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II. 4.2.3.1 Cannabis et schizophrénie

V.2 Principaux résultats

V.2.1 Le dépistage systématique et la prise en charge.

L’hypothèse émise au début de ce travail était que le repérage systématique de la consommation du cannabis est peu (voir pas) réalisé en médecine générale. Les résultats de cette étude confirment cette tendance en Picardie : sur les 15 médecins interrogés, aucun ne réalisait le dépistage systématique.

De manière générale, les médecins généralistes ont bien intégré leur rôle d’intervenant en prévention primaire mais à un moindre degré pour ce qui concerne notamment les addictions, les données concernant l’usage abusif de cannabis étant plus rares que celles concernant celui de

89 l’alcool ou du tabac.

Pour les médecins interrogés, cette problématique pourrait être abordée à certaines occasions et devant des signes évocateurs. Aucun des médecins n’utilisait d’outils d’aide au repérage d’une consommation problématique.

Les principaux éléments qui les incitaient à pratiquer un dépistage étaient : - Des troubles anxieux et dépressifs.

- Des éléments de présentations.

- Un isolement social et des difficultés socio- professionnelles. - Des troubles du sommeil.

- Des troubles à type d’irritabilité et de violences. - Une asthénie, une baisse du moral.

- La présence d’autres toxiques. - La demande d’un tiers.

- La rédaction d’un certificat.

Concernant la prise en charge, 13 des 15 médecins interrogés ne prenaient pas leur patient en charge une fois le dépistage réalisé et ne connaissaient pas les outils de prise en charge en termes d’intervention brève entre autres.

Les principes de prise en charge restaient méconnus pour la majorité des médecins interrogés, qui auraient plutôt tendance à orienter le patient vers un confrère ou une structure spécialisée. Finalement, la grande partie des médecins interrogés ne connaissaient pas ou très peu les structures de prise en charge en addictologies.

Les principales hypothèses que nous pouvons émettre devant cette absence de repérage et de prise en charge étaient :

90  Le manque de connaissances suffisantes pour aborder le dépistage.

 De nombreux freins rencontrés.

V.2.2 Le manque de connaissances.

Les médecins interrogés connaissaient globalement les facteurs de risque d’un usage problématique, même s’ils estimaient qu’il n’existait pas de profil type.

L’analyse de l’ensemble des entretiens permet de voir que finalement les différents facteurs de risque d’une consommation problématique ont été cités à un moment ou à un autre. Il en est de même pour les signes évocateurs d’un usage problématique.

Il ne s’agit donc pas là d’un frein pour le repérage de la consommation de cannabis.

Concernant les différents degrés d’usage, la majorité des médecins évoquait un usage acceptable de cannabis, en distinguant notamment l’usage festif des usages problématiques. Les éléments cités pour distinguer ces usages sont : la fréquence de consommation, le terrain et les répercussions psycho-sociales.

Ces médecins n’ont donc pas de difficultés particulières à distinguer l’usage problématique. Par contre, les connaissances concernant la prise en charge apparaissaient plus limitées, ce qui pourrait conduire les médecins à ne pas tenter de repérer l’usage de cannabis de crainte de ne savoir poursuivre la prise en charge.

Le manque d’informations et de connaissances vis-à-vis de l’existence et du fonctionnement des structures de prise en charge dédiées aux addictions, qui sont nombreuses et relativement bien réparties sur le territoire Picard, peut représenter un obstacle important surtout chez les médecins qui estiment ne pas être capable de prendre en charge un patient consommateur de cannabis. En effet la connaissance de ces structures pourrait rassurer le praticien quant à la prise en charge et l’inciter à dépister davantage.

91 V.2.3 Les principales difficultés rencontrées.

 Le manque de connaissance, d’expérience et de formation.

Au cours de cette étude il apparait que les médecins se sentent démunis face à la problématique du cannabis en général et à la prise en charge en particulier et ce, par manque de formation universitaire, de connaissances, d’expériences suffisantes et de difficultés d’orientation.

Certains médecins mentionnaient même leur manque d’intérêt pour l’addictologie en général voire plus spécifiquement pour le cannabis.

