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Les premières précisions jurisprudentielles Récemment, les juges administratifs ont

Section I. Un dispositif sécurisé : la rupture conventionnelle collective

B. L’avenir de la rupture conventionnelle collective

94. Les premières précisions jurisprudentielles Récemment, les juges administratifs ont

eu l’occasion de préciser le contrôle opéré par l’Administration sur la RCC. Par un jugement du 16 octobre 2018318 , confirmé par un arrêt de Cour d’appel du 14 mars 2019319, ils ont en effet répondu à plusieurs questions.

La première question portait sur le non-respect du délai d’information de l’Administration, et plus particulièrement sur la sanction d’un tel manquement. En l’espèce, l’employeur n’avait pas informé la Direccte dès le début des négociations de la RCC comme l’impose l’art. L 1237- 19 du Code du travail. Ce manquement devait-il entraîner la nullité de la RCC ? Les juges administratifs ont répondu par la négative. Pour cela, ils ont avancé deux arguments. Le premier repose sur l’idée qu’il n’y a pas de nullité sans texte. Or, en l’espèce, la loi n’a prévu aucune nullité pour le non-respect du délai d’information. Le deuxième argument relève d’une considération plus pratique. En l’espèce, malgré le non-respect du délai d’information, l’Administration a quand même été informée de la préparation de la RCC, et n’en a subi aucune conséquence. Dès lors, la sanction de la nullité n’était pas nécessaire. Les juges administratifs ont donc refusé d’opérer une application formelle de l’obligation d’information, comme cela aurait pu être le cas en Droit de la consommation.

La deuxième question portait sur la régularité de la procédure d’information des

représentants du personnel. En l’espèce, les requérants reprochaient à la Direccte d’avoir

validé la RCC alors que ni le CE ni le CHSCT n’avaient été consultés par l’employeur. Toutefois, là encore le moyen n’a pas prospéré. Les juges ont mis en avant le fait que la loi ne prévoit aucune consultation du CSCHT, et ne prévoit qu’une information du CE (futur CSE). En effet, l’article L 1237-19-1, 1° du Code du travail dispose que l’accord de RCC fixe les modalités « d’information » du CSE, sans imposer qu’il soit préalablement consulté. De même,

318 TA Cergy Pontoise, 16 oct. 2018 n°1807099 ; F. GEA « Rupture conventionnelle collective, étape 2 : le regard du juge administratif » - RTD 2018 p 762

319 CAA Versailles, 4ème ch, 14 mars 2019, n°18VE04158 ; « L’existence d’un motif économique n’exclut pas le recours à la RCC », Liaisons sociales, 26/03/2019

l’article L 2312-39 du Code du travail, relatif à l’obligation de consultation préalable sur les projets de restructurations, soustrait le cas de la RCC. Cela correspond plus généralement au principe posé par la loi Rebsamen de 2015, selon lequel la consultation préalable des représentants du personnel est supprimée en cas de projet d’accord collectif320.

Évincée dans le cas de la RCC, l’obligation de consultation préalable ne pourrait-elle pas être réintroduite sur un autre fondement ? La question se pose car l’article L 2312-8 du Code du

travail dispose que le CSE est consulté sur toute question « intéressant l’organisation, la

gestion et la marche générale de l’entreprise ». Or toute RCC suppose un projet de

restructuration concernant « la marche générale de l’entreprise ». La consultation préalable du CSE pourrait donc être réintroduite au titre de ses compétences économiques générales, malgré son éviction dans le cadre de la RCC. Sur ce point, les juges administratifs se sont gardés de prendre position321. Se retranchant derrière les limites du contrôle administratif, ils ne se sont prononcés que sur la seule conformité de la RCC à L 1237-19-1, 1° du Code du travail (sur l’information du CSE en cas de RCC), et non sur la conformité à l’article L 2312-8 du Code du travail (sur les compétences économiques générales du CSE). Dès lors que le premier de ces deux articles était respecté, les juges ont considéré que la validation administrative était justifiée. Or, l’obligation d’information prévue par L 1237-19-1, 1° du Code du travail est facilement remplie, car elle peut avoir lieu aussi bien en amont qu’en aval de la négociation de la RCC322. Il est d’ailleurs plus probable qu’elle ait lieu en aval car, comme elle doit être prévue par l’accord de RCC, « on comprend mal comment un accord non encore signé pourrait fixer

les modalités de l’information du CSE »323.

La troisième question portait sur l’existence d’un motif économique. En l’espèce, les requérants considéraient que le fait de recourir à une RCC en présence d’un motif économique constituait une fraude au PSE. Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a refusé ce moyen, en considérant que la présence d’un motif économique ne faisait pas obstacle à la mise en place d’une RCC. Ceci est conforme à la lettre des textes sur la RCC, dans lesquels le motif économique est inopérant. La Cour d’appel a confirmé cette analyse, mais n’a pas repris à son compte la notion de « délai raisonnable » de 12 mois séparant la RCC d’éventuels licenciements

320 Art. L 2312-14 du Code du travail

321 F. GEA « Rupture conventionnelle collective, étape 2 : le regard du juge administratif » - RTD 2018 p 762 322 Q/R n°19

323 S. DUMAS et M. LE ROY « Rupture conventionnelle collective : un hybride vraiment séduisant ? », Les cahiers du DRH, 2017, n°247

pour apprécier l’éventuelle fraude au PSE324. En revanche, elle s’est fondée sur le fait que le nombre de départs volontaires était supérieur au nombre de suppressions envisagés. Cette interprétation souveraine des faits par les juges du fond sera très importante en cas de contrôle de la Cour de cassation.

À l’analyse, les premières décisions des juges administratifs peuvent être qualifiées de « rassurantes »325. Elles respectent scrupuleusement la lettre des textes, et ne semblent pas vouloir imposer un contrôle sévère.