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CHAPITRE 1. LA PROBLEMATIQUE DES PERSONNES A RISQUE DE PERTE D’AUTONOMIE

4. Les technologies pour la prévention de la perte d'autonomie

4.3. Prise en charge de la fragilité et de la perte d’autonomie fonctionnelle

Comme la section précédente, nous organiserons cette partie en suivant la logique de la prise en charge clinique et donc en partant du screening ou dépistage vers le diagnostic. En suivant nous aborderons le domaine de l’intervention à proprement parler et enfin les outils de suivi. La fragilité précédent schématiquement la dépendance, nous appliquerons en premier lieu cette démarche à celle-ci avant de traiter de la perte d’autonomie. La Figure 9 résume la chronologie de cette démarche clinique.

Figure 9.Dépendance fonctionnelle, chronologie de la démarche clinique.

4.3.1. Outils ciblant la fragilité

Les patients hospitalisés dans les services de gériatrie sont pour la plupart à un stade évolué de dépendance et donc en aval de la fragilité. Les personnes fragiles sont en général en dehors des filières de soins gériatriques : consultation de médecine générale ou spécialisée, en relation avec les partenaires médico-sociaux ou avec les autres acteurs de soins (infirmière ou pharmaciens par exemple). Les supports informatiques (e.g. auto-questionnaires sur internet, Smartphones, tablettes, bornes dans les pharmacies) nous donnent l’opportunité d’élargir le repérage des sujets fragiles (à moindre coût) en soins primaires et dans le grand public à travers les divers réseaux médico-sociaux existants mais nous n’avons pas identifié de travaux cliniques en cours sur ce thème. Le diagnostic clinique reste chronophage. Ces technologies pourraient donc dans l’avenir nous aider à améliorer les moyens diagnostiques dans le sens de la précision ou de la rapidité d’exécution par exemple. Des outils facilitant le travail des médecins de première ligne (cabinet de médecine générale) seraient les bienvenus. Il en est de même pour les outils permettant un diagnostic plus écologique (dans la vie réelle), par exemple par le biais de capteurs ambiants sur le lieu

38 de vie. Cela limiterait les biais de mesure rencontrés dans le contexte hospitalier et améliorerait l’exactitude diagnostique.

Les outils de suivi et de soutien aux interventions font également partie des besoins non couverts. Rappelons que la fragilité est un syndrome plurifactoriel et sa prise en charge est par conséquent multimodale. Les outils informatiques pourraient aider à la mise en place et à la coordination de programmes de prise en charge complexes en faisant appel à de multiples intervenants. Des outils d’exercice physique adaptés à cette population (renforcement musculaire, endurance) seraient également envisageables. Les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) couplés aux capteurs embarqués pourraient offrir des outils de soutien et d’éducation thérapeutique pour pérenniser les interventions proposées (e.g. exercice physique, nutrition, médicaments) avec l’avantage majeur de diffusion plus large et moins coûteux en ressources. Il semble exister aujourd’hui de sérieux argument en faveur de l’efficacité potentielle et de la faisabilité de la réalité virtuelle et des jeux multimédias pour la stimulation cognitive mais aussi pour l’activité physique [64]. Une étude pilote a par exemple évalué la combinaison d’exercices cognitifs et physique avec comme support une plateforme informatique chez 50 personnes âgées en bonne santé ou présentant un MCI avec des résultats encourageants sur la cognition et l’humeur [65]. Quelques études sur de faibles effectifs ont également été menées avec des outils du commerce tel que la Wii balance board mais ne portaient pas spécifiquement sur une population fragile [34]. D’autres travaux traitent de l’intérêt potentiel des nouvelles technologies pour diminuer l’isolement social chez les personnes âgées, isolement social qui est reconnu comme un facteur de risque de fragilité [66]. Reste à savoir sur ce point s’il faut des outils dédiés ou si les outils « grand-public » peuvent servir de support à des services appropriés.

