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2. Flore bactérienne intestinale

2.1. Principaux rôles

La proximité de la flore microbienne intestinale, aussi nommée « microbiote » intestinal, avec l’épithélium de l’intestin lui permet de jouer d’importants rôles au niveau du métabolisme, de la protection contre les pathogènes et de l’homéostasie du système immunitaire humain.75

2.1.1. Métabolisme

Le microbiote intestinal est parfaitement positionné pour métaboliser certains aliments indigestes par la machinerie enzymatique humaine. En effet, certaines bactéries retrouvées dans l’intestin peuvent fermenter des composés comme des carbohydrates et polysaccharides complexes afin de libérer et d’utiliser l’énergie contenue dans ces polymères.77,78 Cette activité entraine la libération de sous-produits tels des monosaccharides et acides gras à courte chaîne (short-chain fatty acids, SCFA) comme le butyrate, le propionate et l’acétate, qui peuvent être absorbés et utilisés comme source d’énergie par le corps humain.77–80 L’un de ces SCFAs, le butyrate, fait également le sujet de nombreuses études en raison de ses propriétés anti-inflammatoires.81–86 Il a notamment été démontré chez la souris que le butyrate régule la différenciation des lymphocytes T, réduisant le ratio Th17/Treg dans la rate via l’inhibition de l’histone désacétylase 8.86 Le butyrate peut également inhiber l’activation du facteur de transcription nucléaire κB (nuclear factor κB, NF-κB), un facteur de transcription notamment impliqué dans l’induction de l’expression de plusieurs cytokines pro-inflammatoires incluant l’IL-1β, le TNF-α et l’IL-6. Le potentiel clinique du butyrate a été évalué au cours de certaines maladies inflammatoires incluant la maladie de Crohn, pendant laquelle la régulation de NF-κB par le butyrate semble réduire la réponse inflammatoire localisée à l’intestin des patients.87 Des évidences suggèrent également que la supplémentation de butyrate peut réduire le phénotype inflammatoire des monocytes circulants chez les patients atteints du syndrome métabolique.88 Ainsi, en contribuant au métabolisme du corps humain, la flore intestinale participerait à la régulation de la réponse inflammatoire chez l’homme.

2.1.2. Barrière contre l’implantation des pathogènes

Outre son rôle dans le métabolisme, le microbiote intestinal contribue également à divers mécanismes de résistance prévenant l’implantation de pathogènes. Localisé à la surface de la muqueuse intestinale, ce microbiote protège le corps humain en compétitionnant avec ces pathogènes pour l’espace et les nutriments (Figure 1.3).58,89–91 Ces microorganismes peuvent également combattre les bactéries délétères par la libération de composés telles les bactériocines, des toxines ciblant les souches pathogènes de leur espèce ou d’une espèce semblable.92,93 Un autre mécanisme employé par la flore microbienne afin d’éliminer les

pathogènes est la stimulation du système immunitaire afin d’induire une réponse contre ces envahisseurs. Cette flore peut en effet promouvoir la libération d’AMPs et d’IgA au niveau de la muqueuse intestinale par les cellules de Paneth et les plasmocytes, respectivement, permettant la neutralisation des pathogènes envahissant (Figure 1.3).94–97

Figure 1.3 : Le microbiote intestinal protège l’organisme contre les pathogènes. La flore

intestinale compétitionne avec les pathogènes pour l’espace et les nutriments retrouvés à la surface de la muqueuse intestinale. Ces organismes mutualistes et commensaux peuvent également promouvoir la libération de peptides antimicrobiens (AMPs) et d’IgA, permettant la neutralisation de ces pathogènes. Figure tirée de Belkaid & Hand, 2014.90

