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Première tentative : décomposition en HS

Chapitre 7 Étalonnage des diagrammes d'antennes de MIRAS

7.4 Première tentative : décomposition en HS

L'idée ici est d'appliquer la méthode proposée ci-dessus en modélisant les diagrammes d'an- tennes par une décomposition en harmoniques sphériques (HS).

7.4.1 Modélisation des diagrammes d'antennes

Chaque antenne de MIRAS observe l'intégralité de la scène située devant l'instrument qui peut être déni, soit en coordonnées spatiales ξ(ξ1, ξ2), soit en coordonnées sphériques (θ, φ). Nous rappelons que ξ1 et ξ2, composantes de la variable de position angulaire ξ, sont les cosinus directeurs de la direction d'observation, avec ξ1= sin θ cos φ et ξ2 = sin θ sin φet θ et φ sont les coordonnées sphériques traditionnelles où θ ∈ [0, π] et φ ∈ [0, 2π] (voir gure 1.4 au chapitre 1). Pour modéliser un diagramme d'antenne, l'approche naturelle est de proposer une décomposi- tion en harmoniques sphériques (HS) du diagramme d'antenne. Toute fonction F(θ, φ) (ou F(ξ)) se décompose ainsi en une série d'harmoniques sphériques de la manière suivante [75] :

F(θ, φ) = X l=0 l X m=−l clmYlm(θ, φ), (7.18)

où clm sont des coecients constants et souvent, en mathématiques, prennent le nom de coef-

cients de Fourier généralisé. Quant à Ylm(θ, φ), ce sont les fonctions harmoniques sphériques

obtenues à partir de l'équation de Laplace de degré ` et d'ordre m (−l ≤ m ≤ l). Elles sont égales à la partie réelle d'une fonction complexe appelée fonction associée de Legendre Ylm(θ, φ)

dénie, pour θ ∈ [0, π] et φ ∈ [0, 2π], par :

Ylm(θ, φ) = s 2l + 1 (l − m)! (l + m)!Plm ¡ cos θ¢ejmφ (7.19)

où Plm(X), X ∈ [−1, 1], est le polynôme de Legendre donné par :

Plm(X) = (−1)m 2l × l!(1 − X) m/2 dm+1 dXm+1 £ (X2− 1)l]. (7.20)

Les fonctions Ylm(θ, φ) présentent de plus en plus de symétries au fur et à mesure que l

croît (sauf lorsque l = 0, puisque Y00 est une fonction constante et décrit donc une sphère). La gure 7.2 montre des fonctions harmoniques sphériques de degré et d'ordre variables. Ce sont donc des surfaces qui enveloppent la sphère et qui présentent des ondulations de part et d'autre de zéro : en rouge les zones positives, en bleu les zones négatives, et en blanc les passages par zéro. La règle est que la fonction harmonique sphérique passe autant de fois par zéro que son

Figure 7.2  Fonctions harmoniques sphériques Ylm(θ, φ) de degré et d'ordre variables

degré l. Parmi ces passages, m se font suivant une longitude (sur un grand cercle), et donc l − m suivant une latitude (sur un petit cercle). Une propriété des fonctions harmoniques sphériques

Ylm, est qu'elles sont orthonormales suivant le produit scalaire suivant :

< Ylm(θ, φ)|Yl0m0(θ, φ) >= Z π θ=0 Z φ=0 Ylm(θ, φ)Yl∗0 m0(θ, φ) sin(θ)dθdφ = δll0δmm0

où δ est le symbole de Kronecker qui est égal à 1 si l = l0

et m = m0

et à 0 sinon.

En pratique et pour des raisons numériques, la somme sur l de la décomposition en harmo- niques sphériques (7.18) est tronquée à un ordre lmax. Ainsi, le nombre de coecients clm est

égal à L = (lmax+ 1)2 et une approximation bF(θ, φ) de F(θ, φ) est ainsi obtenue :

b F(θ, φ) = lXmax l=0 l X m=−l clmYlm(θ, φ) = YC. (7.21)

où Y est une matrice réelle M × L contenant les harmoniques sphériques et C est le vecteur des coecients complexes clm de dimension L × 1.

