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Principaux résultats

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1. ARRANGEMENT DES SOUS-UNITES AU SEIN D'UN RECEPTEUR NMDA

1.3. Discussion

1.3.1. Principaux résultats

Arrangement alterné des sous-unités du récepteur NMDA hétérotétramère autour du pore.

Au cours de ce projet, j'ai montré par des approches électrophysiologiques et biochimiques que des rNMDAs GluN1/GluN2A matures, fonctionnels et exprimés à la membrane plasmique, adoptaient un arrangement alterné de type GluN1/GluN2/GluN1/GluN2 autour du pore (Fig.1.5.A). Ainsi, au niveau des ABDs, les sous-unités GluN1 occupent la position proximale par rapport à l'axe de symétrie du récepteur, et les sous-unités GluN2A, les positions distales (Fig.1.5.B,C).

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Figure 1.5. Arrangement alterné 1-2-1-2 des sous-unités GluN1 (bleu) et GluN2A (rose) autour du pore. Les résidus étudiés dans notre étude sont représentés, sur ce modèle par homologie d'un rNMDA {ABD+Pore}, en vert (GluN1-E698) ou en cyan (GluN1-P660). A- Vue de l'ensemble {ABD-TMD} dans un plan perpendiculaire à celui de la membrane. B-Région du pore : représentation latérale des TM 3 et (encart) vue synaptique des TMDs. C- Vue synaptique du tétramère d'ABDs, les lobes inférieurs des sous-unités A et C (GluN1) forment l'interface de tétamérisation.

Notre travail est fondé sur l'hypothèse centrale selon laquelle les rAMPAs-GluA2 et rNMDAs GluN1/GluN2 partagent le même arrangement global des sous-unités et que les interfaces intra-dimères et inter-dimères dans la couche des ABDs sont similaires. Cette assertion n'est pas sans fondement car les iGluRs exhibent de fortes homologies de séquence, notamment au niveau des ABDs. En outre l'assemblage dimérique des ABDs, ainsi que les mécanismes de liaison des agonistes et d'activation du récepteur, présentent de grandes similitudes (Traynelis et al., 2010 ; Mayer, 2011b). En parvenant à ponter les sous-unités GluN1 par des ponts disulfures, entre ABDs d'une part (Fig.1.5.B), et entre "linkers" M3-S2 d'autre part (Fig.1.5.C), nous avons montré que les lobes inférieurs des sous-unités GluN1 formaient l'interface de tétramérisation entre les deux dimères d'ABDs d'un rNMDA de type GluN1/GluN2A, validant ainsi un arrangement de type 1-2-1-2 des sous-unités autour du pore.

Au cours de ce projet, nous avons également étudié le récepteur mutant GluN1- E698C/GluN2A-Q671C afin de déterminer la faisabilité d'un pontage disulfure entre une sous-unité GluN1 et une sous-unité GluN2A. Nous avons notamment détecté en western-blot, en plus de l'homodimère GluN1, une bande de haut poids moléculaire dont la taille correspond à celle d'un hétérodimère GluN1/GluN2 (∼310 kDa ; Fig.1.6.B). La formation d'un hétérodimère par pontage disulfure est en faveur d'un arrangement de type non alterné 1-1-2- 2 (Fig.1.6.A), avec les positions proximales occupées par la sous-unité GluN1 d'un dimère et la sous-unité GluN2A de l'autre. Par homologie avec un rAMPA-GluA2, pour lequel, au niveau des ABDs, les sous-unités proximales et distales adoptent des conformations distinctes, un agencement 1-1-2-2 des sous-unités d'un rNMDA suggère qu'une même sous- unité (GluN1 ou GluN2) existe sous deux conformations différentes. Cette organisation serait d'autant plus surprenante qu'elle contredit toute une série de résultats montrant des contributions au fonctionnement du canal ionique propres aux sous-unités GluN1 d'une part et

175 des sous-unités GluN2 d'autre part (Banke et al., 2003; Sobolevsky et al., 2007; Blanke et al., 2008 ; Kazi et al., 2013).

Figure 1.6. Formation d'un hétérodimère GluN1/GluN2A au niveau des ABDs. A- Modèle d'un tétramère d'ABDs GluN1/GluN2 représentant l'arrangement non-alterné 1-1-2-2 pour lequel l'interface de tétramérisation fait intervenir une GluN1 et une GluN2. Les mutations GluN1-E698C et GluN2A- Q671C sont représentées en cyan et en orange respectivement. B- Immunoblots obtenus à partir d'ovocytes de Xénope exprimant le récepteur sauvage, le mutant GluN1-E698C/GluN2Awt ou le mutant GluN1-E698C/GluN2A-Q671C. M1 et M2 indiquent les bandes correspondant aux monomères GluN1 (~ 110 kDa) et GluN2 (~ 180 kDa) respectivement, D1, l'homodimère GluN1 (~ 220 kDa) et D1-2, l'hétérodimère GluN1/GluN2A (~ 300 kDa).

