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Preuve du théorème principal

II. Topologie des systèmes intégrables non-Hamiltoniens 125

5.1.3. Preuve du théorème principal

L’objectif de cette section est de démontrer le théorème 5.1.5. Pour cela, on va construire explicitement la fonction de Morsef :MR. FixonswRngénérique tel que le flotφtw est acyclique. Notons p1, . . . , pV les points fixes de l’action ρ, et fixons c1, . . . , cVR tels que

∀1≤i, jV, pipj =⇒ ci < cj

5.1. Points fixes de l’action et théorie de Morse

(c’est possible précisément précisément car φt

w est acyclique). Posons di =ci

et d+i = ci + avec > 0 suffisamment petit de sorte que les intervalles [di , d+i ] soient deux à deux disjoints.

Étape 1 : construction locale autour de chaque point fixe

Soit Ui un voisinage de pi avec coordonnées canoniques (x1, . . . , xn) centrées en

p, et B = (v1, . . . , vn) la base adaptée correspondante. Notons (α1, . . . , αn) les coordonnées de w dans la baseB. Ainsi,

Xw =α1x1

∂x1 +· · ·+αnxn ∂xn.

Définissons fi :UiR par l’expression locale

fi(x1, . . . , xn) =ciα1x 2 1 2 − · · · −αnx 2 n 2 .

Alors fi est une fonction de Morse sur Ui avec un seul point singulier, le point pi, d’indice Indp(w) = Indp(f). De plus, on a :

Xw·fi =α21x21+· · ·+α2nx2n≥0.

Étape 2 : prolongement le long des orbites de dimension 1

Supposons pipj. On a alors ci < d+i < dj < cj. Soit O(1)i,j l’orbite de dimension 1 reliant pi à pj. Prenons une rectification du champ de vecteurs −Xw le long de cette orbite : soient qiUi ∩ Oi,j(1),qj =φT

w(qi)∈Uj ∩ Oi,j(1), Vi,j un sous-ensemble de M, Ω un voisinage de 0 dans Rn1 and ϕi,j :Vi,j →Ω×[0,1] tels que :

ϕi,j1(Ω× {0})⊂ {pUi |fi(p) = d+i }, — ϕi,j1(Ω× {1})⊂ {pUj |fj(p) = dj }, — ϕi,j1({0} ×[0,1]) ={ϕt

w(qi)|0≤t≤1},

— (ϕi,j)(−Xw) = ∂t où (s1, . . . , sn−1, t) sont les coordonnées sur Ω×[0,1] (voir figure 5.2). Définissons alors fi,j :Ui,jR par

fi,jϕi,j1(s, t) =d+i +t(djd+i ).

Alors fi,j n’a pas de point singulier, et vérifie −Xw·fi,jεi,j >0.

Sans perte de généralité, on peut supposer UiUj = ∅ pour tout i 6= j et

Ui,jUk,` =∅ pour tout {i, j} 6={k, `}. Posons

5. Actions totalement hyperboliques deRn sur des n-variétés qi qj pj pi Ui Uj Oi,j(1) Vij

Figure 5.2. : Connexion des fonctions fi etfj le long de l’orbite O(1)i,j. et définissonsWi,j comme l’intérieur de Vi,j (voir figure 5.3). Les applicationsfi et

fi,j définissent une fonction lisse sur W = (∪iWi)∪(∪i,jWi,j) et continue sur ¯W.

Étape 3 : prolongement à toute la variété

SoitW0 une composante connexe deM\W¯. Étendonsf par continuité surWW¯0

à l’aide du flot φt

w. Pour p∂W0, notons

T(p) = inf{t >0|φtw(p)∈/ W0}.

Le flot φt

w n’ayant pas d’orbite périodique ni de point fixe dans ¯W0, pour tout

qW0 il existe un unique p∂W0 tel que q=φt

w(p) avec 0< t < T(p). Posons f(q) = T(p)t T(p) f(p) + t T(p)f(φ T(p) w (p)),

f étant déjà définie enpetφTw(p)(p) appartenant à ¯W. On obtient alors une fonction définie et continue sur ¯WW¯0, et lisse surW et sur W0.

De plus, par construction de W, p appartient au voisinage ¯Ui d’un point fixe

pi, φTw(p) appartient au voisinage ¯Uj d’un point fixe pj, et il existe une suite finie

pi → · · · →pj de points fixes, garantissantd±i < d±j . On a finalement :

(−Xw ·f)(q) = f(φ

T(p)

w )−f(p)

T(p) >0.

