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Prise en compte des concentrations de contrainte

160 000 cycles. Il est évident que le matériau aura rompu avant d’atteindre de tels états de déformation. La fonction qui donne l’évolution de la déformation progressive peut être utilisée pour estimer une résistance au rochet. Il faut pour cela se fixer une déformation maximale εmax (une déformation à rupture ou à striction

par exemple) et déterminer le nombre de cycles Nrochet nécessaires pour que la déformation progressive

atteigne cette valeur. Si cette valeur est très faible devant la durée de vie estimée par ailleurs, la ruine de la structure aura lieu par rochet. Dans le cas présenté plus tôt, 1 000 cycles suffisent à atteindre une déformation progressive de 10% par exemple.

1.5

Prise en compte des concentrations de contrainte

Les défauts observés dans les structures d’intérêt sont des trous dans la matière. Ils agissent comme des concentrateurs de contrainte au cœur du matériau. Ainsi, le champ de contrainte est localement perturbé, ce qui modifie la durée de vie. Deux effets peuvent avoir un impact sur la durée de vie d’une éprouvette : l’effet d’échelle et l’effet de gradient. Le premier est un effet statistique : il est lié à la probabilité de trouver un défaut subissant un chargement suffisamment sévère pour amorcer une fissure. C’est la raison pour laquelle la limite d’endurance en fatigue diminue quand la taille des éprouvettes augmente pour un même matériau. De même, dans le cas de défauts artificiels, la limite d’endurance diminue lorsque le nombre de défauts introduits augmente [Abroug et al. 2018]. Le second effet, dit de gradient, est parfois qualifié de « bénéfique ». En effet, pour une même évolution des tenseurs des contraintes et des déformations au point critique, la durée de vie est plus élevée si un gradient de contrainte est observé. En effet, en présence d’un gradient, le volume de matière qui est fortement sollicité [Palin-Luc et Lasserre 1998] diminue comme mis en évidence sur la Figure 1.7

Figure 1.7 – Représentation du volume d’influence sur des éprouvettes cylindriques pour différentes condi- tions de chargement (traction, flexion rotative, flexion plane). La zone S? est définie comme l’ensemble des

points pour lesquels la moyenne sur un cycle de la densité volumique d’énergie élastique est supérieure au seuil W?

a. La figure est issue de [Palin-Luc et Lasserre 1998].

La Figure 1.7 permet aussi de mettre en évidence le couplage entre les deux effets : l’introduction d’un gradient modifie grandement le volume de matière subissant un chargement sévère pour une même taille d’éprouvette. Un autre effet lié au volume de matière sollicité peut être mis en évidence par les diagrammes de Kitagawa [Murakami 2002] comme présenté sur la Figure1.8. Ce type de diagramme représente l’évolution de limite d’endurance d’un matériau en fonction de la taille d’un défaut dont la forme n’évolue pas. La diminution de la limite d’endurance lorsque le défaut grossit est liée à la croissance de la zone fortement chargée près du défaut. Il est intéressant de noter que pour les 4 matériaux étudiés dans la Figure1.8, il existe une taille critique en dessous de laquelle le défaut n’affecte pas la limite d’endurance du matériau. En effet, lorsque les défauts ont une taille de l’ordre de grandeur de la microstructure, d’autres effets (notamment d’orientation locale des grains autour des défauts [Bracquart et al. 2018]) entrent en jeu. Il est alors impossible de différencier les effets de la microstructure et des défauts. Différents auteurs [Papadopoulos et Panoskaltsis

Figure 1.8 – Évolution de la limite d’endurance de différents matériaux avec la taille d’un défaut artificiel en surface. La figure est issue de [Murakami 2002].

1996 ; Morel et al. 2009] avancent que l’effet de gradient est souvent prépondérant devant l’effet de taille pur.

Un traitement particulier des zones de concentration de contrainte est donc nécessaire pour évaluer correctement la durée de vie de la structure. En effet, en traitant les champs de contrainte issus de la simulation, les durées de vie auront tendance à être sous-estimées. Ce travail s’intéresse aux gradients causés par les défauts et la géométrie de la pièce. Plusieurs solutions ont été proposées pour pallier ce problème. La première d’entre elle consiste en l’application d’un coefficient de correction à un calcul mené sans le concentrateur. Dans les années 80, des approches « non locales » ont fait leur apparition. Elles sont qualifiées ainsi car la durée de vie n’est pas évaluée directement au point chaud de la structure.

