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Principe de fonctionnement

3.2 Description du système utilisé

3.2.2 Principe de fonctionnement

Les cellules que nous utilisons sont des lymphocytes T Jurkat. Avant injection dans le système, les cellules sont centrifugées et resuspendues à environ 107

lules/mL dans leur milieu, soit une concentration élevée supérieure de 10 fois à la concentration normale en milieu de culture. Le diamètre de ces cellules est compris entre 10 et 15 µm.

3.2.2.a Encapsulation des cellules

La première étape consiste à encapsuler de façon fiable une cellule individuelle dans une goutte malgré la concentration élevée de la suspension. La géométrie de flow-focusing utilisée se révèle parfaitement adaptée à ce problème. Nous l’avons déjà vu, elle permet en effet de former des gouttes plus petites que les plus faibles dimen-sions du système. Nous allons donc ici pouvoir l’utiliser pour former des gouttes de l’ordre de taille des cellules sans pour autant courir le risque de boucher un canal de trop faibles dimensions ou encore d’endommager les cellules du fait de leur cir-culation dans un canal trop petit. Nous nous plaçons dans un régime où le diamètre des gouttes formées est inférieur au diamètre cellulaire moyen.

Le jet se casse pendant son passage dans la région de focusing. Lorsqu’une cel-lule passe dans le jet, elle perturbe celui-ci, induit sa rupture en un endroit différent du point habituel d’équilibre et se retrouve encapsulée seule dans une goutte (voir figure 3.4). On retrouve ce principe d’encapsulation de particule (macroscopique) par perturbation d’un jet cette fois continu (sans casse en l’absence de particules) dans Cohen et al. [2001], avec dans ce cas une formation de jet par aspiration à l’in-terface entre deux fluides. Dans notre cas, l’utilisation d’un jet continu et sa rupture uniquement par passage d’une cellule impliquent une foule de gouttes secondaires mal contrôlées et difficiles à trier, donc pénalisantes.

Il arrive souvent que les cellules arrivent dans le jet « en paquets »plutôt que de façon régulière. Cependant, les cisaillements à l’interface solution aqueuse/huile dans le jet induisent leur séparation et leur alignement au sein de celui-ci, et la taille des gouttes formées ne permet statistiquement l’encapsulation que d’une cellule par goutte. Chaque cellule est encapsulée dans une goutte dont le diamètre est au maximum deux fois le sien, soit un rapport 1/8 en volume, ce qui représente un état très confiné. Nous reviendrons sur le diagramme de fonctionnement précis du système dans la prochaine partie.

3.2.2.b Séparation des gouttes

La deuxième étape consiste à séparer les gouttes positives (contenant une cel-lule) des gouttes négatives (n’en contenant pas). Nous avons abordé les techniques de séparation de particules en microfluidique dans l’introduction de cette thèse, et mon-tré qu’elles pouvaient aussi sous certaines conditions s’appliquer aux gouttes. Nous avons vu que les techniques basées sur la gravité fonctionnaient mal, ne permettant de séparer que des particules à grandes différences de masse, et, une cellule étant principalement composée d’eau, il y a peu d’espoir de pouvoir distinguer une goutte contenant une cellule d’une goutte n’en contenant pas par des arguments sur la

110 3.2. Description du système utilisé

Fig. 3.4 – A gauche : mécanisme d’encapsulation d’une cellule unique dans une géométrie de flow-focusing. La cellule, plus grosse que les gouttes formées « naturel-lement », perturbe le jet et est encapsulée dans une grosse goutte. On peut voir que cette grosse goutte positive est plus centrée dans la région de focalisation que les pe-tites gouttes négatives. A droite : résultat de la différence de taille entre les gouttes en sortie de la région de focalisation. La grosse goutte ressort centrée dans celle-ci tandis que les petites gouttes passent dans la sortie du « bas ». Elles interagissent avec la goutte positive et la poussent vers la sortie du « haut ».

masse. La séparation par diélectrophorèse aurait pu être envisageable, mais, comme nous le verrons au chapitre suivant, les gouttes étant beaucoup plus conductrices que l’huile les entourant, le champ électrique doit être considéré comme quasi-nul à l’intérieur de celles-ci, et la présence d’une cellule dans la goutte n’aurait que peu influencé son mouvement. Le seul argument de discrimination entre gouttes posi-tives et négaposi-tives est donc la taille : il est en effet possible de régler les flux de façon à former des gouttes dont la taille « naturelle »est plus faible que celle des gouttes positives, et par conséquent d’avoir deux populations de gouttes de taille différente selon qu’elles contiennent une cellule ou pas.

