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Problème de la biodisponibilité des principes actifs hydrophobes et ses solutions

Chapitre 1. Analyse bibliographique : Problème de la biodisponibilité des principes actifs

1.1. Problème de la biodisponibilité des principes actifs hydrophobes et ses solutions

Bien que des progrès significatifs dans la pharmacologie moderne aient été réalisés, il y a encore des domaines où des améliorations substantielles doivent être apportées, pour atteindre un niveau supérieur d’efficacité thérapeutique. En particulier, une faible biodisponibilité et de mauvaises caractéristiques pharmacocinétiques sont toujours au cœur des principales causes d'échec du développement de nouveaux médicaments. Au fil des ans, beaucoup de principes actifs (PA) prometteurs ont ainsi vu leur mise sur le marché compromise en raison de problèmes au niveau de la solubilité, la taille, la sélectivité d'action et de la sensibilité à la dégradation. Par exemple, le premier obstacle majeur à contourner – une solubilité faible dans l’eau, est une propriété distinctive de plus de 60% des PA issus des laboratoires de recherche [1, 2], et de plus de 40% de ceux qui sont sur le marché [3-6]. En fin de compte, cela limite l’efficacité de traitement de plusieurs maladies et pathologies incluant les troubles aussi graves que le cancer (p.ex. avec le paclitaxel [7], l’étoposide [8], la doxorubicine [9]), le SIDA (saquinavir [10]), des maladies provoquées par des bactéries et des champignons pathogènes (vancomycine [11], itraconazole [12], amphotéricine B [13] etc.), dans le cas de la suppression médicale du système immunitaire (cyclosporine [14], 6-mercaptopurine [15]) etc. De plus, ces facteurs rendent difficiles les études pharmacologiques de certains nouveaux composés prometteurs (resveratrol [16], ontazolast [17] etc.).

D’une manière générale, pour remédier au problème de solubilité dans les milieux aqueux de PA hydrophobes, il y a deux solutions possibles: (i) l’élaboration de nouvelles molécules actives, plus solubles, ou (ii) l’utilisation de systèmes de livraison (vecteurs) dans le cas de PA déjà approuvés et connus sur le marché.

La première solution amène généralement aux nouvelles entités chimiques (NCE, New Chemical Entity), ce qui nécessite de compléter le processus de développement, d’approbation et de la mise sur le marché. Ceci peut parfois prendre encore jusqu’à 10-15 ans supplémentaires de travail et 500-1000 millions de $US de financement [18-20]. Généralement, l’approbation s’effectue par les organismes gouvernementaux de contrôle des

médicaments, par exemple, par l’Agence de la Santé Publique du Canada [21] ou par l’Agence Fédérale Américaine des Produits Alimentaires et Médicamenteux (United States Food and Drug Administration, US FDA) [22] aux États-Unis d’Amérique etc.

L’approche de vectorisation est donc potentiellement plus économique car l’élaboration d’un médicament à base d’une substance active déjà approuvée est généralement moins couteuse et plus courte (approximativement 20-50 millions de $US et 3-4 ans [20]). Dans ce cas, l’approbation de nouveaux médicaments est simplifiée et passe par l’Investigational New Drug Application (IND) basée sur les paramètres de biodistribution et pharmacocinétiques, touchant respectivement à l’absorption, la distribution, le métabolisme et l’excrétion (ADME) [23].

En dehors de l’aspect économique, la vectorisation est intéressante également pour remédier aux autres facteurs menant à la diminution de l’efficacité de médicaments. Par exemple, dans la circulation systémique, la taille minimale de particules médicamenteuses est déterminée par la filtration rénale (particules moins de 5,5 nm sont éliminées très rapidement [24]), tandis que la taille maximale est limitée par la phagocytose importante des micro- particules dans la gamme de 1-6 μm et les propriétés emboliques des objets encore plus grands [6]. Un manque de sélectivité par rapport au site pathologique peut également présenter une difficulté d’atteindre un optimum thérapeutique, surtout quand il s’agit de PA hautement toxiques, p.ex. agents antinéoplasiques [25]. La sensibilité à la métabolisation est aussi un facteur à prendre très au sérieux car des métabolites perdent souvent l’efficacité comparativement aux molécules actives initiales [26, 27]. Les conséquences découlant des facteurs négatifs ci-mentionnés sont une augmentation des doses à administrer et de leur fréquence, ce qui provoque souvent les effets toxiques et indésirables [6]. Ainsi, afin de neutraliser ces effets néfastes, un vecteur idéal devrait normalement posséder une taille et les propriétés de surface appropriées, être capable d’encapsuler efficacement les molécules de PA hydrophobe, en les isolant de l’environnement biologique et, finalement, de les libérer dans un site pathologique en question. En outre, le vecteur doit être non toxique à court et long terme. Cela met en évidence la nécessité de s’assurer de la sécurité du vecteur non seulement au niveau de l’intégrité de sa structure, mais également au niveau des produits de sa possible biotransformation.

