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Du principe au système : la question de l’objectivité de la doctrine de la science

Dans le document UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE (Page 168-191)

Introduction

Réaliser la philosophie comme science Ŕ ambiguïté du projet

Fichte veut réaliser la philosophie comme science (Wissenschaft)1. Exprimant une aspiration et un désir plutôt qu’une connaissance et possession effectives, le nom de philo-sophie peut en effet être déposé à partir du moment où l’objet dont on était en quête est découvert. « Le nom de "philosophie", dans sa signification originaire, rend déjà vraisemblable que l’on cherche quelque chose que l’on ne connaît pas soi-même, poussé par l’insatisfaction à l’égard de ce que l’on connaît déjà, et par un pressentiment obscur. Quand nous avons dépassé cet état, c’est à nous d’expliquer aux autres leur pressentiment et de leur dire exactement ce qu’ils veulent à proprement parler. »2 Or cet objet, que « tous [les philosophes] ont, clairement ou obscurément, voulu [découvrir] »3, c’est la raison (die Vernunft) ou le savoir (das Wissen schlechtweg), conçu comme identité absolue du sujet et de l’objet, unité autonome (selbständig), immuable (unveränderlich) et organique – ce que Fichte nomme encore indifféremment la science (die Wissenschaft) : « ce que l’on a jusqu’à présent appelé philosophie serait donc la science de la science en général »4. Le savoir, la science, ce que les Grecs ont appelé logos et les Allemands Vernunft5 voilà l’objet de la philosophie devenue science. Derrière son apparente simplicité, ce projet recèle pourtant une ambiguïté qu’il importe de clarifier. En effet, dire que la philosophie est une science, est-ce affirmer que sa méthode est identique à celle des savoirs scientifiques déjà constitués, et tout particulièrement à celle de la physique – cette science qui à l’époque de Fichte est l’objet d’une admiration toute particulière pour sa capacité à conjuguer l’empirique et le rationnel, en déterminant les phénomènes particuliers de la nature sous des lois universelles ? Est-ce dire que la philosophie doit se constituer à son tour en savoir rationnel expérimental, à la manière dont Hume définit par exemple son projet dans l’Introduction générale du Traité de la nature humaine ? Ou est-ce en un tout autre sens que Fichte veut faire de la philosophie une science ? Nous aimerions montrer que sous cette forme binaire et exclusive, l’alternative est

1 Les déclarations de Fichte en ce sens sont innombrables, cf. par ex. UdB, GA I, 2, 109, l. 6 (trad. fr. p. 19) ; Rapport..., SW II, 324 (« die Philosophie zur Wissenschaft zu erheben ») ; trad. fr. p. 15, etc.

2 Staatslehre, SW IV, 369 ; trad. fr. p. 61.

3 WL 1804-II, 1ère conf., M. p. 8.

4 UdB, GA I, 2, 118 ; trad. fr. (modif.) p. 36.

5 Sur le sens et la justification de ces équivalences entre Wissen, logos et Vernunft, cf. la 6e conférence de l’Initiation, notamment AzSL, SW V, 480-481 ; trad. fr. p. 187-188, pages dans lesquelles Fichte commente le début de l’Évangile de Jean (« Au commencement était le logos… »).

irrecevable : car si la WL ne décalque certes pas passivement sa définition de la science de celle des sciences expérimentales, il n’est pourtant pas vrai qu’elle n’en subisse aucune influence.

Apercevant dans le projet de réaliser la philosophie comme science une ambiguïté, Heidegger en décèle très justement l’origine : le mot Wissenschaft n’a pas pour les penseurs de l’idéalisme allemand le sens qu’il reçoit naturellement pour nous, aujourd’hui que la domination de la technique a imposé un concept réducteur de la science comme savoir expérimental. Et Heidegger va jusqu’à affirmer que le concept philosophique de la Wissenschaft est à cette époque autonome et qu’il ne tire aucunement son origine des sciences particulières effectives :