2.1.3. Développement et homéostasie immunitaire

L’utilisation de souris axéniques, c’est-à-dire de souris dépourvues de tout microorganisme dès leur naissance, a permis de mettre en lumière l’importante contribution du microbiote intestinal dans le développement et l’homéostasie du système immunitaire. En effet, l’absence de flore chez ces animaux provoque des déficiences tant au niveau de l’immunité adaptative que de l’immunité innée. À l’intestin, l’absence de microorganisme entraine une réduction de la taille et de la quantité des plaques de Peyer, qui sont des organes lymphoïdes secondaires associés à l’intestin, ainsi que des ganglions mésentériques.98,99 En

accord avec ces observations, une plus faible quantité de plasmocytes sont retrouvés dans ces organes, engendrant une production réduite d’IgA.73,100 De plus, plusieurs populations lymphocytaires sont moins abondantes dans la lamina propria de l’intestin,98 la couche de tissu conjonctif localisée sous l’épithélium intestinal. L’absence de microbiote a également été associée à une diminution de la sécrétion de certains AMPs à l’intestin.101,102

Bien que l’intestin soit particulièrement affecté par l’absence de flore chez les souris axéniques, ce dernier n’est pas le seul organe touché. Plusieurs organes lymphoïdes en sont également affectés, incluant d’autres ganglions périphériques, mais également la rate et la moelle osseuse.103,104 Il a par exemple été démontré que la flore intestinale stimule la myélopoïèse, c’est-à-dire la production des cellules de la lignée myéloïde (Figure 1.1). En effet, comparativement aux souris hébergées dans des animaleries exemptes de pathogènes spécifiques (Specific pathogen-free, SPF), le standard dans le milieu de la recherche, les souris axéniques présentent une importante réduction de différents leucocytes, incluant les neutrophiles, les monocytes et les macrophages, dans la rate et la moelle osseuse.105 Cette réduction de la myélopoïèse chez les souris axénique serait l’une des causes pour lesquelles ces animaux sont plus susceptible à développer divers infections, comme celles causées par

Listeria monocytogenes et Staphylococcus aureus.105,106

Considérant l’importance de la présentation antigénique dans l’induction d’une réponse immunitaire adaptative, il n’est pas surprenant que ce système soit fortement dérégulé en l’absence de microorganisme. Par exemple, les lymphocytes Th17, qui jouent un important rôle dans la défense de l’hôte au niveau des muqueuses, sont indétectables dans la lamina propria intestinale de souris axéniques.107 Pour remédier à cette déficience, la colonisation avec certaines bactéries comme la bactérie filamenteuse segmentée (SFB) permet d’induire la prolifération de cette population lymphocytaire, augmentant de ce fait la quantité intestinale de lymphocytes Th17 (Figure 1.4).108,109 La fonction des lymphocytes Treg est également grandement altérée en l’absence de flore et, comme les Th17, leur abondance en est réduite à l’intestin.110,111 Ces lymphocytes jouent un rôle majeur dans la tolérance immunitaire et aux microorganismes mutualistes, ce qui en fait d’importants agents dans le maintien de l’homéostasie immunitaire.57 Toutefois, chez les souris axéniques, ces cellules voient leurs propriétés anti-inflammatoires grandement diminuées.112 Enfin, un débalancement entre les lymphocytes Th1 et Th2 en faveur de ces derniers a été rapporté en

environnement stérile. Un rôle de la flore dans la résolution de ce dérèglement a été décrit, et impliquerait notamment la présentation du polysaccharide A (PSA) de Bacteroides

fragilis, un symbiote retrouvé dans l’intestin humain, aux lymphocytes Th par les cellules

dendritiques (Figure 1.4).113 Le PSA semble également favoriser la prolifération des lymphocytes Treg, donc d’une réponse anti-inflammatoire, au détriment des Th17 via l’activation du TLR2 à la surface des lymphocytes Th.114

Figure 1.4 : Induction d’une réponse Th par des bactéries de la flore intestinale.

Différentes bactéries peuvent contribuer à la différenciation des lymphocytes Th (CD4+) naïfs en un sous-type spécifique. Chaque sous-type de lymphocytes Th requiert l’expression d’un facteur de transcription distinct et sécrète des cytokines spécifiques lui permettant d’exercer ses fonctions caractéristiques. Figure tirée de Wu & Wu, 2012.115

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