Chapitre 2 : Oxydation de l’acier à haute température
2.1. Principes de base de l’oxydation à haute température
2.1.1. Approche Cinétique
L’approche cinétique est complémentaire de l’approche thermodynamique (présentée dans le Chapitre 3), elle renseigne sur la vitesse d’oxydation. Celle-‐ci est associée à la vitesse de la croissance de la ou des couches d’oxyde. Généralement, celle-‐ci est quantifiée par l’épaisseur de la couche d’oxyde (exprimée en cm) ou par la variation de masse par unité de surface (exprimée en g.cm-‐2). La Figure 2-‐1 représente les différentes cinétiques observées lors de l’oxydation à haute température selon la nature de la couche d’oxyde formée.
La formation d’une couche non protectrice est associée à une cinétique linéaire, et donc à une oxydation importante du métal. Ce régime est contrôlé par une ou plusieurs réactions chimiques à l’interface oxyde-‐métal et/ou oxyde-‐gaz. Une cinétique linéaire est observée dans le cas où l’oxyde formé ne protège pas le métal du gaz oxydant.
Cela est possible si l’oxyde formé est volatil, liquide ou poreux avec la présence de nombreuses fissures. La vitesse d’oxydation, V, ne ralentit pas et s’écrit :
€
V = Δm S = klt
avec Δm est le gain de masse en mg, S la surface oxydée en cm-‐2 , kl la constante de vitesse linéaire, exprimée en mg.cm-‐2 s-‐1 et t le temps en s.
La formation d’une couche protectrice est associée à une cinétique parabolique et donc à une oxydation qui ralentit avec le temps. Ce ralentissement est dû à l’épaisseur de la couche d’oxyde qui augmente avec le temps, augmentant ainsi la distance de diffusion des espèces dans la couche d’oxyde. L’ordre de grandeur de l’épaisseur minimum pour observer un ralentissement de l’oxydation est de 0,5 µm (Landolt, 2003). Ce régime est donc limité par la diffusion des espèces dans la couche d’oxyde. Dans ce cas la vitesse d’oxydation parabolique s’écrit : € V = Δm S ⎛ ⎝ ⎜ ⎞ ⎠ ⎟ 2 = kpt
avec kp est la constante de vitesse parabolique, exprimée en g2.cm-‐4.s-‐1.
Figure 2-‐1: Représentation schématique des différentes cinétiques observées lors de l'oxydation à haute température (Inspiré de Antoni, Corrosion sèche des métaux, Techniques de l’ingénieur, MA 228, p9).
Les lois d’oxydation linéaire et parabolique sont les plus répandues, cependant d’autres lois sont possibles comme la loi cubique, la loi de puissance, et d’autres mais ces différentes lois cinétiques ne seront pas détaillées dans ce mémoire.
Un autre cas répandu est la formation d’une couche protectrice temporaire. Comme le montre la Figure 2-‐1, dans un premier temps la cinétique d’oxydation suit une loi parabolique, puis à partir d’un certain temps, l’oxydation subit une accélération de sa cinétique suivant une loi qui peut être soit parabolique soit linéaire. Ce phénomène traduit un changement important dans la couche d’oxyde, et le passage d’un comportement protecteur à un comportement non protecteur vis-‐à-‐vis de l’oxydation. En anglais ce phénomène est appelé « breakaway » de la couche d’oxyde (Evans, 199).
2.1.2. Mécanismes d’oxydation
Lors de l’oxydation des alliages, si les constituants ont des affinités différentes vis-‐à-‐vis de l’oxygène alors l’oxydation est dite sélective. Par exemple, dans un alliage fer-‐chrome, le chrome a une affinité plus grande que le fer avec l’oxygène d’où son oxydation préférentielle. Au contraire en cas d’affinité proche avec l’oxygène, l’oxydation est dite simultanée (Landolt, 2003).
De ces deux comportements il résulte cinq mécanismes d’oxydation possibles (Whittle, 1983) : deux mécanismes d’oxydation sélective, interne et externe, trois mécanismes d’oxydation simultanée, qui diffèrent selon la solubilité des oxydes entre eux. Ceux-‐ci peuvent être peu solubles, solubles ou conduire à la formation d’oxydes mixtes. Ces différents mécanismes pour un alliage A-‐B sont schématisés Figure 2-‐2.
Lorsque l’oxydation est simultanée, si les oxydes formés ne sont pas ou peu solubles entre eux, une couche d’oxyde constituée des deux oxydes se forme. Des couches stratifiées peuvent aussi se former (Mathieu, 1986 ; Kofstad 1988). Si les oxydes sont miscibles, il se forme une seule couche d’oxyde contenant une proportion variable des cations A et B formant l’oxyde (A,B)zOt. Par exemple, l’alumine, Al2O3, et l’oxyde de chrome, Cr2O3, forment une solution solide (Cr,Al)2O3 dans laquelle les cations Cr et Al sont interchangeables. Selon la mobilité des cations dans la couche d’oxyde mais aussi selon leurs teneurs dans l’alliage, la stœchiométrie de l’oxyde varie dans la couche d’oxyde selon l’épaisseur et sa localisation dans la couche d’oxyde. L’oxydation simultanée peut également conduire à la formation d’oxydes mixtes ABxOy tel que le spinelle AB2O4. L’oxyde mixte le plus répandu à cause de sa stabilité est l’oxyde Fe1+xCr2-‐xO4 dont la composition peut changer sans que sa structure ne soit modifiée.
Lorsque l’oxydation est sélective, elle peut-‐être interne ou externe. La théorie de Wagner établit que deux critères doivent être respectés pour que la croissance externe d’une couche d’oxyde soit possible (Wagner, 1952). Le premier critère à remplir concerne la concentration en élément le plus oxydable. Celle-‐ci doit être supérieure à une valeur critique afin d’empêcher l’oxydation interne de l’alliage et permettre la formation d’une couche externe. Ce critère est un critère de transition entre les deux types d’oxydation sélective. En dessous de cette concentration seuil, l’oxydation est interne avec diffusion d’oxygène dans le métal, au dessus de cette concentration, l’oxydation est externe.
Pour l’oxydation de l’élément B dans l’alliage A-‐B par l’oxygène, et formant l’oxyde BOx, l’équation s’écrit : € NB* o ≥ f* Vm Vox ⎛ ⎝ ⎜ ⎞ ⎠ ⎟ πNO S DO 2xDB ⎡ ⎣ ⎢ ⎤ ⎦ ⎥ 1 2 avec € NB*
o la fraction molaire critique de l’élément B dans l’alliage pour permettre la formation d’une couche externe d’oxyde BO.
€
Vm le volume molaire de l’alliage,
€
Vox le volume molaire de l’oxyde,
€
NOS la solubilité de l’oxygène dans l’alliage,
€
DO le coefficient de diffusion de l’oxygène dans l’alliage et
€
DB le coefficient de diffusion de B dans l’alliage.
€
f* est une valeur empirique qui dépend du système étudié, souvent égale à 0,3 (Essuman, 2008). Le second critère à remplir concerne la diffusion de cet élément, du métal vers l’interface métal-‐oxyde, qui doit être suffisamment rapide pour alimenter la couche d’oxyde. La
diffusion doit être au moins aussi rapide que la vitesse à laquelle il est consommé par la couche d’oxyde (Wagner, 1959). L’équation s’écrit :
€ NB min o > Vm νMO πkp 2DB ⎛ ⎝ ⎜ ⎞ ⎠ ⎟ 1