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II.4 Signaux d’atomes uniques

II.4.2 Durée de vie des atomes dans le piège

Pour réaliser des expériences manipulant des atomes uniques, et éventuellement réaliser des protocoles d’information quantique utilisant ces particules, il est nécessaire de connaître le temps dont on dispose pour manipuler celles-ci. En d’autres termes, il est nécessaire de savoir quelle est la durée de vie d’un atome dans le piège.

En présence des faisceaux de refroidissement, la durée de vie des atomes dans la PO est limitée par le taux de collisions assistées par la lumière (pertes à deux corps) et par le taux de collisions avec le gaz environnant (pertes à un corps). Dans le cadre de notre expérience, nous avons observé des temps de vie d’atomes uniques dans le piège compris entre 1 ms et 10 s suivant la densité du nuage d’atomes froids environnant.

Nous nous sommes en particulier intéressés à la durée de vie "dans le noir" des atomes de la PO, c’est-à-dire au temps moyen pendant lequel un atome reste piégé lorsqu’il n’est soumis à aucune autre interaction lumineuse que celle du laser piégeant lui-même. Pour accéder à une telle grandeur, nous avons réalisé la séquence représentée sur la figure II.32.

t1 t2 Mélasse Ralentisseur Temps OFF ON ∆tnoir t1 t2 Pince optique Temps OFF ON t1 t6 Signal PDA Temps BAS

HAUT Atome ayant survécu

Atome perdu

FigureII.32 Séquence expérimentale mise en oeuvre pour mesurer la durée de vie dans le noir des atomes de la PO.

La première étape de cette séquence, comme dans toutes les séquences expérimentales faisant intervenir des atomes uniques, est de piéger un atome et de détecter sa présence. Nous

utilisons pour cela la séparation des niveaux haut et bas à la PDA pour placer un seuil sur le signal détecté. Dès que celui-ci est au-dessus du seuil fixé sur une durée supérieure ou égale à ∆tdét= 20 ms, le système informatique déclenche le reste de la séquence de la figure II.32. A l’instant t1, 20 ms plus tard, toutes les sources lumineuses de l’expérience (refroidissement, ralentisseur, ...) autre que la pince optique sont coupées.

Afin de garantir que nous ne prendrons pas en compte des expériences où l’atome n’était plus présent dans la PO au moment de la coupure, nous rejetons informatiquement après chaque séquence, les résultats acquis lorsque le signal de la photodiode à avalanche est sous le seuil de détection de la PDA à t1. L’intervalle de temps pendant lequel les faisceaux sont coupés est noté ∆tnoir = t2− t1 et c’est ce paramètre que nous faisons varier d’une série de séquences à la suivante. Pendant la période d’obscurité ∆tnoir, l’atome cessera d’émettre des photons à un taux élevé puisqu’aucune source résonnante ne fonctionne. Il se retrouve dans le "noir" et la photodiode à avalanche atteint un niveau quasi-nul, inférieur au niveau bas de la PDA puisque le fond résiduel de lumière parasite a disparu. Le niveau de signal mesuré est alors proche du bruit de fond intrinsèque de la photodiode soit ∼ 500 coups.s−1.

Si, après cette période d’obscurité, lorsque les faisceaux sont rallumés, l’atome est encore présent, il se remettra à émettre des photons et un niveau de signal "haut" sera détecté à la PDA. Dans le cas contraire, l’atome a quitté le piège et le signal de la photodiode sera au niveau "bas" correspondant au fond de lumière parasite. Dans le premier cas, on dira que l’atome a "survécu" et dans le second cas, il sera considéré "perdu". En répétant ce type de séquence sur une centaine d’atomes, et ce pour plusieurs valeurs de ∆tnoir, on obtient la probabilité de survie Psurvie(∆tnoir) d’un atome du piège dans le noir. Nous avons représenté l’évolution de cette probabilité de survie sur la figure II.33 et l’on peut voir que Psurvie(∆tnoir) est encore supérieure à 50% pour ∆tnoir≃ 10 s.

La mesure de Psurvie(∆tnoir) permet de remonter au taux de chauffage d’un atome dans le piège. De manière générale, les sources de chauffage en physique atomique sont nombreuses et des fluctuations d’intensité, de position ou de fréquence du piège lui-même [Savard et al., 1997] peuvent correspondre à un chauffage des atomes. Dans notre cas, deux sources sont prédomi- nantes. Il s’agit, d’une part, de la diffusion par l’atome de photons provenant soit du piège dipolaire lui-même soit de fuites de lumière résonante provenant des autres faisceaux de l’ex- périence et, d’autre part, des collisions avec le gaz résiduel. Pour modéliser ces phénomènes de chauffage, nous avons adopté la même démarche que celle présentée dans les thèses de Benoît Darquié [Darquié, 2005], Jérôme Beugnon [Beugnon, 2007], ou encore Alpha Gaëtan [Gaëtan, 2010]. Les deux sources de chauffage évoquées étant indépendantes, la probabilité de survie de l’atome en fonction du temps d’obscurité peut se mettre sous la forme :

Psurvie(∆tnoir) = f (∆tnoir) × exp − ∆tnoir

τ !

(II.19) où la décroissance exponentielle caractérise l’effet des collisions avec le gaz résiduel à une pression de ∼ 10−11 mbar. La fonction f (t) décrit un chauffage des atomes uniques dans le

piège de profondeur maximale U0 au taux constant α : f (∆tmél) = 1 − 1 + U0 kB(T + α∆tmél) +1 2 U02 k2 B(T + α∆tmél)2 ! e− U0 kB(T + α∆tmél) (II.20)

où T est la température des atomes uniques dont on décrira la méthode de mesure au chapitre suivant.

Nous avons ajusté les données de la figure II.33 grâce aux relations (II.19) et (II.20) en fixant la profondeur du puits à U0 = 1, 5 mK et la température à T = 170 µK. Les seuls paramètres libres de l’ajustement sont donc le taux de chauffage α et le temps caractéristique τ . Cet ajustement nous a fourni les résultats suivants :

α ∼ 35 ± 10 µK.s−1 et τ > 30 s (II.21)

Les incertitudes sur ces valeurs sont difficiles à estimer car les valeurs obtenues dépendent assez nettement des paramètres initiaux utilisés dans l’ajustement. Si le paramètre τ semble particulièrement sensible à ces choix et est donc particulièrement difficile à estimer, le taux de chauffage α semble quant à lui peu sensible aux conditions initiales de l’ajustement. La pro- babilité de survie mesurée restant toujours supérieure à 50% sur notre courbe expérimentale, nos données ne permettent pas de contraindre suffisamment l’ajustement pour en extraire des valeurs plus fiables et il faudrait naturellement poursuivre notre étude pour des durées ∆tnoir plus longues. Malheureusement, compte tenu de la durée que chaque séquence demande et sachant que chacune des expériences est répétée au minimum 100 fois pour dégager une valeur moyenne fiable, nous n’avons pas été en mesure, à l’époque où ces données ont été prises, de poursuivre plus loin notre étude.