7.4.2 Étalonnage au sol

Dans un premier temps, l'objectif ici est d'estimer les coecients de la décomposition en har- moniques sphériques clm à partir d'un diagramme d'antenne connu F à un ordre lmax. Ensuite,

nous allons calculer, à partir des coecients clm obtenus, le diagramme d'antenne tronqué bF

donné par l'équation (7.21). Finalement, nous allons étudier la faisabilité de cette approche en calculant l'erreur de reconstruction pour une scène observée par les vrais diagrammes d'an- tennes F mais reconstruite à partir des diagrammes d'antennes tronqués bF. L'erreur obtenue est ensuite comparée à celle obtenue par une reconstruction avec les vrais diagrammes d'antennes de MIRAS.

a) Calcul des coecients clm

D'après l'équation (7.2), les coecients clm de la décomposition en harmoniques sphériques

d'un diagramme d'antenne F(θ, φ) sont la solution d'un problème d'optimisation qui minimise l'erreur quadratique E entre F et les diagrammes d'antennes tronqués bF = YC :

E = kW(F − YC)k2= Z π θ=0 Z φ=0 (F(θ, φ) − Y(θ, φ)C)2sin(θ)dθdφ, (7.22) où W est une matrice diagonale de pondération dont les éléments non nuls sont de la forme sin(θ). D'après (7.3), une solution explicite existe [55], dite de moindres carrés pondérés, et est donnée par :

C = (YWY)−1(YW)F (7.23)

Le diagramme d'antenne approximé ou tronqué bF peut être ainsi calculé par (7.21). L'erreur

E dépend de l'ordre de la décomposition : plus lmax est élevé, plus l'erreur est faible et bF

s'approche de F.

b) Validation de la modélisation

Pour valider la méthode de décomposition en harmoniques sphériques des diagrammes d'an- tennes, il faut que la reconstruction des cartes de température de brillance à partir des dia- grammes approximés bF soit aussi stable que celle avec les vrais diagrammes d'antennes F de MIRAS. En d'autres termes, il faut trouver l'ordre de la décomposition lmax qui permet de re-

construire, à partir des visibilités mesurées par F, la scène observée Tb par bF tout en aboutissant

à une erreur de reconstruction respectant les exigences de la mission.

Pour trouver cet ordre convenable de la décomposition en harmoniques sphériques, nous ef- fectuons l'étude suivante : pour la scène d'Espagne présentée à la gure 2.8, notons par V les visibilités calculées à partir de l'équation (1.6) en utilisant les vrais diagrammes d'antennes F de MIRAS. Ensuite, le processus de reconstruction est appliqué pour reconstruire cette scène où l'opérateur A est calculé par les diagrammes approximés bF. Cette reconstruction est répétée pour diérentes valeurs de lmax. La gure 7.3 montre la variation du biais ∆Tr et de la déviation

standard σ∆Tr en fonction de l'ordre lmax.

∆Tr σ∆Tr 10 20 30 40 50 0 5 10 10 20 30 40 50 0 0.5 1 lmax

Figure 7.3  Variation de l'erreur de reconstruction ∆Tr/σ∆Tr de la scène d'Espagne en fonction

de l'ordre lmax de la décomposition en HS. La ligne pointillée correspond aux valeurs obtenues

Comme prévu, plus l'ordre de la décomposition lmaxest grand, plus l'erreur de reconstruction

s'approche de celle obtenue avec les vrais gains de MIRAS : ∆Tr = 0.02 K et σ∆Tr= 0.26 K .

Le biais est au dessous de 0.1 K à partir d'un ordre lmax = 10alors que la déviation standard

ne descend en dessous de 1 K que pour lmax > 40, soit 1681 coecients par antenne et ne s'ap-

proche de celle obtenue avec les vrais diagrammes d'antennes de MIRAS que pour lmax = 50, soit

2601 coecients par antenne où l'erreur de reconstruction est : ∆Tr= 0.04 K etσ∆Tr= 0.55K.

Le nombre d'antenne de MIRAS est 69, alors le nombre de coecients complexes à estimer pour lmax≥ 40est supérieur à L = 115989.

Une visualisation des cartes d'erreur de reconstruction ∆Tr est maintenant présentée. La -

gure 7.4 montre les cartes d'erreur obtenues si la reconstruction est faite avec les vrais diagrammes d'antennes F et aussi avec ceux approximés bF pour diérents lmax.

lmax= 10 ∆Tr = 0.07 K σ∆Tr= 4.34 K lmax= 30 ∆Tr = 0.09 K σ∆Tr= 2.67 K lmax= 50 ∆Tr = 0.04 K σ∆Tr= 0.55 K ∆Tr= 0.02 K σ∆Tr= 0.26K −1 −0.5 0 0.5 1 −1 −0.5 0 0.5 1 −2 −1 0 K 1 2 ξ1 ξ2

Figure 7.4  Cartes d'erreurs de reconstruction ∆Tr pour la scène d'Espagne : à gauche, celle

obtenue avec les vrais diagrammes d'antennes F et à droite celles obtenues avec les diagrammes approximatifs bF pour diérents lmax.

