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Principes et données disponibles – limites de l’approche

Annexe 7. Propositions d’exploitations possibles des données recueillies

1. Principes et données disponibles – limites de l’approche

Les données utilisées dans les analyses exploratoires présentées ici sont constituées d’un ensemble de 131 occurrences de Xylella, collectées dans 54 foyers, sur Polygala myrtifolia en Corse par les services en charge de la protection des végétaux (Fig. 1). Elles incluent 88 présences et 43 absences. Ces absences constatées, essentiellement en Haute Corse, représentent des échantillons de Polygala myrtifolia testés pour la présence de la bactérie, mais dont le test PCR a révélé un résultat négatif. Il est important de signaler ici qu’un résultat négatif du test ne signifie pas une absence obligatoire de la bactérie, mais peut résulter d’une trop faible population bactérienne présente ou d’un problème lors de l’amplification (présence d’inhibiteur, problème non identifié).

Les données ont été « declusterisées » avant analyse c’est-à-dire que les points très proches situés dans un même pixel ont été fusionnés. L’objectif est d’éviter ainsi de donner un poids démesuré à des occurrences collectées au même endroit et apportant donc la même information climatique. Le grain utilisé pour effectuer cette opération est celui des rasters les plus précis disponibles dans la base worldclim (Hijmans et al., 2005) soit une résolution de 30 secondes.

Figure 1 : Données d'occurrence de Xylella valides (présence = cercles noirs et absence = cercles rouges) disponibles au 28/08/15

 

Après cette opération, nous disposons de 42 présences et de 23 absences (Fig. 1). Ce nombre est faible et les points sont distribués sur une surface trop limitée pour réaliser

une analyse de distribution géographique potentielle dans de bonnes conditions. Tout signalement supplémentaire améliorera donc notablement la puissance statistique des analyses tout en modifiant peut-être considérablement les résultats eux-mêmes. Malgré ses limites identifiées, nous avons réalisé ce travail afin de montrer comment des approches de modélisation de ce type contribuent à 1) l’identification des facteurs climatiques pouvant influencer l’expansion de cette maladie thermosensible, 2) l’identification des zones où un échantillonnage supplémentaire serait utile, 3) apporter des éléments à l’estimation du risque que peut poser la maladie dans des territoires d’importance économique.

 

2. Méthodes

Nous avons réalisé une analyse de l’enveloppe climatique des localités où Xylella a été trouvée en Corse en nous basant sur les données climatique disponibles dans la base de données worldclim (www.worldclim.org) (Hijmans et al., 2005). Les modèles d’aire de distribution sont communément utilisés dans ce but et l’abondante littérature dans ce domaine montre que les modèles sont sensibles au volume de données d’occurrence disponible ainsi qu’aux variables environnementales utilisées (Franklin, 2009). Nous avons exploré deux voies possibles pour sélectionner les variables climatiques à prendre en compte dans l’analyse (voir la liste des variables disponibles en fin d’annexe).

1) Analyse exploratoire préliminaire par ACP (Legendre and Legendre, 1998) du territoire Corse et cartographie des coordonnés des pixels sur les axes principaux. Les cartes informent sur la variation géographique de la synthèse multivariable du climat.

2) Utilisation de tous les descripteurs de la température disponibles (Variables Bio1 à Bio11 dans la base de données worldclim ainsi que les températures minimum de décembre à mars car la littérature indique que Xylella est limitée dans sa distribution par les minima des températures hivernales.

Sans surprise l’axe 1 de l’ACP (Figure 2, 3) traduit un gradient d’altitude qui n’a pas d’intérêt du point de vue de la distribution de Xylella. En revanche, l’axe 2 distingue les régions littorales du nord de l’île au reste de l’aire d’étude. Cet axe oppose des pixels caractérisés par des valeurs élevées des variables Bio7 et Bio2 (littoral nord) avec des pixels pour lesquels ces variables prennent des valeurs plus faibles (le reste de l’île).

Partant de cette information, nous avons retenu les variables BIO2 et BIO7 auxquelles nous avons ajouté la température minimum du mois de janvier, considérée dans la littérature comme l’une des contraintes climatique majeure de Xylella.

Les données climatiques (Fig. 4) utilisées sont donc :

• Moyenne de l’écart de températures diurnes (BIO2 worldclim.org) (°c)

• L’amplitude annuelle de la température (BIO7 worldclim.org) (°c)

• La température minimum du mois de janvier (tm01 worldclim.org) (°c)

Le modèle retenu dans le cadre de cette analyse exploratoire est maxent (Elith et al., 2011).

Figure 2 : Cartographie des coordonnées des pixels sur les axes 1 et 2 de l'ACP des données climatiques en Corse.

Figure 3 : Cercle des corrélations de l'ACP des données climatiques en Corse. Axe 1 : horizontal ; axe 2 : vertical.

8.6 8.8 9.0 9.2 9.4 9.6

41.542.042.543.0

composante principale n° 1

-15 -10 -5 0 5

8.6 8.8 9.0 9.2 9.4 9.6

41.542.042.543.0

composante principale n° 2

-4 -2 0 2

Figure 4 : Cartographie des variables climatiques utilisées dans la modélisation.