« Science, cela signifie à l’époque de l’idéalisme allemand, d’emblée et à proprement parler, exactement la même chose que philosophie : ce savoir qui connaît les fondements premiers et derniers, et qui expose, conformément à ce savoir principiel, l’essentiel de ce que l’on peut savoir en général selon un enchaînement bien fondé. C’est en ce sens que Fichte prend le terme quand il intitule son œuvre maîtresse Wissenschaftslehre (science de la science). (…) Ce que l’on nomme couramment, mais seulement de nos jours, les « sciences » ne sont [au point de vue de l’idéalisme allemand] sciences que si et pour autant qu’elles sont philosophie, c’est-à-dire fondées en un savoir authentique et essentiel, et ajointées selon ses normes. (…) Lorsque aujourd’hui, conformément au changement et au rétrécissement du concept de science, nous sommes conduits à dire que la philosophie n’est pas une science, cela ne signifie pas qu’elle est abandonnée au caprice et à l’inspiration ou à l’opinion personnelle, mais seulement que la philosophie, parce qu’elle est plus originelle, ne se laisse pas déterminer selon les normes de ce qui est dérivé. »1

L’analyse de Heidegger est intéressante à plus d’un titre. En premier lieu, elle nous apprend que si lui-même renonce à définir le savoir philosophique comme un savoir scientifique, ce n’est pas parce que la philosophie devrait abandonner son exigence de rigueur et de scientificité au sens véritable, mais seulement en raison du « rétrécissement », de la réduction historique qui a conduit le concept de science à être absorbé par celui de la science expérimentale et technique.2 En second lieu – et c’est ici que l’analyse devient plus contestable – Heidegger affirme que l’idéalisme allemand ne conçoit nullement la scientificité de la philosophie sur le modèle de la scientificité déjà constituée en physique ou en mathématique. Celle-ci est au contraire dérivée et n’est selon Heidegger légitimée qu’à partir

1 Heidegger, Schelling, trad. fr. p. 38-39.

2 Dans la suite du cours, Heidegger procèdera à une réévaluation analogue à propos du concept de système : « Le fait que la question de la possibilité d’un système de la liberté ainsi que la question du système en général ne nous concernent plus d’emblée ne témoigne pas contre la question, mais uniquement contre nous-mêmes ; c’est contre nous seuls que témoignent en réalité, non seulement le fait que nous ne sachions plus rien de cette question, mais encore et surtout le fait que nous soyons menacés de voir disparaître le sérieux et le courage qui sont requis pour cette méditation. » (Schelling, trad. fr. p. 52)

de ce concept plus originel de la science que produit de façon autonome la philosophie. Si la science signifie « exactement la même chose » que la philosophie, c’est donc au sens où la philosophie détermine à partir d’elle-même ce qui fait qu’un savoir est un savoir scientifique ; c’est elle qui fixe la norme du savoir, et c’est seulement dans la mesure où les sciences particulières s’édifient selon cette norme qu’elles peuvent après coup mériter le nom de sciences. Car un simple agrégat de connaissances, même correctes et vraies, ne porte pas à bon droit le nom de science, comme le souligne déjà Hegel au début de la Préface de la Phénoménologie.

A première vue, l’idée avancée par Heidegger semble tout à fait fidèle au rapport que Fichte établit entre la philosophie et les sciences particulières (par exemple dans les §1-2 de Sur le concept), puisque la WL a pour tâche de fonder d’une part le contenu des principes des sciences particulières, d’autre part leur forme générale et commune, qui est celle de la preuve, de la déduction.1 Et pourtant, lorsqu’il s’agit de caractériser la scientificité de la philosophie, Fichte se réfère sans cesse aux méthodes des sciences particulières constituées, et tout particulièrement à trois d’entre elles : la mathématique, la physique et la chimie.2 Il se pourrait donc que la relation entre la philosophie et les sciences soit chez Fichte plus ambivalente que ne le suggère Heidegger. La philosophie appartient en effet selon Fichte, au même titre que les trois sciences citées, au genre commun du « savoir scientifique » (Wissenschaftliches Wissen), qui s’oppose à l’autre genre de connaissance, qualifié de « savoir historique » (Historisches Wissen). La question se pose donc de la façon suivante : est-ce à partir des sciences constituées ou à partir de la seule WL que le concept philosophique de Wissenschaft est déterminé ? La doctrine de la science a-t-elle subrepticement emprunté sa définition de la scientificité aux sciences existantes ou est-il vrai, comme elle l’affirme, qu’elle en produit d’elle-même une définition originale qu’elle applique ensuite aux sciences réelles pour évaluer leur conformité à cette définition idéale, comme le suggère Heidegger ?