En répétant cette construction pour chaque composante connexe de M\W¯, on obtient finalement une fonction f :MR vérifiant les propriétés suivantes :

5.1. Points fixes de l’action et théorie de Morse pi ou pi {fi =d±i } {fi =di } {fi =d+i } Ui Wi Wij Wi Wij Ui Indpi(w) = 0 ou 2 Indpi(w) = 1

Figure 5.3. : Restriction de Ui à Wi en dimension 2.

f est continue sur M,

f est lisse sur une famille (Wλ)λ d’ouverts de M telle que ∪λW¯λ =M, — pour chaqueWλ, la restriction de f àWλ peut être prolongée en une fonction

lisse sur un ouvert contenant ¯Wλ, — −Xw·f ≥0 en tout point lisse de f,

— plus précisément, −Xw ·f > 0 en tout point lisse de f en dehors de voisinages des points fixes de ρ arbitrairement petits (c’est-à-dire que pour tout choix de voisinages des points fixes on peut trouver un tel ).

Étape 4 : lissage de la fonction

La dernière étape de cette démonstration est d’appliquer un opérateur de lissage à la fonction f : MR continue et « Morse par morceaux » que l’on vient de construire, et de montrer qu’on obtient alors une fonction de Morse avec exacte-ment les mêmes points singuliers et les mêmes indices.

On va utiliser l’opérateur de lissage introduit par de Rham dans [dR84]. Rappe-lons ici sa définition. On commence par fixer une fonctionr : [0,1[→[0,+∞[ lisse et strictement croissante, vérifiant

r(t) = t pour tout t≤1/3, r(t)≥t pour tout t >1/3.

5. Actions totalement hyperboliques deRn sur des n-variétés

Cette fonction détermine un difféomorphisme radialh :B1Rnde la boule unité deRn dans Rn, défini par

x6= 0, h(x) = r(kxk) kxk x

(en particulier sa restriction à la bouleB1/3 de rayon 1/3 est l’identité). Définissons alors pour toutvRn un difféomorphismeσv :RnRn par :

σv(x) = h1(h(x) +v) si kxk<1, x si kxk ≥1.

Enfin, fixons une fonction χ : RnR lisse, de support contenu dans la boule unité fermée ¯B1, et telle que

Z

Rn

χ(v)dv = 1.

Supposons que Ω soit un ouvert de Rn contenant ¯B1 (ainsi en particulier, Ω vérifie σv(Ω) = Ω pour tout vRn). Pour tout t > 1, on définit un opérateur de lissageRt agissant sur les fonctions continues sur Ω de la manière suivante : étant donnée une fonctiong : Ω→R, on pose

x∈Ω, (Rtg)(x) =

Z

Rn

gσv(x)tnχ(tv)dv.

La fonctionRtg : Ω→R obtenue est lisse.

Lemme 5.1.7. Supposons¯ compact, et soit g : Ω → R une fonction continue. Supposons qu’il existe s0 > 0 tel que g se prolonge en une fonction lipschitzienne sur surs0 = Ω +s0B1, vérifiant pour toutx∈Ω et pour tout 0≤s < s0,

g(x+se1)−g(x)≥ (5.1.8)

(où e1 = (1,0, . . . ,0) est le premier vecteur de la base canonique de Rn).

Alors pour tout 0 < ε0 < ε, il existe t0 >1 tel que pour tout tt0, la fonction lissée Rtg : Ω→R vérifie

x∈Ω, ∂Rtg

∂x1 (x)ε0.

Démonstration. Soit 0< ε0 < ε. Pour toutx∈Ω et pour tout 0≤s < s0, (Rtg)(x+se1)−(Rtg)(x) =

Z

Rn

(gσv(x+se1)−gσv(x))tnχ(tv)dv. (5.1.9)

5.1. Points fixes de l’action et théorie de Morse

Rappelons que χ est nulle en dehors de ¯B1, ainsi l’intégrale ci-dessus peut en fait être calculée sur B1/tRn.

Soit F : ¯Ω×[0, s0B¯1Rn l’application lisse définie par

F(x, s, v) = σv(x+se1)−se1.