Il faut noter que les modèles d’aires de distribution tels que maxent doivent être utilisés avec prudence dans le cas d’invasion en cours car il est très difficile de distinguer les absences liées à des conditions environnementales défavorables des absences expliquées par le fait que l’organisme envahissant n’a pas encore colonisé l’ensemble des zones habitables (limite de dispersion).

3. Résultats

3.1 Modèle basé sur le sous-ensemble de variables climatique identifié par ACP

Le modèle maxent ajusté sur les occurrences corses avec les paramètres par défaut fonctionne de façon satisfaisante compte-tenu de la taille réduite du jeu de données. On obtient un AUC de 0.92. La figure 5 indique le niveau de risque (adéquation de l’habitat). On note la moindre exposition de la Haute-Corse exceptée la plaine orientale de l’île où un effort d’échantillonnage est nécessaire et pourrait apporter des informations précieuses pour améliorer notre approche.

8.0 8.5 9.0 9.5 10.0

41.542.042.543.0

Moyenne de l’écart de températures diurnes (°c)

5 6 7 8

8.0 8.5 9.0 9.5 10.0

41.542.042.543.0

amplitude annuelle de la température (°c)

20 21 22 23

8.0 8.5 9.0 9.5 10.0

41.542.042.543.0

température minimum du mois de janvier (°c)

-4 -2 0 2 4 6

Le modèle a été utilisé pour estimer la similarité du climat français avec l’enveloppe climatique définie par les occurrences observées en Corse. Les zones les plus climatiquement semblables aux localités infectées connues aujourd’hui en Corse se situent sur l’ensemble des côtes de l’île et dans le sud du pays, notamment dans la région d’Hyères. Le risque apparaît localisé et modéré.

Figure 5 : Projection du modèle maxent sur la Corse. 0<adéquation de l’habitat<1

L’ensemble des analyses convergent globalement vers le résultat suivant : le sud de la France est menacé par Xylella. Suivant les variables utilisées, le niveau de similarité entre les localités infectées en Corse et le sud de la France varie, renvoyant une image du risque différente. Ceci est inévitable avec un jeu de données réduit.

Il est cependant impossible d’évaluer la fiabilité de cette extrapolation des modèles ajustés en Corse sur l’ensemble du territoire français compte-tenu de la taille réduite du jeu de données initial.

8.0 8.5 9.0 9.5 10.0

41.542.042.543.0

0.0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7

De plus il est important de noter ici, qu’un événement de colonisation peut profondément changer les traits d’histoire de vie d’une population. Celle-ci va en effet s’adapter à son nouvel environnement et acquérir des propriétés biologiques différentes de celle de la population initiale. Les projections que nous proposons ici, se font en quelque sorte à bio-écologie constante et ne peuvent pas tenir compte d’éventuelles adaptation ou transformation de traits de vie de la bactérie lors par exemple d’une colonisation vers le continent. En conséquence, et c’est une faiblesse de ces projections actuelles, la réalité peut s’avérer très différentes de la prédiction. Il est cependant possible d’améliorer ses projections et d’intégrer au moins pour partie les capacités d’adaptation, mais ceci nécessite un investissement recherche important qui n’est pas possible dans le cadre de ce rapport. De plus, il est important pour parfaire l’analyse d’utiliser différents modèles pour réaliser ses projections, et d’explorer contentieusement les différents paramètres utilisés. Il est aussi important d’utiliser des approches croisant plusieurs modèles. Ceci n’a pas été réalisé et cette annexe doit être considérée comme une première approche exploratoire.

3.2 Modèle ajusté sur l’ensemble des descripteurs du climat

Les résultats obtenus avec le modèle « global » sont très similaires à ce que nous avons examiné au § précédent. L’AUC est de 0.98. Les prédictions sont quasi-identiques (Figure 6).

D’une façon générale, il est cependant préférable de considérer les modèles les plus simples (principe de parcimonie) notamment parce que ce sont les modèles les plus performants pour réaliser des projections hors des zones dans lesquelles ils ont été ajustés (Franklin, 2009).

Figure 6 : Projection du modèle maxent basé sur l’ensemble des variables bioclimatiques disponibles. 0<adéquation de l’habitat<1

8.0 8.5 9.0 9.5 10.0

41.542.042.543.0

0.0 0.2 0.4 0.6

4. Conclusions

Pour aller vers des analyses plus robustes avec un pouvoir prédictif amélioré il faut réunir un certain nombre de conditions et de données.

• Améliorer le nombre d’occurrences (mieux connaître l’ampleur de l’invasion en Corse)

• Disposer d’informations dans les pays voisins (Italie)

• Généraliser la géolocalisation des sites/végétaux testés et non infestés. Avec un focus sur les localités les plus éloignées géographiquement des foyers déjà identifiés, où l’infestation est ancienne et à proximités desquelles des tests négatifs ont été réalisés (connaître la position de ces plantes testées est également nécessaire).

De plus, les approches de modélisation simples basées uniquement sur des macro descripteurs du climat doivent être interprétées à la lumière d’analyses plus fines incorporant des informations sur l’écologie du système Xylella – vecteurs – hôtes. Seule cette approche combinée permettra de comprendre et anticiper l’expansion potentielle de Xylella.