1 Cf. également ce passage de la 3e conférence de la WL 1804-II, où Fichte s’attache à montrer que l’évidence des principes mathématiques n’est que factuelle : la mathématique et les autres sciences particulières « ne sont pas autonomes, les principes de leur propre possibilité reposent dans une science différente et supérieure » qui est la doctrine de la science (WL 1804-II, GA II, 8, 46-48 ; M. p. 30 ; trad. fr. p. 44-46).

2 Les comparaisons entre la méthode mathématique et la méthode de la WL sont innombrables dans le corpus fichtéen. Plus rares sont les références à la méthode de la physique ou de la chimie naissante. Dans la Première introduction de 1797, Fichte explique la méthode philosophique en la comparant avec le procédé de l’analyse et de la synthèse du chimiste (cf. EE, SW I, 449 ; OCPP p. 263). L’Introduction à la WL de 1810 montre longuement que la recherche du fondement (Grund) du savoir par le philosophe obéit formellement à la même démarche que la recherche du fondement de la chute des corps par le physicien (dans les deux cas, en physique et en philosophie, le fondement – Grund – recherché et découvert n’est pas une chose, ein Ding, mais une loi – ein Gesetz).

Face à cette alternative, Fichte rejette apparemment, tout comme Heidegger, le premier terme, c’est-à-dire la solution empiriste, qui aurait pour conséquence de placer le savoir philosophique sous la dépendance des sciences constituées. Mais la position de Fichte est en réalité plus complexe, et il semble qu’il y ait plutôt une interaction entre deux critères de scientificité fondamentaux, le premier étant propre et intérieur à la philosophie, l’autre, que la philosophie allemande s’approprie à partir de Kant, étant issu des exigences de la science expérimentale et imposé par le succès éclatant de celle-ci depuis l’époque de Galilée. Toute la difficulté est alors de savoir si et comment ces deux critères, à première vue étrangers l’un à l’autre, peuvent s’harmoniser. Commençons par les identifier.

Axiomatique (ou systématique) et expérience : les deux critères du savoir scientifique En premier lieu, Fichte définit le savoir scientifique en général comme celui qui est capable de prouver ce qu’il affirme. C’est un savoir démonstratif, qui indique la cause, le fondement (Grund), le pourquoi du phénomène qu’il considère : tout savoir scientifique est un savoir du Grund, ce dernier étant soit le fondement qui permet d’analyser (l’Unterscheidungsgrund, ce qui fonde la différenciation de deux objets ayant par ailleurs des caractères communs), soit le fondement qui permet de synthétiser (il est alors Beziehungsgrund, fondement expliquant ce qui relie et associe deux termes qui possèdent par ailleurs des caractères opposés)1 – l’analyse et la synthèse épuisant les deux méthodes possibles du savoir conceptuel, c’est-à-dire du savoir fini en général. Ce premier critère se retrouve tout au long de l’œuvre fichtéenne, chaque fois qu’il est question de définir les propriétés du savoir scientifique, comme on peut le voir en comparant par exemple les §1-2 de Sur le concept à l’Introduction à la philosophie de 1810. La science est ce savoir qui

« possède une forme systématique, c’est-à-dire que toutes ses propositions se rattachent à un principe unique et s’unissent en lui pour former un tout. »2 Le but de la forme systématique ou

« liaison » (Verbindung) des propositions, est « de conférer la certitude à des propositions qui en elles-mêmes en sont dépourvues »3, comme le sont toujours les propositions du sens commun. C’est déjà ainsi que Platon différenciait dans le Ménon l’opinion vraie de la science – différence non de contenu, puisque l’opinion peut être aussi véridique que la science, mais de forme, l’opinion vraie étant incapable de justifier et de fonder son dire. La fonction propre

