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3. U NE COMPLEMENTAIRE SANTE POUR ACCEDER AUX SOINS

3.3. Un problème majeur : les refus de soins

3.3.2. Des premiers bilans très limités

Le conseil national de l’ordre des médecins a tiré un bilan des décisions des chambres disciplinaires en matière de refus de soins pour la période allant de septembre 2007 à septembre 2008.

Pour l’ordre, cette période est pertinente pour l’analyse. En effet, il convient de rappeler que depuis juillet 2007 :

- les chambres disciplinaires peuvent être saisies de plaintes émanant d’associations de patients ou d’usagers que les conseils départementaux transmettent obligatoirement, après la tentative de conciliation ;

- les conseils départementaux sont tenus à une tentative de conciliation ; - les chambres disciplinaires sont présidées par un magistrat ;

- les plaignants qui ne sont pas tenus de constituer un avocat, ont la faculté de faire appel des décisions des chambres disciplinaires.

Neuf décisions ont été rendues dans ce domaine par les chambres disciplinaires de première instance.

Dans ces neuf affaires, cinq ont été rendues par la chambre disciplinaire d’Ile-de-France et huit concernent des médecins spécialistes, hors médecine générale.

L’ordre indique également que les conseils départementaux organisent systématiquement des conciliations lorsqu’ils reçoivent des plaintes mais peuvent également en déclencher sur la base de simples informations apportées par des assurés sociaux.

Il n’apparaît pas aujourd’hui possible de quantifier le nombre de conciliations effectuées dans le domaine de la CMU-C mais de façon générale, l’ordre indique constater un taux de conciliations réussies autour de 50 %.

Dans certaines affaires particulières dont le conseil national a eu à connaître, les conseils départementaux ont obtenu que les praticiens remboursent aux assurés sociaux des sommes indûment perçues.

Aucune décision n’a été rendue dans le domaine des refus de soins sur information des caisses d’assurance maladie. Pour la période considérée, les Sections des assurances sociales n’ont pas rendu de décision non plus.

Le conseil de l’ordre des chirurgiens-dentistes n’a pour sa part transmis aucun bilan.

Du côté de la CNAMTS, une enquête a été réalisée auprès des CPAM pour tirer le bilan de la circulaire précitée. 73 caisses n’ont reçu aucune réclamation ; 51 ont recensé 205 saisines d’assurés.

Le motif initial de la demande est pour moitié des refus de dispense d'avance des frais, pour 35 % des refus de soins ou de poursuite des soins, mais aussi des refus de devis, des travaux effectués sans devis préalable ou des refus de vente d’un appareil et pour 9 % des saisines pour non respect des tarifs opposables (dépassements d’honoraires, actes hors nomenclature).

Les professionnels mis en cause sont pour plus de la moitié des médecins (essentiellement des spécialistes) mais aussi des dentistes (29 %) et d’autres professionnels de santé pour 13 %.

36 conciliations étaient encore en cours lors du recensement.

38 accords amiables ont été trouvés : le plus souvent les parties rapprochent leur position, à partir des explications recueillies par le conciliateur. Parmi les raisons évoquées par les professionnels de santé mis en cause, on peut citer le refus de dispense d’avance des frais du fait de la non présentation de la carte Vitale ou de la présentation d’une carte Vitale non mise à jour, l’absence de lecteur de cartes lors de soins à domicile, des soins dispensés par un remplaçant, mal informé des procédures. Dans certains cas, le désaccord peut persister quant à l’interprétation des faits, mais le professionnel de santé et l’assuré acceptent de se revoir et de reprendre la relation de soins ou le professionnel de santé accepte de rembourser le dépassement d’honoraires. L’accord est suivi néanmoins, dans certains cas, d’un changement de praticien.

30 abandons de la plainte ou clôture de dossier ont été recensés après explications données par le conciliateur sur la procédure à respecter pour obtenir le tiers payant, ou lorsque le refus de soins n’était pas caractérisé. Dans d’autres cas, le dossier a été clos pour non fourniture des informations demandées par le conciliateur pour étayer la réclamation. Dans quelques cas, l’abandon par l’assuré est lié à la crainte de ne pas pouvoir poursuivre les soins, ou de confirmer par écrit sa plainte.

17 désaccords persistent : la version des faits diffère toujours entre l’assuré et le professionnel de santé. Le conciliateur de la CPAM fait alors un rappel à la règlementation auprès du professionnel de santé concerné et suivra particulièrement tout nouveau signalement le concernant. Le changement de praticien est le plus souvent la conséquence du désaccord.

