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1.3 L'échec des solutions d'assistance

1.3.2 Principe des interfaces graphiques

La question de l'apprentissage d'un nouveau logiciel était une question saillante aux débuts de l'informatique. Les interfaces graphiques n'existaient pas, les programmes utilisaient des lignes de commande et ils étaient à destination d'usagers experts. Puis sont arrivées les interfaces graphiques utilisant la métaphore du bureau et appliquant le paradigme de la manipulation directe. Ces deux notions sont très importantes et même si des recherches sont faites pour aller au-delà de ce paradigme et de cette métaphore, ils restent encore d’actualité.

1.3.2.1 Manipulation directe

Le principe de la manipulation directe a été expérimenté dans les années 70-80 et énoncé par Ben Shneiderman dans son livre «Direct Manipulation : a step beyond

programming languages » (Shneiderman 1981). Cette approche a été très populaire et a

suscité beaucoup d'enthousiasme et d'espoir dans la communauté IHM naissante.

Un système est défini comme reposant sur la manipulation directe s'il satisfait ces trois propriétés :

1) Une représentation continue des objets d'intérêt (l’utilisateur ne les perd pas de vue) ;

2) La possibilité d'utiliser un support physique ou des pressions sur des boutons étiquetés ;

3) Des actions rapides, incrémentales, réversibles et ayant un impact direct sur l'objet d'intérêt.

Ces trois caractéristiques étaient censées amener plusieurs bénéfices pour l'utilisateur par rapport aux systèmes classiques pour lesquels il fallait transmettre les instructions par l'intermédiaire d'un langage de commande complexe. Les bénéfices recherchés étaient les suivants :

1) Les usagers novices peuvent apprendre rapidement à partir d'une simple démonstration faite par un usager plus expérimenté ;

2) Les experts peuvent travailler plus rapidement sur une grande quantité de tâches en simultané et même définir de nouvelles fonctionnalités ;

3) Des utilisateurs intermittents pourront retenir plus facilement certains concepts opérationnels ;

4) Les messages d'erreurs sont souvent superflus ;

5) Les usagers voient immédiatement si leurs actions leur permettront d'atteindre leur but et peuvent se corriger plus facilement le cas échéant.

Ces bénéfices sont essentiellement à imputer à deux phénomènes (Hutchins et al. 1985) : un engagement plus fort de l'utilisateur qui a l'impression de manipuler directement des éléments du modèle du monde et une distance (directness) plus forte, due au recours important de la déictique (cliquer et pointer) dans la manipulation directe.

1.3.2.2 La métaphore du bureau

Cette manipulation directe est associée à la métaphore du bureau, issue des expérimentations au XEROX PARC (Figure 3) par, entre autres, Alan Kay (Kay & Goldberg 1977) : les concepts informatiques sont associés à des concepts issus du monde réel : on « range » des « fichiers » dans des « répertoires », on « jette » des « documents » à la « poubelle », etc. De cette façon, l'utilisateur novice est placé dans un cadre supposé familier. Il n'est pas dérouté par un système dont la mécanique interne lui échappe complètement. La manipulation directe lui offre un moyen immédiat d'agir sur cet environnement qui lui fournit un retour immédiat.

1.3 - L'échec des solutions d'assistance

1.3.2.3 Limites et défauts de la manipulation directe et de la métaphore du bureau

La manipulation directe, malgré ses promesses, n’a pas permis de résoudre les problèmes d’apprentissage et d’utilisation que rencontrent les utilisateurs (Benbasat & Todd 1993). L’application même du principe de la manipulation directe dans les applications a été critiquée : par exemple (Beaudoin-Lafon 1997), met en avant quelques points problématiques :

- Polysémie des icônes : s'il est possible, lorsque les fonctions sous-jacentes d'un système sont limitées, d'attribuer une représentation unique et non ambiguë à chacune de celles-ci, le nombre de fonctionnalités accessibles tend à augmenter et il devient impossible d'assurer cette bijection.

- Manipulation directe vs manipulation indirecte : pour faire face à l’augmentation du nombre de fonctionnalités, qui demanderait la création d’autant d’icônes et de métaphores associées, les concepteurs ont utilisé massivement les menus. L’accès aux fonctionnalités se fait par le biais d’une recherche dans un ensemble de sous-menus et non pas par manipulation directe. C’est le paradigme WIMP (Windows, Icons, Menus, Pointing Device), et celui-ci a conditionné les interfaces graphiques depuis son apparition et continue encore à influencer les applications récentes.

1.3.2.4 Discussion

Pour résumer, la manipulation directe associée à la métaphore du bureau ont permis un gain certain dans l’usage des applications et leur adoption par le grand public. Néanmoins, elles n’ont pas permis de supprimer le besoin d’assistance : les usagers utilisent toujours incorrectement l’application, et même pire, le recours à la manipulation indirecte comme raccourcis pour l’interaction peut les conduire à faire des erreurs (Mack et al. 1983).

Si l’on se ramène à la discussion initiale : pour résoudre un problème, on peut soit l’anticiper (aide contextuelle, manipulation directe) soit le corriger quand il apparaît (online help, manuels).

Une façon de résoudre le problème peut être d'abandonner ce paradigme et de trouver de nouveaux paradigmes (Myers 1991) ou de nouveaux moyens d'interactions (Kurtenbach et al. 1997) allant plus loin dans la transparence et donc permettant à un usager d'en saisir plus facilement les fonctionnalités et d’éviter le recours à l'assistance. Tout du moins, l'assistance pourra se consacrer à l'aide à la résolution de la tâche plutôt qu’à l'aide à l'usage de l'outil déjà supposé aider à la résolution d'une tâche.

Bien que séduisante, cette idée souffre d'un défaut majeur : quels que soient les outils proposés, même particulièrement adaptés et bien conçus, une assistance sera toujours nécessaire. Par ailleurs, le paradigme de la manipulation directe est bien ancrée chez les usagers et dans le monde de l'informatique. Or, l'un des facteurs particulièrement perturbant, et source d'erreurs chez un utilisateur, c'est justement l'influence de l'habitude : changer les habitudes, changer ce qui est connu, perturbe les usagers. Par conséquent, malgré les défauts du paradigme actuel, il est connu et plus ou moins assimilé par les usagers. Nous avons donc besoin de mettre en place une assistance efficace qui permette de pallier les défauts qui sont intimement liés au paradigme actuel.

Si les principes même d’interaction qui sous-tendent la conception d’une application sont de nature à provoquer des problèmes d’assistance, l’utilisateur lui-même, par son comportement, ses habitudes et sa nature se retrouve à provoquer des situations de blocage et donc à avoir besoin d’assistance. Une solution d’assistance efficace ne peut se priver de l’analyse et de la compréhension de l’utilisateur. Cette notion a donc été étudiée dans la littérature, toujours dans l’objectif de mieux comprendre ce que doit être un système d’assistance efficace : c’est l’assistance centrée sur l’utilisateur (Sellen & Nicol 1995a).

1.3.3 Comportement de l’usager ordinaire dans l’apprentissage d’un