• Aucun résultat trouvé

III.3 Distribution d’énergie dans la pince optique

III.3.1 Principes généraux

Parmi les hypothèses que nous avons effectuées dans notre simulation de température par lâcher et recapture, nous avons supposé que les distributions de vitesse et de position des atomes dans le piège étaient des distributions thermiques. Bien que nos précédentes mesures valident ces hypothèses, nous allons à nouveau les vérifier dans cette partie en mettant en place une technique expérimentale ne faisant pas appel à ces hypothèses et permettant le cas échéant de déterminer la température de la distribution étudiée.

Le principe de cette technique est de mesurer indirectement la distribution en énergie des atomes uniques piégés dans la pince optique en effectuant une analyse spectroscopique du piège par diminution de la profondeur du puits. Si la distribution obtenue est effective- ment thermique, il est possible d’en déterminer la température et de comparer celle-ci à nos

Temps Ui

Ei

Emin= Uéch Umin = Uéch

FigureIII.14 – Evolution d’une distribution atomique thermique d’énergie moyenne initiale Ei

lors d’une évolution adiabatique jusqu’à Uéch.

précédentes mesures.

Cette méthode de spectroscopie a été proposée et expérimentalement réalisée par l’équipe de W. Alt et al. [Alt et al., 2003] et nous en avons repris ici les principales étapes. Elle convient particulièrement aux expériences d’atomes uniques, d’autres méthodes pouvant être plus effi- caces en régime multi-atomique [Brantut et al., 2008].

La méthode, que nous appliquons donc ici, consiste à diminuer adiabatiquement la pro- fondeur du puits de potentiel jusqu’au point où un atome confiné initialement dans un piège profond atteint une énergie lui permettant de s’échapper. Ceci n’est rendu possible que parce que la température de l’atome unique, et donc son énergie, diminue moins rapidement que la profondeur du piège. Comme on peut le voir sur la figure III.14, en réduisant la profondeur du puits, une série d’atomes d’énergie moyenne initiale Eidans un puits de profondeur Ui attein- dra une énergie moyenne Eéch pour une profondeur Uéch = Eéch. Si la profondeur est encore réduite, les atomes piégés seront perdus. En mesurant la profondeur à laquelle cet évènement se produit, il est possible de remonter à l’énergie initiale Ei que les atomes possédaient et de reconstruire ainsi la distribution réelle d’énergie des atomes.

Nous avons représenté sur la figure III.15 la séquence expérimentale que nous avons mise en oeuvre pour cette mesure. Dans un premier temps (t ≤ t2), l’atome unique est chargé (t = t1) puis refroidi par laser (∆tc = t2 − t1) dans la pince optique selon le protocole de la partie précédente. Le potentiel est ensuite (t = t3) réduit adiabatiquement de Ui = 2, 8 mK à Uf = Umin en ∆t1 = t4− t3 = 2, 5 ms. Pendant les 20 ms qui suivent, le piège est maintenu à cette profondeur de façon à laisser suffisamment de temps à chaque atome pour explorer le piège, pour effectuer plusieurs oscillations et pour s’échapper si son énergie le lui permet. Après ce temps d’attente, le potentiel est ramené adiabatiquement jusqu’à sa profondeur initiale Ui = 2, 8 mK en ∆t2= t6− t5 = 2, 5 ms (t = t6). Pour tester la présence de l’atome après cette séquence, les lasers de refroidissement sont rallumés (t = t7) et l’atome est détecté si la photodiode à avalanche observe un niveau de fluorescence supérieur au seuil

t1 t2 t3 t4 t5 t6 t7 Mélasse Commutation Temps OFF ON t1 t2 t3 t4 t5 t6 t7 Mélasse Désaccord Temps δf δi ∆tc t1 t2 t3 t4 t5 t6 t7 Mélasse Intensité Temps If Ii ∆tc t1 t2 t3 t4 t5 t6 t7 Ralentisseur Zeeman Temps OFF ON t1 t2 t3 t4 t5 t6 t7 Pince optique Temps Umin Ui ∆t1 ∆t2 t1 t2 t3 t4 t5 t6 t7 Signal PDA Temps BAS

HAUT Atome ayant survécu

Atome perdu ∆tc

FigureIII.15 Séquence expérimentale permettant d’extraire la distribution d’énergie des atomes dans le piège.

de détection. Nous remettons à la partie III.4 la discussion sur l’adiabaticité de l’ensemble de ce processus qui demande une étude approfondie. Nous allons considérer pour l’heure que ce critère est satisfait.

Nous avons appliqué cette séquence à un échantillon de 200 atomes uniques et nous avons mesuré, pour différentes profondeurs minimales Umin telles que 10−7 Ui < Umin < 10−2 Ui et dans les mêmes conditions de piégeage, la probabilité moyenne de survie. Pour permettre une interprétation plus simple de nos résultats, nous avons choisi d’utiliser sur l’axe des abscisses la grandeur normalisée Umin/Ui. Les résultats obtenus sont représentés sur la figure III.16 par des points rouges pour lesquels les barres d’erreur ont à nouveau été estimées à partir de la relation (III.1). Nous avons, en outre, ajouté sur ce schéma cinq mesures de la probabilité de survie des atomes uniques lorsque Umin = Ui. Pour ces cinq mesures, les expériences ont été conduites sur trois journées différentes et sur des échantillons atomiques allant de 100 à 400 atomes. Avec ces cinq mesures, nous pouvons à nouveau noter que la probabilité moyenne de garder un atome dans un piège dont la profondeur est maintenue constante est de 95 ± 2%. C’est pourquoi nous continuerons à normaliser nos résultats à partir de cette mesure. On peut par ailleurs noter que la dispersion de ces cinq mesures est plus importante que les barres d’erreur que nous fournissons, ce qui témoigne de fluctuations de notre système plus importantes que celles d’une analyse statistique pour une seule variable aléatoire.