S’agissant d’une première vague de réclamations portée à la connaissance des conciliateurs, aucun professionnel n’ayant fait l’objet de plusieurs plaintes émanant d’assurés différents au cours de la période, les CPAM n’ont pas envisagé d’action à caractère de sanction à l’encontre des professionnels mis en cause, sauf dans un seul cas.

Dans la plupart des cas, les caisses d’assurance maladie ont procédé à des rappels à l’ordre.

Dans 64 cas, le conciliateur a été amené à rappeler la réglementation et ses obligations, au professionnel mis en cause. Dans 37 cas, le conciliateur a aussi rappelé à l’assuré ses obligations (présentation des justificatifs requis, notamment carte Vitale et son attestation de droits). Dans 17 cas, le conciliateur a saisi le service des relations avec les professionnels de santé pour suivi de la pratique du professionnel. Dans huit cas, le conciliateur a saisi le service médical local, pour évaluation du bien fondé de l’argumentaire donné par le professionnel et pour aide à l’interprétation de la situation. Dans un cas, le conciliateur a suggéré à l’assuré de saisir la direction départementale de la concurrence et des prix et la HALDE. Dans quatre cas, le conciliateur a aidé l’assuré à trouver un autre professionnel de santé. Dans un cas, le conciliateur a suggéré une saisine du conseil de l’ordre, proposition retenue par la direction de la CPAM.

Deux signalements par des professionnels de santé ont été reçus. Les 2 professionnels de santé libéraux ayant porté leur réclamation auprès du conciliateur - un chirurgien dentiste et un ophtalmologue - signalaient leurs difficultés face à des assurés ayant annulé plusieurs rendez-vous sans avertissement, malgré des relances.

Pour le premier professionnel de santé qui avait engagé la réalisation d’une prothèse, la relation avec l’assuré a pu être rétablie (l’assuré n’osait pas revenir par crainte de la somme à débourser). Le second cas est en cours de traitement.

Selon la conclusion de la CNAMTS, d’une manière générale, « l’intervention du conciliateur permet un dialogue majoritairement positif avec (et entre) les deux parties et si elle n’aboutit pas à une démarche coercitive, cette forme d’action permet une action pédagogique, tant pour les assurés que pour les professionnels ».

Après en avoir informé l’ensemble des médecins (Lette d’information aux médecins n° 29 de juin 2008), la CNAMTS a demandé aux caisses (Lettre réseau du 13 janvier 2009) d’analyser l’activité des 5 % des professionnels de santé qui reçoivent le moins de bénéficiaires de la CMU-C afin de comprendre les déterminants susceptibles de favoriser l’accès aux soins de cette population. Des plans d’action locaux ont été élaborés. Il est trop tôt pour tirer un bilan de ces actions.

Le directeur santé de la CCMSA a indiqué qu’aucun refus de soins n’a été recensé par le régime agricole. Du côté du RSI, 10 refus de soins ont été signalés en 2008 et quatre ont amené un dépôt de plainte auprès des ordres.

Ces premiers bilans, tirés par des acteurs majeurs, pourraient laisser penser que, globalement, la situation est rentrée dans l’ordre.

L’étude IRDES/Fonds CMU (cf. infra) montre que ce n’est malheureusement pas le cas.

En fait, on se trouve dans une situation identique à celle de 2006 où les plaintes contre les refus de soins étaient inexistantes alors que les études menées par le Fonds CMU, la DREES, Que Choisir et Médecins du Monde faisaient apparaitre un phénomène à l’ampleur conséquente. Le même paradoxe se retrouve en 2009, trois ans plus tard.

Des échos du terrain confirment le décalage entre le faible nombre de plaintes et la réalité des refus de soins. Au regard des difficultés d’accès aux soins, dans une commune, une association a établi une liste des professionnels acceptant les bénéficiaires de la CMU-C. Des services de l’aide sociale à l’enfance (140 000 enfants placés) signalent que souvent, les assistantes maternelles, « pour ne pas se fâcher avec leur médecin de famille », n’indiquent pas le bénéfice de la CMU-C pour l’enfant placé. Le recours important aux divers centres de santé par les bénéficiaires de la CMU-C est également en partie une indication des ces difficultés d’accès à l’ensemble du système de soins.