référence : 1. [FOR24], 2. [TOU70], 3. [GRA72], 4. [KIK76], 5. [ANO85])

Nous avons calculé la luminance émise par une surface en tungstène en tenant compte de la variation de l’émissivité ε(T) en fonction de la température en accord avec les données de la figure 2-4. Cette luminance a été tracée sur la figure 2-5.

Figure 2-5 : luminance émise par une surface en tungstène en fonction de la température, λλλλ = 2 µµµµm.

La température a ensuite été calculée en inversant la relation (2-12) à partir de cette luminance en considérant une émissivité constante, comme dans le cas d’une mesure de

pyrométrie monochromatique. Le résultat de ce calcul est représenté sur la figure 2-6 pour différentes valeurs de l’émissivité utilisée.

Figure 2-6 : Température mesurée pour différentes valeurs d’émissivité choisies par la méthode de pyrométrie monochromatique. Surface : W, λλλλ = 2 µµµµm.

Si l’on suppose une émissivité de 0,28 lors du calcul de la température, l’erreur sur la température est comprise entre 6 et 12 % sur la plage de 400K à 1700K, plage sur laquelle se font la plupart des mesures de température dans le tokamak. De la même manière, prendre une émissivité proche de celle du tungstène à 1300K introduit une erreur du même ordre de grandeur sur la plage de 400 à 900K, et une erreur encore plus importante pour les températures supérieures à 1700K. Ce constat montre que si l’hypothèse d’émissivité indépendante de la température serait satisfaisante sur une plage relativement restreinte de température, elle introduit une erreur importante lorsque l’on considère la gamme complète de température que l’on cherche à mesurer dans un tokamak. Malgré cette incertitude sur l’émissivité, cette mesure de température peut être satisfaisante dans le cas d’un système de sécurité basé sur la seule limitation à une température critique. Un choix approprié de l’émissivité utilisée permettrait une mesure de température correcte au voisinage de la température critique et qui majorerait toujours la température réelle. Toutefois, ce type de mesure n’est pas satisfaisant dans le cas de l’étude des flux de chaleur à la surface du composant. Il est nécessaire, dans ce dernier cas, de mesurer avec une précision suffisante l’évolution de la température depuis un état d’équilibre initial. Cela signifie que la mesure de température doit être satisfaisante sur toute la gamme de température. Pour les composants en tungstène, on cherche à mesurer des températures de 400 K à 2300 K.

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Il est possible de prendre en compte l’évolution de l’émissivité avec la température dans l’équation (2-12) si celle-ci est connue. En effet, l’émissivité étant, dans le cas du tungstène, croissante avec la température, comme la loi de Planck, cette équation constitue toujours une relation bijective entre la température et le signal mesuré par le détecteur. On pourrait alors déterminer la température à partir du signal mesuré en utilisant la courbe de la figure 2-5. Toutefois, l’émissivité présentée sur la figure 2-4 est issu de mesures en laboratoire sur des matériaux purs et lisses. L’émissivité d’un matériau peu changer d’un ordre de grandeur selon sa composition chimique et ses propriétés de surface. En particulier, les phénomènes d’interaction plasma/paroi présentés dans le chapitre 1.1.5 conduisent à une transformation importante de la surface des composants durant leur passage dans le tokamak (cf. chapitre 3). L’émissivité, telle que représentée sur la figure 2-4, ne peut donc pas être considérée comme caractéristique de celle réellement observable dans un tokamak. De plus, il est concevable que les propriétés de surface des composants évoluent fortement durant le temps de vie de ces derniers dans la machine sous l’effet du plasma.

Pour tester l’hypothèse qui consiste à négliger les flux réfléchis, nous allons maintenant considérer que l’émissivité de la surface observée est indépendante de la température et égale à 0,28 (émissivité du tungstène à 2300 K, cf. figure 2-4). On calcule maintenant une luminance émise par la surface à l’aide de la relation (2-11) qui tient compte de la réflexion. La luminance incidente qui est réfléchie dans la direction du détecteur Li,λ, est considérée comme provenant d’un corps noir à la température Tamb.

( ) ( )

amb i

T L T

L

λ,

=

0λ

(2-14)

On calcule ensuite à partir de cette luminance la température qui en serait déduite par une mesure de pyrométrie monochromatique en utilisant la relation (2-12). La figure 2-7 représente la température calculée en fonction de la température de la surface pour différentes températures de l’environnement.

Figure 2-7 : Température calculée pour la pyrométrie monochromatique pour différentes températures Tamb de l’environnement en présence de réflexion. Emissivité de la surface observée εεεε = 0.28, λλλλ = 2 µµµµm.

