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3. U NE COMPLEMENTAIRE SANTE POUR ACCEDER AUX SOINS

3.3. Un problème majeur : les refus de soins

3.3.3. Un nouveau testing

La lettre ministérielle missionnant le Fonds CMU pour réaliser le quatrième rapport d’évaluation de la loi CMU demandait que l’accent soit mis sur un certain nombre de sujets.

Parmi ceux-ci, il était demandé que soit portée une attention toute particulière au problème des refus de soins.

Dans le cadre de la réalisation du présent rapport, le Fonds CMU a donc commandé à l’IRDES un nouveau testing (le rapport complet est disponible sur le site du Fonds CMU).

Celui-ci a été réalisé à Paris auprès de 861 médecins ou dentistes à la fin de l’année 2008.

Une étude par testing est lourde et donc coûteuse. Le choix de Paris intra-muros a été retenu en raison du nombre de professionnels y exerçant et de la grande diversité de situations possibles.

Il est évident que la réalité parisienne ne saurait être représentative de celle de l’ensemble de la France et des situations que l’on peut rencontrer dans chaque grande ville ou chaque département. Il est tout aussi évident pour les statisticiens que le testing scientifique réalisé n’est comparable, ni dans l’espace ni dans le temps, avec celui que le Fonds CMU a conduit début 2006 dans 8 communes du Val-de-Marne. Par contre, la technique d’échantillonnage utilisée permet d’affirmer que le résultat est représentatif au sens statistique du terme de la réalité parisienne. Et les résultats sont tels que le problème des refus de soins est ainsi de nouveau mis en évidence.

Le rapport comporte 20 pages de méthodologie : il s’agit en effet d’un travail scientifique qui se devait d’être irréprochable pour permettre des analyses statistiques irréfutables qui ne peuvent donner lieu à aucune contestation. Une analyse qualitative complémentaire permet d’éclairer ces résultats quantitatifs.

Les principales données sont présentées dans le tableau suivant. pourcentage (pourcentages totaux) permet de mesurer les difficultés d’accès aux soins des bénéficiaires de la CMU complémentaire. Celles-ci apparaissent majeures pour la gynécologie (d’autant que les gynécologues en secteur 1 sont peu nombreux à Paris) et restent importantes en ophtalmologie et pour les soins dentaires.

La seconde colonne (refus imputables) mesure le taux de refus en rapport avec le fait que le patient bénéficie de la CMU complémentaire. Il varie en fonction des catégories professionnelles. Les analyses réalisées (régressions logistiques) permettent de faire émerger un certain nombre de déterminants du refus de soins. Le secteur de conventionnement est une des composantes majeures du refus, c’est-à-dire que les médecins de secteur 2 refusent significativement plus que leurs confrères du secteur 1. Les dentistes ont un comportement comparable aux médecins du secteur 2. Les radiologues, quel que soit le secteur, refusent significativement moins que les autres catégories professionnelles. De même, les praticiens non équipés de lecteur de la carte vitale refusent significativement plus que leurs confrères équipés. Les taux de refus sont également liés aux arrondissements classés en fonction du revenu moyen par habitant.

Ces taux ne varient pas quelle que soit la personne qui répond au téléphone (professionnel, secrétariat), et quel que soit le sexe du praticien.

L’analyse qualitative rejoint et confirme les résultats de l’analyse statistique quant aux origines du refus. Les discours mettent en avant la question du dépassement d’honoraires qui ne peut être appliqué aux patients bénéficiant de la CMU complémentaire et les refus sont fréquemment justifiés par l’absence d’équipement du praticien. Elle permet par ailleurs d’affiner les résultats et de révéler des formes de discrimination même chez ceux qui acceptent, en recevant par exemple les bénéficiaires dans des conditions différentes des autres patients. Elle permet également de révéler des formes d’acceptation qui ne sont pas une acceptation de principe, dans le cadre du droit mais plutôt une forme de gestion au cas par cas relevant d’une charité individuelle. Enfin, les manières de refuser varient également en fonction des praticiens, certains accompagnent le patient dans la recherche d’une proposition

alternative ; à l’inverse d’autres affichent des formes d’agressivité à l’égard des patients bénéficiaires de la CMU.

L’analyse qualitative permet de confirmer la crédibilité du scénario avec annonce du fait d’être bénéficiaire de la CMU. Le scénario sans annonce montre que quand le patient n’annonce pas qu’il détient la CMU, dans la majorité des cas, il a plus de chances d’obtenir un rendez-vous que quand il prévient. Dans le cadre de ce scénario, on ne peut pour autant affirmer l’absence de refus de soins qui pourraient intervenir plus tard.

Ce résultat plaide pour une discrimination rattachée à la protection sociale plus qu’à une discrimination sociale proprement dite, encore que celle-ci ne puisse être totalement exclue.

Il convient de noter qu’un testing a également été réalisé par le CISS et rendu public en mai 2009.

Aucun testing n’est comparable à l’autre et ils ne peuvent être jugés représentatifs du comportement de l’ensemble des 120 000 médecins généralistes, spécialistes et dentistes à l’égard des 4 300 000 bénéficiaires de la CMU.

Il n’en reste pas moins qu’ils démontrent une convergence remarquable vers une conclusion identique : malgré une condamnation unanime de tous les acteurs de ce dossier, le refus de soins existe et son ampleur ne saurait être qualifiée de marginale et anecdotique.

Le problème vient de ce que cette situation est en décalage total avec les rares signalements observés, notamment dans les caisses de sécurité sociale. Cette situation comparable à celle observée par le Fonds CMU en 2006 indique que le problème reste encore à résoudre. Le projet de loi Hôpital-patients-santé-territoires a abordé ce sujet.

L’exposé des motifs de l’article 18 du projet de loi HPST tel qu’adopté par le Conseil des ministres du 21 octobre 2008 affirmait la volonté du gouvernement de s’attaquer à ce problème et de donner les moyens aux différents acteurs du dispositif de faire cesser ces pratiques, qui sont unanimement condamnées (cf. annexe 9).

La discussion parlementaire a souhaité privilégier une procédure de conciliation dans le cadre d'une commission mixte composé à parité de représentants du conseil territorialement compétent de l'ordre professionnel concerné et de l'organisme local d'assurance maladie, avant que ne soit envisagée une sanction possible.