La plupart des techniques utilisées pour la séparation de gouttes selon leur taille ont été développées dans le groupe d’A.P. Lee et utilisent des différences dans les résistances des canaux fluidiques de sortie. Ces différences de résistance influencent le champ de vitesse dans le canal, et selon leur taille, les gouttes « sentent »plus ou moins certaines lignes du champ de vitesse [Tan et al., 2004].

Migration transversale des gouttes Nous avons pour notre part mis au point une technique originalement inspirée de la « pinch flow fractionation »(PFF)

mettant de séparer les gouttes selon leur taille. Les différents effets à l’œuvre dans notre méthode sont bien décrits dans un article d’Hudson [2003]. Notre méthode diffère de la PFF en elle-même puisqu’au lieu de former dans un premier temps les gouttes puis d’utiliser un flux secondaire pour les aligner le long d’une paroi, cette asymétrie est directement créée en imposant deux débits d’huile différents pour fo-caliser le jet de suspension cellulaire, ce qui provoque un décalage du jet et donc des gouttes en résultant vers une des deux parois de la région de focusing. De plus, la PFF utilise le confinement stérique des particules selon leur taille le long des parois. Nous travaillons ici avec des gouttes légèrement déformables, et non mouillantes sur les parois du capillaire, et c’est un effet différent mais bien connu qui est à l’œuvre : compte tenu de leur viscosité nettement inférieure à celle de l’huile, les gouttes ont tendance à migrer vers le centre de l’écoulement de Poiseuille. La vitesse de migra-tion des gouttes vers le centre de l’écoulement varie globalement comme le rayon des gouttes à la puissance 3, et une faible différence de taille peut donc suffire à induire une différence de position notable de celles-ci (équation 3.4, partie suivante).

Remarquons que même pour des gouttes de tailles différentes, la vitesse de migra-tion des gouttes liée à la gravité varie seulement avec le carré du rayon des gouttes. De plus, notre huile est visqueuse et présente une différence de densité faible avec la solution aqueuse. Enfin, dans le cas de systèmes microfluidiques, les effets de la gravité sont justement contrés par l’effet des parois, la séparation étant difficile à mettre en œuvre dans un système horizontal.

Avec notre technique, les gouttes négatives, petites, sont poussées par la dissy-métrie de flux contre une des parois du rétrécissement et restent sur leur ligne de vitesse, ressortant donc d’un côté de l’élargissement. A l’inverse, les grosses gouttes positives se recentrent dans la région de focalisation du fait de leur migration dans le profil de Poiseuille, et ressortent donc centrées dans l’élargissement. Notons de plus que comme le passage de cellules induit une rupture prématurée du jet, les gouttes positives passent plus de temps dans la constriction que les gouttes négatives et ont donc plus de temps pour se positionner au centre de celle-ci.

En arrivant dans la région post-focusing, les gouttes vont donc se trouver en fonction de leur taille sur des lignes de champ de vitesse différentes, et l’élargissement va amplifier cette différence de position. On retrouve une méthode apparentée dans Tan & Lee [2005]. Ils utilisent aussi un positionnement différentiel des gouttes lors de la formation par flow-focusing, mais elle est appliquée à des gouttes de tailles très différentes, en fait à la séparation des gouttes primaires des gouttes secondaires formées lors de la formation d’émulsions par flow-focusing. Elle est de plus combinée à des différences de resistance fluidique de chaque circuit et ne permet pas une séparation en une étape des gouttes.

Interaction entre gouttes. Afin de rendre l’explication plus claire, nous consi-dérons désormais que le jet et les gouttes en résultant sont initialement décalés vers le bas de la région de focusing (voir figure 3.3). Le débit d’huile du canal du haut