−0.1 0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9 1.0 1.1 10−7 10−6 10−5 10−4 10−3 10−2 10−1 100 b c bc bc bc bc bc bc b c bc b c b c b c b c b c bc b cbc b c b c bc b cbc b c b c b cbc b c b cbcbc b c b c bcbc b c b c b c P ro ba bi lit é de su rv ie

Profondeur minimale Umin Ui

!

FigureIII.16 Probabilité de garder un atome initialement piégé dans une pince de 2,8 mK de profondeur après avoir réduit cette profondeur jusqu’à Umin.

Pour exploiter ces données expérimentales, et obtenir la distribution réelle d’énergie des atomes uniques piégés dans la pince optique, il faut pouvoir relier la profondeur Uéchà laquelle s’échappe un atome à l’énergie initiale Ei de celui-ci dans le piège. Pour établir cette corres- pondance, nous avons utilisé l’action S(E, U), à une dimension, de l’atome qui s’exprime sous la forme d’une intégrale :

S(E, U ) = Z xmax

0 p2m [E − U(x)]dx

(III.14) où E désigne l’énergie mécanique de l’atome, U(x) la valeur du potentiel au point x et xmax la position pour laquelle l’atome possède une énergie cinétique nulle soit E = U(xmax).

Dans un régime adiabatique de variation de la profondeur du potentiel, l’action est une grandeur conservée [Landau and Lifshitz, 1976] qui permet donc de relier Ei à Uéch. Pour y arriver, nous avons résolu numériquement l’équation :

S(Ei, Ui) = S(Eéch, Uéch) (III.15) selon la direction correspondant à la profondeur effective du piège, c’est-à-dire celle de la pesanteur. Ui est une donnée expérimentale fixe au cours de notre étude et donc constante dans (III.15). Dans le second membre Uéch et Eéch sont reliés par :

Eéch= Uéch(xmax) (III.16)

ce qui permet finalement d’établir le passage : Uéch/Ui → Ei/Ui. La procédure utilisée fonctionne de la façon suivante :

— Nous commençons d’abord par étudier la situation initiale de l’atome. Pour une puis- sance laser Pdip= 10 mW correspondant à un puits de profondeur laser Udip= 2, 8 mK, nous déterminons l’énergie potentielle totale du système. Nous cherchons ensuite les positions minimum et maximum de ce puits de potentiel, ce qui permet d’établir la pro- fondeur effective Ueffdu puits ressentie par les atomes. Pour différentes valeurs d’énergie Eicomprises entre 0 et Ueff, nous cherchons les positions xmaxi telle que U(xmaxi) = Ei.

Les Ei sont réparties de façon à pouvoir analyser au mieux notre problème, c’est-à-dire en rapprochant les valeurs autour du fond du puits de potentiel ainsi qu’à son maximum, là où la variation du potentiel avec la position est la plus lente. Une fois les xmaxi dé-

terminées, nous calculons numériquement l’intégrale (III.14) pour obtenir les différentes valeurs Si de l’action correspondant à différentes énergies moyennes de l’atome dans le puits.

— Nous passons ensuite à l’étude de l’échappement des atomes uniques du piège. Au cours de cette étape, nous déterminons pour différentes valeurs de profondeur du piège Ueffj,

les positions xmaxj telles que :

∂Ueffj(x) ∂x x=xmax = 0 (III.17)

Nous calculons alors numériquement l’action, dans le cas où l’atome est prêt à s’échap- per, en utilisant le fait que Ej = Ueffj(xmax).

— Dans chacune des situations précédentes, nous interpolons les courbes donnant l’action en fonction de l’énergie utilisée.

— Nous utilisons ensuite les fonctions d’interpolation obtenues pour relier les fonctions Ei et Uéchj entre elles. Pour cela, nous choisissons un jeu de valeurs pour l’action, dans le

domaine commun de valeurs des deux étapes précédentes, et déterminons pour chaque valeur de S les valeurs de Ei et de Uéchj.

10−4 10−3 10−2 10−1 100 10−7 10−6 10−5 10−4 10−3 10−2 10−1 100 Ei /U i Uéch/Ui

FigureIII.17 Relation de passage entre la profondeur d’échappement d’un atome et son énergie initiale. En rouge : résultat obtenu en tenant compte de l’effet de la gravité. En bleu : résultat ne tenant pas compte de l’effet gravitationnel.

Au final, cette analyse numérique permet d’obtenir la courbe rouge représentée sur la figure III.17. A titre indicatif, nous avons représenté en bleu sur cette même figure, la courbe obtenue lorsque l’effet gravitationnel n’est pas pris en compte. Comme on peut le voir, pour des profondeurs de puits finales Uf = Uéch inférieures à 10−3Ui, soit de l’ordre de quelques µK, les deux courbes s’écartent violemment et l’atome est perdu pour des énergies initiales nettement plus faibles lorsqu’on tient compte de la gravité. Il est donc bien nécessaire de tenir compte de cet effet dans notre étude.