Concernant le suivi, tout semble à faire. L’évaluation médicale des centres de gérontologie et la mise en place de protocoles d’intervention personnalisés se heurtent à une rupture dans le suivi ambulatoire qui est souvent défaillant ou discontinu. La surveillance de paramètres physiologiques, notamment par le biais de capteurs porté ou enfouis à domicile, semble être incontournable dans le sens où le suivi continu des critères de fragilité, n’est pas assuré à l’heure actuelle. Outre l’appréciation plus juste de l’évolution du patient, il permettrait de réagir en amont d’un évènement morbide en cas de détérioration infra-clinique importante (e.g. dégradation de la vitesse de marche d’un patient fragile précédant une chute). Un tel système pourrait reposer sur le patient et son entourage, ou bien sur une permanence dans le cadre d’un télé-suivi mais se heurte alors au modèle médico-économique. Un système de détection/suivi de la fragilité a été développé dans le cadre d’études pilotes par l’UUniversité Technologique de Troyes [67,68], il se base notamment sur la mesure de la force de préhension par un « grip ball », par l’évaluation de la mobilité par l’utilisation d’un smartphone (accéléromètre 3D) et enfin par le suivi du poids et du risque de chute par une balance connectée.

39 4.3.2. La dépendance fonctionnelle

La perte d’autonomie fonctionnelle des personnes âgées peut porter sur les actes basiques de la vie quotidienne ou « activity of daily living (ADLs) » (e.g. autonomie pour la toilette), ou à une phase plus précoce, chez les personnes passant de l’état fragile à pré-dépendant sur les activités complexes de la vie quotidienne ou « instrumental activities of daily living (IADLs) » (e.g. utiliser le téléphone). Les tests de référence restent très formels et disent peu sur le retentissement fonctionnel réel des troubles dans la vie courante. Pour apprécier ce handicap, l’utilisation d’échelles d’hétéro évaluation est très dépendante de l’appréciation des aidants qui peuvent mal apprécier certains troubles voire être dans le déni.

Dans le domaine du diagnostic, certaines technologies peuvent permettre de typer le trouble, de le mesurer et de préciser son retentissement. Le simulateur de conduite (IADL) se prête particulièrement à une évaluation écologique du retentissement des troubles [69]. Il serait également possible de caractériser les activités de la vie quotidienne par l’analyse du « profil électrique » du patient (utilisation des éclairages, des appareils ménagers), c’est en tout cas ce que suggère une étude de faisabilité portant sur 13 volontaires suivis pendant 6 mois [70]. Une autre étude portant sur 65 volontaires suggère que l’analyse de données vidéo d’un scénario de la vie quotidienne peut permettre de détecter les difficultés dans les activités complexes de la vie quotidienne (IADL) chez les personnes atteintes de MCI ou de MA [71]. Stucki et al. rapportent quant à eux la possibilité de suivi des ADL via des capteurs ambiants avec une sensibilité de 91,27% et une spécificité de 92,52%. Ce travail a été toutefois réalisé que sur un petit groupe de sujets en bonne santé (10 patients de 28 à 79 ans) [72]. Cependant, peu voire aucune étude n’évalue le bénéfice potentiel réel de ces outils en pratique clinique quotidienne ce qui en limite la portée [73].

Sur le plan interventionnel, si certains travaux ont montré que les « basses technologies » telles que les cannes et déambulateurs permettaient de prolonger le maintien à domicile [74-76], cela est moins évident pour ce qui est des nouvelles technologies. En théorie, les technologies innovantes peuvent, par exemple sous la forme de stimuli visuels ou audio, permettre d’améliorer l’utilisation de ce que nous appelions précédemment les « basses technologies » comme par exemple les barres de bain afin de limiter le risque de chutes pendant la toilette [77]. Certaines solutions plus innovantes sont commercialisées, telles que des fauteuils roulants permettant de monter des escaliers mais ces équipements ne sont pas spécifiquement destinés à une population âgée. La majeure partie des travaux portant sur la perte d’autonomie traite des aides intelligentes à la mobilité et notamment les aides à la navigation et à l’évitement des obstacles. Les solutions développées utilisent des technologies d’assistance passives ou actives, le plus souvent des sonars et des capteurs infrarouges, des roues motorisées, des capteurs intégrés dans les poignées, etc. On peut notamment citer quelques études pilotes. Le « Veterans Affairs Personal Adaptive Mobility Aid (VA-PAMAID) » ou GUIDO sont des déambulateurs passifs qui fournissent une assistance