La température déduite par pyrométrie monochromatique est fortement perturbée par la température de l’environnement quand la surface observée n’est pas plus chaude que cette environnement. En effet, on peut remarquer que pour un matériau ayant une émissivité de 0,28, comme le tungstène ou le béryllium, la température ambiante fixe le minimum de la température mesurable. Cette erreur est très problématique dans un tokamak où la thermographie par pyrométrie monochromatique est utilisée pour surveiller les composants. On peut prendre en exemple le cas d’un composant face au plasma en béryllium. La température de fusion de ce matériau est assez basse, de l’ordre de 1500 K. Pour éviter d’endommager ce composant, on limitera la puissance injectée dans le plasma si la température mesurée sur ce composant dépasse 1100 K environ. La réflexion d’une zone à 1300 K, comme un point d’impact du plasma dans le diverteur, sur le composant en béryllium conduira la sécurité du système de surveillance infrarouge à couper la puissance alors que la température réelle du composant pourra être beaucoup plus basse. Une étude du problème posé par les réflexions sur les mesures de température dans différents Tokamak a été réalisée par D. Guilhem en assimilant l’enceinte du Tokamak à une sphère intégrante (cf. [GUI06]).

La mesure de température par pyrométrie monochromatique est donc très sensible à la variation de l’émissivité de la surface observée et aux flux parasites provenant de l’environnement réfléchi par cette surface. La surveillance par thermographie infrarouge actuellement effectuée dans les tokamaks ne pourrait pas correctement jouer son rôle sur des

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composants en tungstène et en béryllium. Les deux méthodes de mesures qui sont présentées ensuite cherchent à réduire l’influence de ces deux perturbations sur la mesure.

2.1.2 Pyrométrie bichromatique

La pyrométrie bichromatique est une extension de la pyrométrie monochromatique en travaillant à deux longueurs d’onde au lieu d’une seule pour supprimer la dépendance de la mesure à l’émissivité (cf. [BER87]). Son principe consiste à utiliser en parallèle deux montages de pyrométrie monochromatique visant une même surface de mesure (cf. figure 2-8). Chaque pyromètre monochromatique possède un filtre étroit autour d’une longueur d’onde

λ1, respectivement λ2. La relation (2-12) est donc vérifiée pour chacun des pyromètres indépendamment, mais toujours en négligeant le flux réfléchi et en considérant comme uniforme la température sur la zone observée par le pyromètre. Le rapport des signaux mesurés à la sortie de chacun des détecteurs suit, en théorie, la relation :

( )

( )T

L

T

L

f f f f 0 2 2 2 0 1 1 1 2 1 λ λ λ λ

ε

α

ε

α

=

Σ

Σ

(2-15)

Figure 2-8 : schéma de la pyrométrie bichromatique utilisant une séparatrice.

Les indices 1 et 2 indiquent les paramètres relatifs à chacun des pyromètres. Les variables

est maintenant remplacée par l’hypothèse d’une émissivité indépendante de la longueur d’onde, soit :

1

2 1

=

f f λ λ

ε

ε

(2-16)

Cette relation doit être vérifiée quelle que soit la température. Elle est plus facile à obtenir que l’hypothèse précédente en choisissant convenablement les deux longueurs d’onde λ1 et λ2, suffisamment proches l’une de l’autre pour que la variation d’émissivité sur la bande spectrale correspondante soit négligeable. La largeur et l’existence d’une telle bande spectrale dépend essentiellement du matériau observé. Par exemple, l’émissivité spectrale du tungstène est représentée sur la figure 2-9 à différentes températures.

Figure 2-9 : émissivité spectrale du tungstène en fonction de la longueur d’onde et à différentes températures (réf. [LAS99], p 38).

Pour ce matériau, l’émissivité dépend peu de la longueur d’onde dans le domaine visible, entre 300 et 500 nm, mais ce domaine n’est pas approprié pour la gamme de température que l’on veut mesurer (cf. section 2.1.1.1). Par contre, l’émissivité varie fortement avec la longueur d’onde sur le domaine du proche infrarouge. Le tableau 2-1 récapitule quelques valeurs d’émissivité extraites de la figure 2-9 pour quatre longueurs d’onde dans l’infrarouge. On peut

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aussi noter sur cette courbe le point remarquable à 1,27 µm pour lequel l’émissivité du tungstène est égale à 0,33 et est indépendante de la température.

Tableau 2-1 : émissivité du tungstène pour quatre longueurs d’onde à 1600 et 2000 K.

Le rapport des émissivités à 1600 nm et à 2000 nm donne 1,252 à 1600 K et 1,222 à 2000 K. On peut remplacer sur ce domaine spectral, l’hypothèse de l’émissivité indépendante de la longueur d’onde par une hypothèse d’un rapport des émissivités connu et indépendant de la température. Dans le cas du couple de longueur d’onde précédent, cela revient à considérer que le rapport des émissivités est égal à 1,237 à 1,2 % près sur une gamme de température de 400 K. L’incertitude sur le rapport des émissivités augmente avec la taille de la plage de température considérée et avec l’écart entre les deux longueurs d’onde. Pour le couple de longueur d’onde 1600 et 2200 nm, le rapport vaut 1.365 à 3,3 % près et 1,53 à 3.7 % près pour le couple 1600 et 2400 nm. Dans la suite, on considère que le rapport des émissivités, qui sera simplement noté