Ce résultat est tout à fait surprenant et il est d'autant plus difficile d'en faire sens qu'il contredit la conclusion principale de notre article. Une des hypothèses envisageable est l'existence d'un mélange de populations. Or, les études fonctionnelles de mutants ayant une cystéine introduite à la fois sur GluN1 et sur GluN2A n'ont pas mis en évidence de phénotype particulier ; au contraire, ces mutants se comportent comme le mutant GluN1- E698C/GluN2Awt, pour lequel les cystéines ne sont présentes que sur la sous-unité GluN1. Ainsi cette donnée biochimique étonnante, arguant d'un arrangement des sous-unités de type 1/1/2/2, est un résultat isolé, qui n'est pour le moment étayé par aucune donnée fonctionnelle.

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L'atout cystéine dans les études structure-fonction.

De nombreux travaux décrivant les relations entre structures et fonctions des récepteurs- canaux s'appuient sur la formation de ponts disulfures entre des cystéines introduites par mutagenèse dirigée (Careaga & Falke, 1992). Cette approche permet notamment d'évaluer la proximité de deux sous-unités adjacentes (Krovetz et al., 1997). Par ailleurs, les contraintes exercées par ces liaisons covalentes altèrent le plus souvent les fonctions des macromolécules mutées (Perry & Wetzel, 1984), ce qui permet de corréler certaines caractéristiques structurales avec les propriétés fonctionnelles de la protéine. La formation de ponts disulfures, en modifiant les conductances ioniques, les probabilités d'ouverture, les sensibilités aux agonistes et autres ligands, met en évidence le rôle primordial de la dynamique du récepteur- canal dans l'intégrité de ces fonctions (Krovetz et al., 1997). Par ailleurs, l'étude de l'accessibilité de cystéines par des agents sulfydryl-spécifiques (composés MTS) donne des renseignements sur l'orientation et l'accessibilité des chaînes latérales des acides aminés (Kürz et al., 1995), et, de manière plus générale, sur l'état conformationnel d'un récepteur dans une situation donnée.

Néanmoins, la substitution d'acides-aminés par des cystéines nécessite certaines précautions. En effet, la présence de cystéines endogènes à proximité des sites de mutations pourrait induire en erreur. Dans le cas des rNMDAs, la sensibilité red-ox du récepteur est contrôlée par deux cystéines de GluN1, C744 et C798. Ces cystéines sont engagées dans un pont disulfure (Sullivan et al., 1994), localisé au niveau du lobe inférieur de l'ABD, proche des segments transmembranaires. Récemment, Talukder et al., (2011) ont démontré que ce pont disulfure jouait un rôle dans le couplage entre la dynamique des ABDs de GluN1 et le "gating" du récepteur. On attribue généralement les effets fonctionnels des traitements réducteurs (DTE ou TCEP) sur les rNMDAs de type sauvage à la cassure de ce pont disulfure C744-C798. D'après notre modèle et la structure cristallographique du dimère d'ABDs GluN1/GluN2A (Furukawa et al., 2005), ces cystéines sont suffisamment éloignées des cystéines introduites dans notre étude pour ne pas interagir avec ces dernières. De même, Salussolia et al. (2011) ont montré que des cystéines introduites au niveau des "linkers" M3- S2 n'interagissaient pas avec celles du pont disulfure endogène.

177 Afin de promouvoir la formation de ponts disulfures entre les cystéines introduites, notamment au niveau du pore, (mutants GluN1P660C, GluN2A-F656C ; Fig.1.5.C), nous avons incubé ces récepteurs mutés avec un des deux composés oxydants dont on disposait : le DTNB ou le CuPhen. Précisons que les métaux de transition (Zn, Cu, Mg, Ni, Fe, Co...) servent le plus souvent de catalyseur dans les réactions d'oxydation en biologie (Mathews & Walker, 1909), notamment dans l'oxydation de cystéines en cystines par le dioxygène O2. En effet, dans le complexe Cu(Phen)2, la phénanthroline, en "attirant" les électrons, change l'état d'oxydation du cuivre, ce qui conduit in fine à la formation d'un oxyradical à partir du O2. Ce radical attaque la liaison -SH des cystéines, puis les radicaux sulfures ainsi formés interagissent pour former un pont disulfure (Careaga & Falke, 1992). Alors que le DTNB n'a induit aucun effet sur l'amplitude des courants mesurés, le CuPhen, quant à lui, a conduit à une inhibition spécifique des récepteurs GluN1-P660C/GluN2Awt de près de 50%. Etonnés d'une telle différence entre les effets des deux traitements oxydants, nous avons souhaité préciser le rôle du cuivre dans l'inhibition observée. En effet, certains groupes fonctionnels dans les protéines, notamment les chaînes latérales des histidines et des cystéines, peuvent servir de sites de chélation pour ces métaux de transition (Glusker et al., 1991). Ainsi, deux cystéines distantes de moins de 7.2 Å (distance entre les Cα, ds-s=3.6 Å ; Holm et al., 1996) peuvent former un site de chélation du cuivre (II). Or d'après notre modèle, les cystéines introduites sur GluN1 à la place des prolines P660 sont séparées par 7 Å, une distance à priori trop grande pour former un pont disulfure mais autorisant néanmoins la formation d'un site pour le cuivre (II). Afin de vérifier cette dernière hypothèse, nous avons réalisé les courbes doses-réponses de l'inhibition des courants en fonction de concentrations croissantes de Cu2+ seul. Cette expérience a mis en évidence la très forte affinité du récepteur GluN1- P660C/GluN2Awt pour le cuivre (IC50=0.075 nM vs IC50= 0.19 nM pour le récepteur de type sauvage), et donc l'existence d'un site de chélation du cuivre formé par les cystéines introduites en sortie de canal. Ce résultat écarte donc l'hypothèse d'un pontage disulfure des sous-unités GluN1 qui auraient été catalysées par le CuPhen. En revanche, il donne des informations sur la proximité et l'orientation des cystéines introduites en sortie du canal. En effet, la formation d'un site cuivre par ces deux cystéines confirme qu'elles sont proches l'une de l'autre et suggère que leur chaine latérale pointe l'une vers l'autre.