Notons k >0 la constante de Lipschitz deg. Par compacité, il existe η >0 tel que pour tous x∈Ω,s∈[0, s0] et vB¯1, sikvk ≤η alors

∂F ∂s(x, s, v) = ∂F ∂s(x, s, v)∂F ∂s(x, s,0) εε 0 k ,

et par suite en appliquant le théorème des valeurs intermédiaires à s7→F(x, s, v), kσv(x+se1)−se1σv(x)k ≤ s(εε

0)

k ,

d’où en utilisant que g estk-lipschitzienne

s(ε0ε)≤gσv(x+se1)−g(σv(x) +se1)≤s(εε0). (5.1.10) Or par hypothèse, on a pour tout vRn

g(σv(x) +se1)−gσv(x). (5.1.11) Ainsi, en sommant les inégalités (5.1.10) et (5.1.11) et en injectant cette majoration dans l’expression (5.1.9), on obtient que pour tous tt0 = 1,x∈Ω et 0≤s < s0,

(Rtg)(x+se1)−(Rtg)(x)≥0

Z

Rn

tnχ(tv)dv =0.

En divisant les deux membres par s et en prenant la limite lorsque t tend vers 0, on obtient l’inégalité annoncée.

Lemme 5.1.12. Soits0 un ouvert convexe et borné de Rn et g : Ωs0R une fonction continue. S’il existe des familles finies (Ωi)iI et (Ω0i)iI d’ouvert de Rn etgi : Ω0iR)iI telles que :

(5.1.12.a)iI¯

i recouvres0, (5.1.12.b) pour tout iI,¯i ⊂Ω0i,

(5.1.12.c) pour tout iI, g et ˜gi coïncident sur¯i,

5. Actions totalement hyperboliques deRn sur des n-variétés

Démonstration. Soit iI. Sans perte de généralité, on peut supposer Ω0i borné. Fixons un ouvert Ui de Rn tel que ¯ΩiUiU¯i ⊂Ω0i. Alors

k= max

iI (sup{kd˜gi(x)k |xU¯i})

est un nombre fini. Montrons que c’est la constante de Lipschitz deg.

Soient x0, x1 ∈ Ωs0. Ce dernier ouvert étant par hypothèse convexe, pour tout

t∈[0,1], le pointxt = (1−t)x0+tx1 appartient à Ωs0. Notons

T = sup{t ∈[0,1]| kg(xt)−g(x0)k ≤kkxtx0k},

et supposons par l’absurde queT est strictement inférieur à 1. D’après (5.1.12.a), pour toutn > 1/(1−T), il existe un indice inI tel que xT+1/n ∈Ω¯in. Comme I

est fini, il existe notamment un indiceiI et une sous-suite (n)nn0 de la suite (1/n)nn0 tels que pour toutnn0, le pointxT+n appartient à ¯Ωi. Par suite, à la limite lorsque n tend vers +∞, xT appartient aussi à ¯ΩiUi. Soit r >0 tel que la boule ouverteB(xT, r) de centrexT et de rayon r soit contenue dans Ui. Alors pour tout 0< δ < r/kx1x0k, le pointxT+δ appartient à Ui, et d’après l’inégalité des valeurs intermédiaires on a

kg˜i(xT+δ)−g˜i(xT)k ≤kkxT+δxTk.

En particulier, en prenantδ =n, et en utilisant que xT etxT+n appartiennent à ¯

i où, d’après (5.1.12.c), les fonctions g et ˜gi coïncident, on a pour tout n assez grand

kg(xT+n)−g(xT)k ≤kkxT+nxTk.

Or, par définition deT et par continuité deg, on a kg(xT)−g(x0)k ≤kkxTx0k. Par suite,

kg(xT+n)−g(x0)k ≥k(kxT+nxTk+kxTx0k) = kkxT+nx0k,

ce qui contredit le fait que T est supremum. C’est donc que T = 1, autrement dit kg(x1)−g(x0)k ≤kkx1x0k.

Étendons la définition de l’opérateur de lissage à toute la variété M. Supposons que (V, ϕ) soit une carte locale de M telle que ¯B1 soit inclus dans ϕ(V) (quitte à composer ϕ avec une transformation linéaire de Rn, on peut toujours supposer que cette dernière condition est vérifiée). On définit alors un opérateur de lissage

5.1. Points fixes de l’action et théorie de Morse

St,V agissant sur les fonctions continues f :MR par

pM, (St,Vf)(p) = Rt(fϕ1)(ϕ(p)) sipV, f(p) sinon. (5.1.13) La fonction St,V :MR obtenue est lisse sur V.