1 Cf. GWL §3, SW I, 111 et 112-113 ; OCPP p. 31-32.

2 UdB, GA I, 2, 112, l. 14-15 ; trad. fr. (modif.) p. 29.

3 Ibid., GA I, 2, 115, l. 30 ; trad. fr. (modif.) p. 33.

du Grund est donc de certifier une proposition d’abord trouvée comme contingente, c’est-à-dire reçue comme vraie mais inintelligible. A ce stade, il pourrait sembler que Fichte se contente ici de reprendre purement et simplement le critère classique du rationalisme formulé par Aristote selon lequel

« nous estimons posséder la science d’une chose (…) quand nous croyons que nous connaissons la cause par laquelle la chose est, que nous savons que cette cause est celle de la chose, et qu’en outre il n’est pas possible que la chose soit autre qu’elle n’est. »1

Tandis que le savoir historique est un savoir simplement factuel, qui se borne à constater par la perception l’existence d’un donné (un savoir du dass, c’est-à-dire du fait que la chose est) ou à relier de façon tout aussi historique plusieurs données entre elles sous la pression de l’habitude, « le savoir scientifique est au contraire celui qui, dépassant la perception, se dirige vers le fondement du phénomène (auf den Grund der Erscheinung) »2. Tout savoir scientifique, qu’il soit philosophique ou non, est donc un savoir du Grund, mot qui ne désigne pas la cause au sens matériel et mécanique, mais plutôt la raison ou la loi – elle-même non phénoménale – du phénomène.

Mais le savoir scientifique se distingue encore du savoir ordinaire par un second critère, qui est celui de la validité objective ou encore de la réalité. Par là, le savoir scientifique est défini par une double opposition : au savoir pseudo-scientifique d’une part, au savoir vulgaire d’autre part. Etant un savoir du réel, le savoir scientifique s’oppose en effet aux théories qui possèdent une apparence formelle de scientificité, mais qui, tout en étant cohérentes, sont vides, dépourvues de contact avec la réalité. D’autre part, en tant que savoir qui peut être objectivé, et ainsi partagé, communiqué, il s’oppose au savoir ineffable et tout subjectif du sentiment ou de la sensation. Or ce qui rend possible ce partage de la science et par là son universalité, c’est qu’elle porte sur un objet extérieur, indépendant de la subjectivité incommunicable qui sépare et distingue un individu d’un autre3. Le savoir scientifique est donc objectif dans la mesure où il accepte de se référer à ce moyen terme extérieur qu’est

1 Aristote, Seconds analytiques, I, 2, 71b. « Ce qui revient à dire, comme firent les Anciens, que la vraie science procède de la cause aux effets. » (Spinoza, Traité de la réforme…, §85, éd. Pléiade p. 133)

2 Einleitung 1810, SWV, I, p. 202.

3 « Ce qui est objectif, remarque Henri Poincaré dans sa critique des thèses bergsoniennes de Le Roy, doit être commun à plusieurs esprits, et par conséquent pouvoir être transmis de l’un à l’autre (…). Les sensations d’autrui seront pour nous un monde éternellement fermé. » (H. Poincaré, La valeur de la science, p. 179) H.

Arendt développe le même thème sur le plan politique : « Il peut y avoir des vérités ineffables et elles peuvent être précieuses à l’homme au singulier, c’est-à-dire à l’homme en tant qu’il n’est pas un animal politique, quelle que soit alors son autre définition. Les hommes au pluriel, c’est-à-dire les hommes en tant qu’ils vivent et se meuvent et agissent en ce monde, n’ont l’expérience de l’intelligible que parce qu’ils parlent, se comprennent les uns les autres, se comprennent eux-mêmes. » (Condition de l’homme moderne, trad. fr. p. 37)

l’expérience. La science est un savoir réel parce qu’elle est un savoir du réel : le second critère de la scientificité est donc le critère expérimental, dès lors que l’expérience est reconnue comme la seule chose que nous ayons en partage. « C’est ce qui est parfaitement déterminé qui est en même temps exotérique, concevable, et capable d’être enseigné à tous et d’être la propriété de tous », écrit Hegel en critiquant la conception schellingienne de l’intuition intellectuelle comme « don » ou « talent » inaccessible au vulgaire. De la sorte, la voie de la science doit être cette voie objective « ouverte à tous et égale pour tous »1. On voit par là que si la philosophie doit se réaliser comme science, c’est à condition qu’elle aussi réfère d’une manière ou d’une autre son savoir à l’expérience ; qu’elle admette, autrement dit,

« qu’en dehors de l’expérience, qui est accessible à tout le monde, nous n’atteignons rien de vrai, rien de réel »2.