De nos jours, beaucoup d’espoirs ont été mis dans les systèmes de livraison de PA à l’échelle nanométrique (nanovecteurs). De nombreux types de systèmes ont été proposés pour la nanovectorisation : liposomes, micelles, nanocapsules polymériques et lipidiques solides, nanogels, dendrimères, ainsi que les nanotubes de carbone etc. [6, 28-32]). Parmi ceux-ci, les vecteurs les plus étudiés sont les liposomes et les nanocapsules polymériques [31, 33, 34]. Chacun de ces nanosystèmes a ses avantages et ses inconvénients. Par exemple, dans le cas de liposomes, plusieurs formulations sont déjà approuvées par US FDA et même produites à l’échelle industrielle [35-39], en raison de l’amélioration revendiquée par rapport à l’utilisation de PA non formulés. Néanmoins, les problèmes de stabilité dans les milieux biologiques [40], ainsi que de la préparation, nécessitant d’utiliser l’appareillage très sophistiqué et couteux (pour assurer la reproductibilité au niveau de la taille et la composition) [36], restent toujours actuels. Les nanovecteurs à base de polymères sont généralement plus stables que les liposomes, cependant, la distribution de taille des nanoparticules résultantes constitue un obstacle très important à contourner [41-43]. Présentement, plusieurs systèmes de livraison polymériques biodégradables se retrouvent sur le marché [20]. L'absence de nano- formulations polymériques anticancéreuses, recevant l’approbation de la part de US FDA, est cependant surprenant, en raison de la vaste gamme d’architectures de polymères proposés à cette fin, ainsi que de la recherche en plein essor dans le domaine [44].

D’autres préoccupations qui entravent significativement le développement de différents systèmes de nanovectorisation sont des taux de livraison ciblée insuffisants et le contrôle faible de la libération du PA [45]. Encore de nos jours, il n’existe pas de vecteur idéal avec les propriétés du concept hypothétique de « magic bullets » de Paul Ehrlich, permettant de livrer la majorité, sinon la totalité, d'une charge thérapeutique sans avoir d’effets significatifs sur des tissus non ciblés. En outre, plusieurs scientifiques éminents nous avertissent clairement qu’aujourd’hui, la réalité de la nanovectorisation est « loin de ce scénario idéal ... Sans des changements dramatiques dans nos approches actuelles, la recherche en livraison ciblée de médicaments est susceptible de faire peu, le cas échéant, d’avancées significatives dans l'avenir » [45].

Dans ce contexte, les vecteurs présentant des systèmes unimoléculaires (p.ex., polymères en étoile [46], hydrogels [47-49] et dendrimères [50-52]) semblent être plus

prometteurs. Ces structures peuvent combiner efficacement une stabilité élevée dans les milieux biologiques et, en même temps, une capacité d’encapsuler les molécules de PA. Parmi ces systèmes, les dendrimères, macromolécules symétriques et hautement branchées, méritent à juste titre plus d’attention. En particulier, grâce à l’architecture bien définie, ils permettent d’atteindre un très haut niveau de reproductibilité de résultats, tout en évitant le problème de polydispersité. Il est cependant à noter que la conception de nouveaux nanovecteurs dendritiques est toujours d’actualité, en particulier, pour les raisons que nous allons développer dans les parties suivantes du manuscrit.

1.2. Dendrimères et leur utilisation comme agents d’encapsulation