Proposition 5.1.14. Soit f :MRune fonction continue sur une variété com-pacte M de dimension n. Supposons qu’il existe une famille finie(Wi)iI d’ouverts de M, une famille finie (Ki)iI de compacts (éventuellement vides) KiWi, un champ de vecteur lisse X de flot φt sur M et un réel >0 tels que :

(5.1.14.a) la restriction de f à chaque Wi est une fonction de Morse (éventuel-lement sans singularité),

(5.1.14.b) l’ensemble S =∪iIWi sur lequel f est lisse vérifie S¯=M,

(5.1.14.c) pour tout iI, il existe un ouvert Wi0 de M contenant W¯i et une fonction lisse f˜i :MM tels que f et f˜i coïncident sur W¯i,

(5.1.14.d) pour tout p ∈ S, φt(p) ∈ S pour tout tR sauf un nombre fini d’entre eux,

(5.1.14.e) pour toutp∈ S \(∪iKi), (X·f)(p)≥(en particulier les singularités de f et X appartiennent àiKi).

Alors il existe un opérateur de lissageStsurM tout que pour toutt >0assez grand,

Stf :MR est une fonction de Morse dont les singularités sont exactement les singularités de f sur S, avec chacune le même indice.

Démonstration. Notons ∆ l’ensemble des fonctionsF :MRcontinues et telles que :

F est lisse sur chaqueWi,

— pour tout iI, il existe un ouvert Wi0 de M contenant ¯Wi et une fonction ˜

Fi :Wi0R telle que F et ˜Fi coïncident sur ¯Wi,

— il existe 0 >0 tel que (X·F)(q)≥0 pour tout q∈ S \(∪iKi).

Soit pM \ S. En particulier, p /∈ ∪iKi et donc X(p) 6= 0. Ainsi, il existe une carte locale (Up, ϕp) centrée en pvérifiant

(ϕp)X =αp

5. Actions totalement hyperboliques deRn sur des n-variétés

Sans perte de généralité, on peut supposer ¯UpKi =∅ pour toutiI. De plus, quitte à multiplier ϕp par une constante positive assez grande, on peut supposer queϕp(Up) contient la boule unité fermée ¯B1. Soient VpUp un ouvert et sp >0 tels que Ωp = ϕp(Vp) soit convexe, borné, et contienne ¯B1, et tels que Ωp,sp =

ϕp(Vp) +spB1 soit contenu dansϕp(Up). Soit F ∈∆. Alors la fonction g =Fϕ1

p est continue sur Ωp,sp. De plus,g est lisse sur

i =ϕp(VpWi) et s’étend en une fonction lisse ˜gi = ˜Fiϕ1

p sur Ω0i =ϕp(VpWi0).

Ainsi, d’après le lemme 5.1.12,g est une fonction lipschitzienne sur Ωp,sp. Montrons maintenant que g vérifie de plus la condition (5.1.8). Soit qVp∩ S un point où

F est lisse, et soit 0 < s < s0. D’après la condition (5.1.14.d), il existe une suite finie

0 =s0 < s1 <· · ·< sk =s

telle que pour tout s0 ∈]sj, sj+1[, φs0(q) appartient à S. Comme ¯Up ∩(∪iKi) = ∅, pour un tel s0 on a (X·F)(φs0(q))≥0. Ainsi, pour toutsj < a < b < sj+1 on a

F(φb(q))−F(φa(q))≥(ba)0,

et par continuité l’inégalité reste valable pour a = sj et b = sj+1. Sommant ces inégalité pourj allant de 0 àk−1 on obtient finalement

F(φs(q))−F(q)≥s0.

Par continuité, on étend ce résultat à tout qVp∩ S = Vp. Autrement dit, la fonction g =Fϕ1 vérifie pour tous x∈Ωp et 0< s < s0 :

g(x+se1)−g(x)≥s0p.

On est donc maintenant en mesure d’appliquer le lemme 5.1.7 : fixons 0< 00 < 0, alors il existe tp >1 tel que pour tout tt0 et pour tout x∈Ωp,

∂Rtg

∂x100p.

De manière équivalente, en notant St,p l’opérateur de régularisation défini sur Vp

par la formule (5.1.13), on a pour tout tt0 et pour tout qVp, (X·St,pF)(q)≥00.