Il y a donc, chez Hegel comme chez Fichte, cette idée commune que « ce qui est vrai doit nécessairement être dans l’effectivité et être-là pour la perception. (…) Comme l’empirisme, la philosophie elle aussi ne reconnaît que ce qui est »3.

Or ces deux critères, celui de la démonstration et celui de l’expérience, sont extrêmement différents l’un de l’autre, à tel point qu’ils peuvent devenir antagoniques. Le premier, si on isole en lui la forme de la preuve, définit un type de vérité simplement logique.

Si l’on se borne à lui pour définir la science, on sera conduit à dire qu’une proposition scientifique est une proposition qui est, non pas vraie (au sens où elle aurait une validité objective ou expérimentale, puisque la vérité est définie comme l’accord de notre pensée avec l’objectivité), mais démontrée. A ce point de vue, la proposition scientifique s’oppose uniquement à l’affirmation sans preuve et par ouï-dire du sens commun, mais elle ne se préoccupe pas de savoir si le contenu qu’elle énonce a une signification expérimentale, applicable à notre monde empirique et autre que simplement logique. Fichte est l’un des premiers philosophes à épurer ce critère et à le séparer de celui de la validité objective, jusqu’à l’interpréter dans le sens de la scientificité axiomatique : dans une axiomatique, c’est-à-dire dans une théorie déductive qui part d’un nombre déterminé de propositions non démontrées posées d’abord comme de simples hypothèses (axiomes ou postulats), « il n’est

1 Hegel, Ph. e., Préf., GW IX, 15 ; trad. fr. p. 14.

2 Rapport…, SW II, 332 ; trad. fr. (modif.) p. 23.

3 Hegel, Enc. I, CP (1827-1830), §38, GW XX, 76 ; trad. fr. p. 299. C’est là, selon Hegel, « le grand principe de l’empirisme », que l’idéalisme supérieur reconnaît, tout en lui donnant un sens plus profond que celui du sensualisme grossier.

plus question (…) de vérité ou de fausseté, sinon au sens logique de la cohérence ou de la contradiction interne. (…) La nécessité ne réside plus que dans le lien logique qui unit les propositions, elle s’est retirée des propositions elles-mêmes. »1 Ce type de scientificité est celui de la mathématique pure ou axiomatisée, telle qu’elle s’élabore tout au long du 19e siècle, en prenant conscience de ce qui la sépare de la mathématique appliquée, qui s’autorise quant à elle à garantir la vérité objective ou expérimentale de ses théorèmes en montrant qu’ils sont vérifiables dans l’expérience et qui ne dédaigne pas de prouver ses théorèmes en s’appuyant sur l’intuition – recours que l’axiomatique moderne s’interdit rigoureusement.2

Or il est remarquable de constater que Fichte a très clairement conçu l’idée d’une telle science axiomatique avant même son progressif développement mathématique au cours du 19e siècle. C’est même par cette idée que s’ouvre en 1794 le §1 de l’écrit Sur le concept : Fichte fait l’hypothèse d’une science qui construirait un système de propositions parfaitement logique et cohérent en s’appuyant sur une proposition de départ indémontrable. Cette idée fondamentale de l’axiomatique selon laquelle la vérité matérielle ou objective des propositions doit être « laissée de côté »3 au profit de la seule exigence de cohérence et de déductibilité interne des propositions entre elles, on la trouve donc déjà au cœur du système de Fichte, dans l’affirmation que même si la doctrine de la science était dépourvue de contenu (leer), elle n’en conserverait pas moins une vérité formelle intrinsèque :

« L’argumentation de la doctrine de la science est valable absolument a priori, elle n’établit

« L’argumentation de la doctrine de la science est valable absolument a priori, elle n’établit

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