7.4.3 Étalonnage en orbite

Nous rappelons ici que l'objectif est de minimiser le critère (7.9) qui, pour une décomposition des diagrammes d'antennes en harmoniques sphériques à un ordre lmax, s'écrit :

J(C) =

nb

X

b=1

|Vb− C†l(b)RbCk(b)|2, (7.24)

où Rb est une matrice L × L donnée par :

Rb = YDbY. (7.25)

La minimisation de ce critère par les algorithmes présentés ci-dessus nécessite le calcul du gradient ∇J(C), de la matrice hessienne ∇2J(C)et du pas de minimisation à une dimension λ. Ce calcul est présenté en détail en Annexe A.

Nous rappelons aussi que pour un ordre de décomposition lmax, le nombre de coecients

complexes à estimer par antenne Ck est L = (lmax+ 1)2. Ainsi, pour 69 antennes, le vecteur

à estimer C et le gradient ∇J(C) sont complexes et de dimension 69 ∗ L alors que la matrice hessienne ∇2J(C) est réelle et de dimension (2 ∗ 69 ∗ L) × (2 ∗ 69 ∗ L). Or, nous avons montré dans la section précédente qu'il est possible d'utiliser les harmoniques sphériques si l'ordre lmax

est supérieur ou égal à 40. Pour lmax = 40, les deux vecteurs C et ∇J(C) sont ainsi de dimen-

sion 115989×1 alors que la matrice ∇2J(C)est de dimension 231978×231978. Nous remarquons ainsi la diculté pratique de l'implémentation de ces algorithmes à cet ordre qui se situe au ni- veau de la mémoire mais aussi du temps de calcul.

En eet, 400 Go de mémoire sont nécessaires pour calculer la matrice hessienne ∇2J(C) à chaque itération sans oublier qu'il faut la corriger puis l'inverser. Il est donc impossible d'appli- quer cette décomposition pour cet ordre élevé avec la méthode de Newton. De même, l'application de la méthode du gradient ou celle du gradient conjugué est aussi impossible à un tel ordre. En eet, la matrice Rb donnée par l'équation (7.25) et qui gure dans l'équation du critère à mi-

nimiser (7.24), est de dimension L × L = 115989 × 115989. Pour chaque mesure Vb, une telle

matrice est calculée donc nb = 2349 matrices Rb sont ainsi à calculer et doivent être stockées

avant la minimisation. La mémoire nécessaire pour stocker chacune de ces matrices est 107 Go, alors l'implémentation numérique de la méthode du gradient ou celle du gradient conjugué est impossible à un tel ordre très élevé.

Une autre limitation de l'application cette approche à un ordre élevé est le nombre de données ou visibilités disponibles. En eet, plus lmax augmente, plus le nombre de coecients augmente

et plus le nombre de données nécessaires à la minimisation du critère (7.24) doit être plus grand. Nous pouvons appliquer la minimisation sur nc scènes connues du ciel au lieu d'une seule en

minimisant le critère suivant :

J(C) = nc X s=1 nb X b=1 |Vbs− C†l(b)RbsCk(b)|2, (7.26)

Mais cette idée nécessite que les scènes du ciel soient indépendantes pour que les mesures de visibilités soient diérentes. D'autre part, l'utilisation de plusieurs scènes augmentera d'autant plus le temps de calcul et la mémoire nécessaire.

Deux gros problèmes ont ainsi empêché la réussite de l'étalonnage des diagrammes d'an- tennes par une décomposition en harmoniques sphériques. Dans un premier temps, en raison de la troncature de la décomposition à un certain ordre, les données ne sont plus conformes à la modélisation proposée sauf si cet ordre est très élevé. Ensuite, il y a le problème de l'implémen- tation pratique qui est rendue dicile par la taille des matériels informatiques nécessaires. Nous pouvons ainsi conclure que la décomposition en harmoniques sphériques n'est pas l'approche convenable pour l'étalonnage des diagrammes d'antennes de MIRAS.

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