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À l'équilibre, le système a atteint un état stationnaire, dans lequel on n'observe pas de consommation nette et de formation d’espèces chimiques. En général, cet équilibre est traduit thermodynamiquement par une évolution nulle de l’enthalpie libre du système réactif. Dans ce cas de figure et pour des conditions de pression et température définies, une constante thermodynamique K est associée à chaque réaction. Cependant, dans un mélange multiphasique, l’échange de matière entre les différents réactifs pourra favoriser une réaction par rapport à une autre, impliquant un déplacement de l'équilibre, c'est-à-dire l'obtention d'un nouvel équilibre. Ce nouvel état d’équilibre peut conduire à l’apparition de réactions telles que la complexation, la dissolution ou encore la précipitation.

Dans les systèmes multiphasiques, comme c’est le cas de la pâte cimentaire, les réactions de dissolution et de précipitation peuvent être simultanées pour différentes espèces. Etant donné que le système tend systématiquement vers l’équilibre, il est donc possible de prédire son évolution à partir de sa composition initiale. Deux approches sont utilisées pour le calcul d’équilibre : l’approche de la loi d’action de masse (LMA) qui est une approche stœchiométrique et l’approche de minimisation d'énergie de Gibbs (GEM) (approche non stœchiométrique). La première se base sur la résolution des équations d’action de masse, c'est- à-dire les équations qui tiennent compte de l’état d’équilibre des réactions. La deuxième approche consiste à minimiser la fonction d'énergie de Gibbs du système, ce qui n'exige aucune relation stœchiométrique entre les espèces sous forme de réactions. Comme on l’a vu précédemment, les deux formulations mathématiques sont fondamentalement équivalentes, même si les algorithmes pour les résoudre sont très différents et chacune a ses propres avantages et inconvénients. De plus, l’équilibre reste supposé dans les deux cas, chose qui assure la non-violation des règles de phases.

L’approche LMA reste la plus utilisée pour les équilibres en milieux aqueux, elle est incorporée dans la majorité des solveurs géochimiques et les codes de transport réactifs [1]. Ceci est dû à plusieurs raisons qui incluent des facteurs historiques, la commodité, la simplicité et la disponibilité des données thermodynamiques (constantes d'équilibre des réactions K).

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Toutefois, malgré sa popularité, l’approche de la loi d’action de masse présente des limites. Son principal inconvénient est relatif au fait que les équations de LMA sont applicables juste pour les espèces stables à l’équilibre (c'est-à-dire les espèces qui sont toujours présentes à l'équilibre, ce qui n’est pas toujours le cas pour des espèces gazeuses ou aqueuses). Par conséquent, les calculs de spéciation pour des systèmes multiphasiques sont difficiles à exécuter. Pour remédier à ce problème, les algorithmes d’action de masse utilisent des stratégies d’addition et soustraction pour éviter que le calcul n’implique pas des espèces instables. D’autre part, l’indice de saturation des minéraux purs est aussi utilisé pour savoir s’ils doivent être enlevés du calcul [1]. Leal et al. (2013) ont montré l’existence de complications numériques avec les algorithmes LMA lorsque toutes les phases sont considérées au début et que certaines d'entre elles sont absentes à l'équilibre pour s'assurer le respect de règle de phase de Gibbs.

En revanche, la méthode GEM est capable de résoudre des systèmes plus complexes (systèmes multiphasiques non idéaux) et permet de prédire la composition phasique à l’équilibre dans une opération. Les multiplicateurs de Lagrange implémentés dans les algorithmes de minimisation d’énergie de Gibbs sont capables de déterminer la stabilité des phases sans intervention de l’opérateur pour retirer ou ajouter une espèce de l’équilibre comme il est le cas dans les algorithmes de LMA. Étant donné que cette méthode nécessite une grande quantité de données d’entrée, en particulier les potentiels chimiques standards pour toutes les espèces pour chaque condition de température et pression, elle reste désavantagée par rapport à l’approche LMA en ce qui concerne les bases thermodynamiques. Cependant, une récente base de données spécifique au ciment (CEMDATA 14.01) a été développée à l’EMPA [2][3]. Elle contient des données calculées à partir d’examens expérimentaux tels que le produit de solubilité, l’énergie libre de Gibbs, l’enthalpie, l’entropie, la capacité calorifique et le volume moléculaire pour un certain nombre de phases de ciment. La base de données résultante couvre les hydrates couramment rencontrés dans les systèmes de ciment Portland dans la gamme de température 0-100 ° C, y compris les phases C-S-H, hydrogarnet, hydrotalcite, AFm et AFt et leurs solutions solides.

Par conséquent, on peut conclure que les deux méthodes ont des avantages comme des inconvénients. De plus, les résultats du calcul d’équilibre restent relativement comparables, et que ce soit avec une méthode ou avec l’autre, l’assemblage des phases doit être vérifié par des méthodes expérimentales qualitatives et quantitatives telles que l’ATG pour la portlandite/calcite, la DRX pour les phases cristallines et le MEB. En résumé, on peut dire que les algorithmes de LMA bénéficient de formulations plus simples, qui sont données en termes de constantes d'équilibre de réactions, mais qui manquent de généralité pour les systèmes chimiques multicomposants avec des phases non idéales. Les algorithmes GEM, quant à eux, peuvent gérer de façon inhérente des systèmes complexes et déterminer les phases stables à l'équilibre, mais nécessitent davantage de données thermodynamiques qui ne sont pas toujours immédiatement disponibles.

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