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En conclusion, il convient d'être vigilant et critique vis à vis des effets observés après une incubation dans un milieu oxydant contenant le complexe cuivre (II) Cu(Phen)2., les effets observés pouvant ne pas découler de réactions d'oxydo-réduction mais plutôt de complexation de l’ion Cu2+..

Stocks intracellulaires d'homodimères GluN1 et assemblage des récepteurs NMDA

Au cours de ce projet, nous avons été confrontés au problème des stocks intracellulaires d'oligomères de GluN1, dont l'existence avait été prouvée par le passé (Okabe et al., 1999; Horak et al., 2009; Meddows et al., 2001). Il a été montré en effet que les sous-unités GluN1, exprimées seules, peuvent s'assembler en homomères stables dans le réticulum endoplamique, contrairement aux sous-unités GluN2 qui restent monomériques. Co-exprimées, les sous- unités GluN1 et GluN2 (ou GluN3) oligomérisent et migrent vers la membrane plasmique (Mc Ilhinney et al., 1998; Atlason et al., 2007).

Notre étude s’intéressant à l’arrangement des sous-unités dans un récepteur entier, exprimé à la surface cellulaire et fonctionnel, il était essentiel de s'affranchir autant que possible de ces stocks intracellulaires d'intermédiaires de biogenèse. Le problème majeur s'est posé pour l'approche biochimique (western-blots en conditions dénaturantes non réductrices sur des homogénats d'ovocytes entiers), qui ne permettait pas de distinguer les récepteurs membranaires des récepteurs intracellulaires. Tout dimère stabilisé par des ponts disulfures, qu'il soit intracellulaire ou membranaire, sera disloqué par le DTE, un agent réducteur perméant aux membranes, contrairement au Tris[2-carboxyethyl] phosphine (TCEP), qui ne l'est pas (Cline et al., 2004; Rhee & Burke, 2004; Huh & Wenthold, 1999). L'incubation des ovocytes en présence du TCEP nous assure donc de réduire uniquement les récepteurs exprimés à la surface des cellules. Sur les immunoblots, seule une bande disparaissant à la fois dans les "conditions DTE" et les "conditions TCEP" correspond à un dimère surfacique et fonctionnel. Ce fut le cas avec la bande correspondant à l'homodimière GluN1-E698C, corroborant ainsi les résultats fonctionnels que nous avions obtenus.

179 Une autre approche a également été envisagée afin de s’affranchir de ces stocks d’homodimères GluN1 intracellulaires. Nous avons en effet tenté de séparer puis préparer les membranes à partir d’ovocytes entiers, et de ne réaliser les western-blots que sur des extraits de membranes plasmiques purifiées. Malheureusement cette technique est assez difficile à mettre en œuvre et, jusqu’à présent, nous ne sommes pas parvenus à des résultats réellement satisfaisants.

Il est probable que la formation d'homodimères GluN1 intracellulaires constitue une étape essentielle dans l'assemblage et la maturation des rNMDAs (Fig.1.7 et voir Fig.3.5 de l’Introduction ; Meddows et al., 2001 ; Papadakis et al., 2004, Qiu et al., 2005 ; Farina et al., 2011). Cet assemblage impliquerait essentiellement les NTDs des sous-unités. Dans une récente étude, associant cristallographie et microscopie électronique sur domaines isolés, Farina et al. révèlent que l'homodimérisation des NTDs de GluN1 (Fig.1.7) est un élément crucial de l'assemblage du récepteur et que cet homodimère se réorganise durant la biogenèse des rNMDAs pour former un héterodimère fonctionnel (Introduction Fig. 3.4.C). Bien que ce rôle des NTDs ait été aussi observé lors de la biogenèse des rAMPAs (Ayalon & Stern-Bach, 2001; Ayalon et al., 2005), cette réorganisation des sous-unités (d'un homodimère GluN1 à un hétérodimère GluN1/GluN2) durant la biogenèse n'a été démontrée que pour les rNMDAs.

Figure 1.7. Structure cristallographique d'un homodimère de NTDs de GluN1 (pdb 3Q41) montrant la dimérisation des lobes supérieurs (UL) des NTDs ; vue perpendiculairement au plan de la membrane (gauche) et vue synaptique (droite). D'après Farina et al., 2011.

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