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B. Deuxième présentation clinico-théorique : Issan et sa maman dans le groupe piscine parents-

II. Présentation du cas clinique : Issan et sa maman

4. Prise en charge d’Issan

En 2013, Madame emmène d’elle-même Issan en consultation au CMP car elle est inquiète. Issan, âgé d’à peine deux ans, se tape la tête contre les murs, se projette en arrière, hurle, projette des objets. Il est impossible de le prendre dans les bras. Outre cette agitation et désorganisation corporelle, c’est un enfant qui ne parle pas. Il se fait comprendre mais ne répète aucun mot. Les symptômes semblent liés aux violences conjugales dont Issan a été témoin. Il doit en effet, avoir les images en tête, de sa mère battue et violentée. «Or, le fait d’avoir subi directement la violence ou de n’en avoir été que spectateur n’induit pas de différence significative dans l’ampleur et la gravité des troubles du développement produits chez l’enfant qui y est confronté de façon précoce et répétée»72. Ainsi le fait qu’Issan ait été spectateur des violences conjugales a eu un impact sur son développement psycho-affectif.

Issan est alors pris en charge au CMP en mai 2013, pour trouble de la relation et retard global du développement dans un contexte de carences éducatives et de violences physiques dans le couple parental. Il présente une agitation et une instabilité psychomotrice. Il y a un retard global concernant la motricité fine, le graphisme et les préapprentissages scolaires. En revanche concernant la motricité globale, il n’y a pas de retard ; la marche par exemple, a été acquise à douze mois. Au niveau de la communication il y a très peu de langage. Dans ses conduites relationnelles et émotionnelles, il manifeste une difficulté dans la relation avec les pairs et une intolérance à la frustration. Il fait en effet des crises d’agressivité en situation de frustration. Cela a un retentissement sur sa sécurité : une surveillance constante est nécessaire en raison de mise en danger. Il y a également un retentissement sur la scolarité, en effet lorsqu’il est en âge d’entrer à l’école, apparaît la nécessité d’une Aide à la Vie Scolaire (AVS) pour le contenir.

Une prise en charge régulière est alors mise en place avec un suivi en pédopsychiatrie, l’intégration d’un petit groupe thérapeutique autour de la socialisation avec une infirmière et un psychiatre, et plus tard un suivi en psychomotricité (un bilan psychomoteur est alors réalisé73). Ces dispositifs ont lieu une fois par semaine. La famille bénéficie alors d’une allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) pour l’accompagnement aux soins.

72 Ibid, p.54

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Au début de la prise en charge, avant le placement, le suivi était très discontinu. Les soins d’Issan étaient en effet peu réguliers, en fonction de l’état de la mère. Pour justifier son irrégularité, elle prétextait des problèmes de dos, mais en réalité elle était violentée. Les soins au CMP étaient alors interrompus.

Lors des premières rencontres, Issan était extrêmement agité, instable, peu dans la relation, sans langage, se tapant la tête contre les murs. Madame était incapable de s’accorder avec son fils, de lui poser de limites ou de le contenir.

Depuis le placement, Madame est très assidue et régulière pour les soins de son fils. Avec les différents suivis, Issan commence à faire des progrès. En effet, après le placement en foyer et «la mise en route» du suivi, Issan est un enfant beaucoup plus posé, ouvert à la relation, curieux, avec un accès aux jeux symbolique. Le langage commence alors à s’installer. Madame, elle, est plus apaisée, et a pu exprimer ses difficultés à s’occuper de ses enfants.

En Août 2014, le projet thérapeutique pour Issan, est d’intégrer par la suite un Centre d’Activité Thérapeutique à Temps Partiel (CATTP) et une famille d’accueil thérapeutique (Issan étant placé depuis juin 2014). Le suivi en pédopsychiatrie se poursuit, et à partir de septembre 2014, à l’âge de trois ans, Issan intègre le groupe piscine parents-enfants. Madame participe alors consciencieusement aux soins, à savoir le groupe piscine parents-enfants - pendant lequel elle partage un moment privilégié avec son fils - et les entretiens avec la pédopsychiatre une fois toutes les trois semaines.

Le suivi en psychomotricité cesse en 2015. Issan est désormais suivi au Jardin d’Enfant Thérapeutique (JET) depuis septembre 2015, trois fois par semaine. Ainsi il entame, cette année, sa deuxième année au JET. Le père commence alors à être plus présent et s’intéresse aux soins de son fils.

Issan est actuellement scolarisé en grande section. Mais malgré la reconnaissance de besoin de soins par la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH), il n’a pas eu d’AVS dès la petite section. Ce qui limitait le temps de scolarisation à une heure par jour car en grand groupe Issan était rapidement désorganisé. Puis l’école a accepté d’augmenter un peu le temps de scolarisation, le trouvant progressivement plus apaisé et une AVS, présente constamment, a été mise en place.

Depuis le début de la prise en charge, Issan a en effet fait beaucoup de progrès : il a désormais un accès au langage (depuis le placement). Il présente moins d’instabilité et d’agressivité envers les pairs, ainsi que moins d’intolérance à la frustration. Mais malgré tout, un retard global (surtout au niveau du langage et de certaines fonctions psychomotrices comme la canalisation de la motricité et la régulation tonique) persiste, auquel s’ajoute un trouble de

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l’attention. Il présente en effet des difficultés de concentration qui nécessitent l’étayage de l’adulte. En revanche les progrès dans la relation mère-enfant sont visibles et évidents74. Après

notamment deux ans dans le groupe piscine parents-enfants, Issan commence à être plus posé et à créer un vrai lien : il interpelle l’adulte et pose beaucoup de questions. Ainsi il s’apaise et s’humanise.

Malgré les progrès, Issan a encore besoin de soins, surtout que le rapport au groupe reste difficile. Une prise en charge plus institutionnalisée paraît indiquée. Le retour à domicile a progressivement été envisagé et s’est petit à petit préparé. Madame était alors plutôt angoissée de savoir ce qu’elle allait faire avec ses enfants, comment les occuper. A partir de décembre 2016, (Issan est alors âgé de cinq ans) Madame a eu la garde continue. Bien qu’il s’agisse d’une étape importante et favorable à la relation mère-enfant, Madame reste fragile et a besoin d’être soutenue et accompagnée dans son rôle de mère.

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