1.5.1 Facteur de concentration de contrainte élastique et de fatigue

L’introduction d’un défaut dans une structure induit l’apparition de fortes contraintes autour de ce dernier. Le rapport entre la contrainte maximale avec défaut et la contrainte nominale (sans défaut), toutes deux calculées en élasticité linéaire, est appelé le facteur de concentration de contraintes Kt :

Kt=

σlocalmax

σnom. (1.44)

Ce facteur Kt dépend de la géométrie du concentrateur et de la direction de chargement. Ces valeurs sont

d’ailleurs tabulées dans la littérature pour un grand nombre de géométries et de types de sollicitations [Pilkey 1997]. Par exemple, Kt dépend du coefficient de Poisson pour une cavité sphérique prise dans un

massif infini soumis à un chargement de traction simple [Mura 1987] : Ktsphère = 3(9 − 5ν)

2(7 − 5ν) (1.45)

Dans le cas d’un matériau métallique, ν est proche de 0,3, ce qui mène à une valeur de Kt de 2,04. Cela ne

veut cependant pas dire que la durée de vie d’une pièce contenant un défaut sphérique est réduite de moitié. L’abattement sur le nombre de cycles à rupture est quantifié par un facteur de concentration de contraintes, dit de fatigue, noté Kf :

Kf(NR) = σnom.N R σNconc. R (1.46) Ce coefficient compare les amplitudes de contrainte à appliquer à une éprouvette sans concentrateur σnom.

NR

et une éprouvette avec concentrateur σconc.

1.5. PRISE EN COMPTE DES CONCENTRATIONS DE CONTRAINTE 21 introduit par [Peterson 1959] comme le rapport entre les limites d’endurance obtenues sur des éprouvettes lisses et entaillées. La détermination de ce coefficient requiert donc de nombreuses expériences sur éprouvettes avec et sans concentrateurs. Il est généralement observé que Kf est compris entre 1 et Kt. Ainsi, une

singularité géométrique est moins nocive que son facteur de concentration de contrainte élastique pourrait le laisser croire. Des relations entre les deux coefficients Kt et Kf sont proposées dans la littérature. Certaines

d’entre elles se mettent sous la forme :

Kf = 1 +

Kt−1

1 + α a r

β (1.47)

où r est le rayon de fond d’entaille, a une constante dépendant du matériau et α et β des constantes fixées par les auteurs (voir Tableau1.1).

Tableau 1.1 – Coefficients des formules liant les coefficients Kt et Kf.

Formule α β

[Peterson 1959] 1 1 [Neuber 1958] 1 1/2 [Heywood 1955] 2 1/2

Ces approches, bien qu’extrêmement efficaces (seul un calcul élastique est nécessaire), sont limitées à des géométries simples et générant de faibles concentrations de contrainte. Dans la suite, des approches dites « non locales » sont utilisées.

1.5.2 Approches non locales

Comme évoqué plus tôt, l’application d’un critère de fatigue au bord d’une singularité géométrique résulte généralement en une sous-estimation de la durée de vie. Plusieurs méthodes proposent d’évaluer la durée de vie en utilisant des grandeurs mécaniques en d’autres points que le point chaud. Toutes ces méthodes introduisent une longueur caractéristique qui sera notée l dans la suite.

Les premières approches [Devaux et al. 1980] proposent de s’intéresser à l’amplitude de contrainte or- thoradiale ∆σθθ à une distance l de la singularité. Des essais d’amorçage en fatigue pour des éprouvettes

avec des rayons d’entaille différents ont permis d’identifier la longueur l pour des aciers inoxydables. D’autres auteurs [Taylor 1999] proposent de s’intéresser en élasticité linéaire au tenseur des contraintes à une distance l du concentrateur ou à sa moyenne sur une ligne de longueur l émanant du concentrateur. La longueur l est souvent reliée à la microstructure du matériau d’intérêt. Cependant, dans le cas de chargements provoquant de la plasticité autour des concentrateurs, cette approche s’est révélée inefficace pour prévoir l’abattement de la durée de vie.

Il est aussi possible de considérer une moyenne sur un volume [Adib et Pluvinage 2003]. Un avantage de cette approche est qu’elle ne dépend pas de la surface, ni de la forme du concentrateur. Elle permet un traitement plus rapide de singularités géométriques aux formes complexes comme les défauts d’intérêt dans cette étude. Une quantité d’intérêt Q au point x0 est remplacée par sa moyenne ˆQ :

ˆ Q(x0) = R 1 Ωφ(x0, x) dΩ Z Ω Q(x )φ (x0, x) dΩ (1.48) où φ(x0, x) est un noyau centré en x0 dans lequel intervient la longueur caractéristique l. Dans ce travail, ce noyau sera de la forme :

φ(x0, x) =

(

1 si kx0 − x k ≤ l

0 sinon (1.49)

Ainsi, en un point x0, la moyenne de Q est prise sur l’intersection entre la sphère de centre x0, de rayon l et le domaine spatial de la structure Ω. Le choix est fait ici de calculer la quantité Qeff du critère de durée

de vie et d’en calculer la moyenne. La durée de vie est alors estimée grâce à l’Équation (1.30) où Qeff est