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Premiers constats motivant l’approfondissement didactique

CHAPITRE 3 : L’ORIENTATION DIDACTIQUE ET LA MISE EN ŒUVRE

1. Premiers constats motivant l’approfondissement didactique

certaines d’entre elles pouvaient dépendre de dimensions disciplinaires (Menouar & Bart, 2014, Verfaillie-Menouar, 2011, 2012).

1.1. Des stratégies de passation différentes selon les disciplines

Le premier constat concerne les variations des pratiques dans les évaluations nationales. Il m’a été possible d’observer qu’un enseignant n’avait pas une pratique stable d’une séance à l’autre. J’ai relevé des stratégies d’intervention différentes : un mode de pratique accompagnée en séance de Français et des caractéristiques du mode de pratique prudente et dirigée lors d’une séance de Mathématiques. Ainsi en Français ce maitre laissait les élèves échanger pour approcher ce qui leur était demandé alors qu’en Mathématiques, il était davantage prudent en précisant d’emblée les consignes, et par ailleurs, alors qu’il surveillait les élèves en passant dans les rangs, il regardait ce qu’ils répondaient et les amenait à reprendre leurs réponses : « Qu’est-ce qu’on a dit, les dimensions ? ça doit être le double ! » (annexe-clé 07, M8, 39) ou bien « Alors tu ferais bien de regarder ton exercice dix-huit parce

que je ne pense pas que ça corresponde à la consigne » (id., 44).

Ainsi j’ai émis l’hypothèse qu’un enseignant peut pratiquer différemment une évaluation en Français et une évaluation en Mathématiques101. J’ai davantage constaté des stratégies aidantes (l’enseignant répond aux demandes des élèves) et des stratégies accompagnées en Français (l’enseignant contrôle des échanges entre élèves), même si ce ne sont pas les seules stratégies présentes dans cette discipline. Les stratégies prudentes (l’enseignant intervient d’emblée pour préciser les consignes) et les stratégies dirigées (après prise d’information sur la production effectuée par l’élève, l’enseignant l’amène à se corriger) sont des modes couplés observés en Mathématiques.

C’est donc cette hypothèse que j’ai tenté de cerner : en quoi les pratiques évaluatives des enseignants varient-elles d’une discipline à une autre ?

1.2. Des cadrages disciplinaires variables entre les documents officiels

et les pratiques des maitres

Un second constat a orienté mon regard sur une dimension disciplinaire des pratiques : la différence des cadrages disciplinaires adoptés entre les programmes officiels, les documents d’évaluations nationales et les pratiques des maitres.

Lors des évaluations nationales, les contenus évalués au cours d’une séance ne sont pas indiqués aux élèves. Les disciplines « Français » ou « Mathématiques » sont parfois explicitement précisées par l’enseignant mais pas systématiquement. Ce n’est d’ailleurs pas prévu par le protocole institutionnel et ce n’est visible que par l’organisation en deux parties distinctes du cahier de l’élève : une partie Français, une partie mathématiques. Il peut arriver que des enseignants rappellent la discipline en cours de passation : « On écrit les résultats en

chiffres, nous sommes en Mathématiques » (Marcel).

Pour les séances d’évaluations ordinaires observées, les enseignants ont majoritairement indiqué aux élèves le contenu évalué. Oralement, souvent en début de séance, mais aussi à l’écrit en entête du document d’épreuve distribué aux élèves, par exemple : le C.O.D. et les déterminants, les grands nombres. En Français, le contenu évalué est le plus souvent rattaché à un sous-domaine disciplinaire (Reuter, 2004 ; Reuter 2007/2010c), comme la grammaire ou la conjugaison. Cela illustre un « découpage disciplinaire des savoirs » en matière d’enseignement, décrit par Halté (1992). Enfin, l’indication explicite « Français » est inexistante, celle de « Mathématiques » l’est rarement.

Ainsi en évaluations ordinaires, le découpage de la discipline en sous-domaines et contenus a un fort marquage, il laisse dans l’ombre le rattachement au Français ou aux Mathématiques. Dans le cadre des évaluations nationales, la répartition des contenus évalués dans les différentes séquences d’évaluation montre une discipline morcelée en divers contenus alors qu’une organisation en domaines et sous-domaines est visible dans le cahier de l’enseignant. L’organisation est encore présentée différemment dans les programmes officiels. Il apparait ainsi un certain flou dans la compréhension du découpage disciplinaire institutionnel, ce qui pourrait expliquer certaines divergences dans les pratiques évaluatives des enseignants.

Pour ne prendre qu’un exemple, la discipline Français est découpée en trois domaines dans le livret de l’enseignant des évaluations nationales (MENb, 2011) : lire, écrire et étude de la langue, ce dernier étant lui-même découpé trois parties : vocabulaire, grammaire et orthographe. Dans les programmes de 2008 (MEN, 2008)102 le découpage comporte trois domaines : un domaine lecture-écriture, découpé en lecture, littérature et rédaction, un domaine étude de la langue française découpé en vocabulaire, grammaire et orthographe et un domaine langage oral. Dans les progressions proposées au sein de ce même document, la construction disciplinaire diffère. Elle est composée de deux domaines, celui de lecture- écriture découpé en sept sous-domaines103 et celui de langage oral.

Tableau 5 : Domaines et sous-domaines du Français dans l’espace des prescriptions

Tableau évaluations nationales janvier 2011 Programmes 2008 du cycle 3 (cycle des approfondissements) Progressions issues des programmes 2008

Lire Lecture, écriture :

- lecture - littérature - rédaction Lecture-écriture : - lecture - littérature - écriture - rédaction - vocabulaire - grammaire - orthographe Écrire Étude de la langue : - vocabulaire - grammaire - orthographe

Étude de la langue française : - vocabulaire

- grammaire - orthographe

Langage oral Langage oral

L’étude des sous-domaines annoncés par les enseignants en évaluations ordinaires permet de retrouver les désignations des instructions officielles. Toutefois, il en apparait d’autres, telles la conjugaison ou la dictée.

Ces constats seront creusés dans cette thèse à partir d’une étude spécifique des documents d’évaluation des élèves et des indications disciplinaires qu’ils comportent en

102 La référence institutionnelle en cours pour les enseignants lors de l’étude empirique. 103 Lecture, littérature, écriture, rédaction, vocabulaire, grammaire, orthographe.

entête (chapitre 4, 1.3). L’étude des manières de découper les disciplines et de l’afficher sur les documents permet d’approcher et d’interroger la manière dont les enseignants présentent les structures des disciplines aux élèves lorsqu’ils les évaluent.