Ce sentiment de manque de formation universitaire peut se comprendre puisque le thème du cannabis est peu abordé durant les études médicales. Le programme de l’ECN 2016 voit apparaitre l’item 76 intitulé « Addiction au cannabis, à la cocaïne, aux amphétamines, aux opiacés, aux drogues de synthèse » [76] qui pourra renforcer les connaissances en matière d’addiction au cannabis au cours du second cycle. Les addictions en générales et l’addiction au cannabis en particuliers sont peu abordées dans la formation médicale continue (FMC), en 2016 une soirée de formation leur a été consacrée, en 2017 le programme n’en prévoit pas. [81]

Aucun des médecins interrogés n’a abordé l’existence de certains sites internet tournés vers l’addictologie notamment le site www.intervenir-addictions.fr, mis en ligne en novembre 2014 [82]. Ce site est en partie à destination des médecins généralistes. Il a pour objectif d’aider à aborder la question des addictions avec les patients, à repérer un usage problématique, à intervenir et orienter le patient si besoin. Il regroupe, pour les aider à y parvenir, des articles, études, questionnaires, brochures d’information à destination des médecins et des patients. Les médecins peuvent ainsi retrouver facilement les outils utiles au dépistage du cannabis et les télécharger. Des vidéos de cas cliniques commentés sont également en ligne, dans un but pédagogique.

Ainsi le manque de formation et de connaissances apparait comme un frein au repérage et la prise en charge du cannabis.

92 Les médecins évoquaient la difficulté à aborder la question du cannabis en présence d’une tierce personne. Le caractère intrusif du dépistage et la peur de nuire à la relation patient-médecin ont été rapportés dans cette étude.

 Le temps.

Les médecins de notre étude ont soulevé le problème du temps en médecine générale. Aborder la question de la consommation de cannabis en consultation prend du temps. L’activité de médecine générale est caractérisée justement par le manque de temps. Il s’avère également que certains médecins ne craignent pas seulement de passer du temps et de prendre du retard mais surtout de perdre leur temps inutilement.

Le nombre de médecins prêts à prendre du temps pour modifier un comportement de consommation d’alcool ou de tabac diminue considérablement avec l’augmentation du temps de consultation effectué. Selon Pouchain et coll. [83], 75 à 81% des généralistes sont disposés à prendre 5 à 10 minutes, mais seulement 22 à 32% peuvent envisager de prendre 11 à 30 minutes. Ainsi trois fois moins de médecins sont prêts à prendre trois fois plus de temps.

Si le médecin généraliste n’a pas le temps à chaque consultation, il peut inscrire son ou ses actions dans la durée. Le médecin généraliste bénéficie en effet de la possibilité de répéter les contacts avec son patient. Il peut mettre à profit cette répétition pour reprendre une discussion ébauchée. Il peut même, dans une certaine mesure, provoquer la répétition (ordonnance pour une période courte, prescription d’examens complémentaires…).

 La banalisation de la consommation de cannabis.

Certains médecins ont expliqué leur inquiétude concernant la banalisation du produit et de sa consommation, une banalisation qui est de plus en plus importante et qui est devenue très fréquente dans notre société actuelle. Ainsi, ils se sentent démunis face à cette consommation de cannabis apparaissant comme « normale » pour les gens. Ils estiment donc qu’une prise en charge dans ce contexte serait vouée à l’échec.

93 de leur point de vue personnel qui tend à banaliser la consommation de cannabis et à sous-estimer les effets et les dégâts de cette dernière. Nous pouvons donc nous demander si cette attitude et ce point de vue personnel de ces médecins ne constitue pas un frein, peut être inconscient, au dépistage en consultation.

 L’aspect illégal du produit.

Dans notre étude, certains médecins se sont montrés réticents à pratiquer le dépistage d’une consommation illégale. Ils craignent d’offenser leur patient en le soupçonnant de pratiques illégales.

Compte tenu de la diffusion et de la banalisation du cannabis, il ne semble pas inopportun d’aborder le sujet en consultation de médecine générale. D’autre part, le médecin généraliste intervient dans le domaine sanitaire et non judiciaire ou moral. La notion d’interdit légal ne semble pas avoir sa place sur le plan médical surtout lorsqu’il s’agit d’un comportement de consommation. Ainsi les médecins peuvent clarifier leur rôle de soignant auprès de leurs patients. Il apparaît d’ailleurs, compte tenu de l’analyse des entretiens des médecins présentant cette réticence, qu’il ne s’agit là que d’une réticence minime.

Cette notion semble cependant importante puisqu’elle est probablement un frein plus conséquent du côté des patients lorsqu’ il s’agit d’avouer une telle consommation. Ainsi, il est certainement très utile de rappeler et de préciser au patients, la spécificité du rôle du médecin et les impératifs de confidentialité qui lui incombent.

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