40 à la navigation et à l’évitement. Une étude clinique a évalué la faisabilité chez 45 personnes âgées présentant des troubles visuels en institution mais le bénéfice comparativement à une aide classique n’était pas évident sur la sécurité et la mobilité [78]. D’autres prototypes ont été développés [79] notamment par le « Massachusetts Institute of Technology » [80], le « Medical Automation Research Center at the University of Virginia» [81], le «Fraunhofer Institute of Manufacturing Engineering and Automation» [82], et le « Robotics Institute of Carnegie Mellon University» [83]. Il s’agit d’études de faisabilité, incluant peu de patient et généralement déjà institutionnalisés. Toujours dans le domaine de la marche et du risque de chute, un système de prévention des chutes chez les sujets âgés a démontré son efficacité chez 194 personnes âgées. Il s’agit du couplage d’un « chemin lumineux » et d’un service de téléassistance au domicile. Cela reste malgré tout à confirmer par un essai randomisé. [84]. Pour finir, les attentes concernant les robots d’assistance portent notamment sur la surveillance, le lien social, mais également l’aide physique. La plupart des projets à l’heure actuelle sont pilotes et certains objectifs ne sont pas encore réalistes en 2015 et restent de l’ordre du prospectif [85-87]. Comme nous avons pu le voir, dans la section précédente, de nombreuses personnes âgées présentant des troubles cognitifs débutants nécessitent l’assistance permanente d’un aidant pour réaliser les actes de la vie quotidienne. D’un point de vue purement fonctionnel cette fois ci, les « promtpings » ou rappels audio, visuels ou vidéo à l’aide d’outils dédiés ou de téléphones mobiles pourraient un jour succéder aux traditionnels « post-it ». Certaines équipes ont réalisé des travaux dans ce sens, allant même jusqu’à coupler les rappels à des capteurs ambiants. Une étude a par exemple évalué la faisabilité d’un système de prompting, le « Cognitive Orthosis for Assisting aCtivities in the Home (COACH) », pour les actes basiques de la vie quotidienne chez 6 patients (lavage de mains) pour guider automatiquement le patient en fonction des données de tracking vidéo et à l’aide de rappels audio et vidéo [88]. Un suivi vidéo automatisé de la position des mains par rapport aux objets (savon, serviette etc.) est réalisé, et des rappels sont générés en fonction de l’évolution des tâches afin de faciliter son bon déroulement. Un autre projet, « Archipel », utilise une organisation semblable pour les tâches de cuisine. Des tags RFID répartis dans la cuisine, permettent de suivre les étapes de la réalisation d’une recette et de générer des rappels si nécessaire [89]. D’autres études pilotes, portant sur la toilette, l’habillage, le dressage de la table à manger, ou encore la préparation du café ont été menées [90-93] mais les résultats ne semblent pas encore en mesure de modifier la prise en charge des personnes âgées en pratique clinique courante. Certains projets, néanmoins, semblent plus proches des usages réels ; on peut citer l’étude pilote de Donnelly et al. portant sur des couples aidants-aidés et évaluant l’usage de rappels vidéo préenregistrés sur le téléphone portable par l’aidant à destination du patient [94].

Le suivi des performances pour la réalisation des actes de la vie quotidienne pourrait permettre de donner aux aidants familiaux et professionnels une évaluation objective des besoins en soins au fil de l’eau. Schikhof et al. [95] ont par exemple évalué une salle de bain équipée de capteurs divers (micros, cameras, etc.) mais le système était jugé trop intrusif. Chen et al. ont également mis en place un système permettant de donner des informations