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PREMIÈRE PARTIE : LA STATUE DANS TOUS SES CONTEXTES

ès les premiers vers du poème satirique The Metamorphosis of Pigmalions Image And Certaine Satyres, rédigé en 1598 et réécrivant le mythe grec, John Marston (1576-1634) révèle le sentiment paradoxal qui existe entre le sculpteur et la femme-statue Galatée :

Pigmalion, whose hie loue-hating minde Disdain’d to yield seruile affection, Or amorous sute to any woman-kinde, Knowing their wants, and mens perfection. Yet loue at length forc’d him to know his fate, And loue the shade, whose substance he did hate. For hauing wrought in purest Iuorie,

So faire an Image of a Womans feature, That neuer yet proudest mortalitie

Could show so rare and beauteous a creature. (Unless my Mistress all-excelling face, Which gives to beauty, beuties onely grace)1.

L’esthète, Pygmalion, déclare dans cet épyllion érotique les sentiments ambivalents qu’il éprouve vis-à-vis des femmes. Ici, la belle statufiée littéralise en quelque sorte la métaphore pétrarquiste de l’inaccessible dame au cœur de pierre. En tant que sculpteur, Pygmalion s’est efforcé de créer une femme-statue parfaite à ses yeux, une femme à la blancheur d’ivoire qu’il désirerait voir vivante2. Elle se trouve dans l’atelier de l’artiste, car c’est certainement là qu’il passe le plus clair de son temps et qu’il est investi d’une puissance créatrice. C’est d’ailleurs dans ce même endroit qu’elle prend vie. Que pouvons-nous donc déduire des relations entre humains et statues dans l’Angleterre pré-moderne ?

Durant les XVIe et XVIIe siècles, ces images en trois dimensions que sont les statues3 sont souvent exhibées dans des endroits singuliers qui se conforment au contexte élisabéthain, et ce dans un but bien précis.

1 John Marston, The Poems of John Marston, Liverpool, Liverpool University Press, 1961, p. 52.

2 Dans le Roman de la Rose de Guillaume de Lorris et de Jean de Meung, ce dernier reprend le mythe de Pygmalion au XVe siècle (illustrations n°8, 9). Voir l’ouvrage de Guillaume de Lorris et de Jean de Meung,

Le Roman de la Rose, Paris, Garnier-Flammarion, 1974, v. 20817-21194, p. 554-59.

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Cette première partie, indispensable prélude à l’étude des pièces de Shakespeare, s’intéressera donc aux statues, dans divers contextes, à l’époque élisabéthaine. Dans un premier temps, il s’agira ici de présenter la situation culturelle avec quelques exemples concrets. Ensuite, nous nous appliquerons à analyser le contexte religieux dans lequel les statues de l’ère Tudor ont tenu un rôle. Nous terminerons par un développement consacré au contexte politique et à ses effets sur la statuaire.

1. LE CONTEXTE CULTUREL

1.1. Les statues de l’antiquité au XVIIe siècle

Sculptere, en latin, signifie « tailler », « enlever des morceaux à une pierre ». Les statues sont le produit de la sculpture. Selon le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL), la statue est un « [o]uvrage de plein relief, sculpté ou moulé, représentant en entier un être animé (p. oppos. à tête, buste), et par allégorie, une qualité abstraite, un élément ou un effet de la nature »1. Aux yeux de nos contemporains, elle se distingue donc aisément d’une peinture ou d’une image, mais était-ce le cas durant la période allant de l’antiquité jusqu’à l’époque élisabéthaine ? Les sculptures étaient omniprésentes dans la Grèce antique comme, par exemple, la très célèbre statue de bois

Palladium avec ses yeux mobiles qui, selon l’histoire, était tombée du ciel et protègait la cité de Troie2. Il y a aussi le Titan Prométhée3 qui avait fait, quant à lui, une statue en glaise avec des restes de boue qu’il avait ensuite animée avec le feu sacré dérobé à son père, Zeus. Puis, il y a bien sûr le dieu des forgerons Héphaïstos. Fils de Zeus et d’Héra, il est le dieu de la technologie, plus connu sous son nom romain de Vulcain4, inventeur divin, premier créateur d’objets magiques et artificiels. La légende dit qu’à la demande de Zeus, il créa la première femme à partir d’argile. Il possédait, dit-on, le pouvoir de donner vie aux éléments inanimés. Il façonna deux servantes articulées en or, destinées à le soutenir dans sa marche et à l’assister dans ses travaux. Elles étaient dotées de la parole et de l’intelligence. Il créa également des chiens en or pour veiller sur le palais des dieux. On lui

1 Voir le site du CNRTL http://www.cnrtl.fr/definition/statue (site consulté le 27 décembre 2016).

2 Voir M. Delacroix, Dictionnaire historique des cultes religieux établis dans le Monde, Paris, Laporte, vol. 3, 1777, p. 115.

3 Voir supra, p. 18.

27 accorde aussi la création des premiers automates et de trépieds en or qui circulaient d’eux-mêmes dans les palais de l’Olympe1. Enfin, Zeus aurait également demandé à Héphaïstos de construire le monstre métallique Talos, un géant de métal destiné à garder les côtes de l’île de Crète. Tous ces dieux mythiques et leurs sculptures magiques faisaient partie d’un tissu social, politique et religieux très complexe avant notre ère comme après. Ainsi, l’érection d’une croix monumentale sculptée entre 750 et 850 de notre ère à Ruthwell (illustration n°10) représentait-elle le Christ, une représentation destinée à la mémoire de ce dernier et certainement pour les dévotions des fidèles. Les statues n’étaient pas que religieuses et étaient souvent réalisées pour maintes raisons telles que commémorer le décès d’un enfant, se rappeler une pêche fabuleuse, ou éloigner un fantôme envoyé par un ennemi. Elles étaient donc souvent dotées, pensait-on à l’époque, de pouvoirs magiques.

Aussi, avant de me lancer dans des explications culturelles sur les statues, convient-il tout d’abord de préciser sa définition.

1.1.1.Une définition du mot « statue »

Affirmons d’emblée qu’il serait vain d’essayer d’en donner une définition consensuelle. Il semblerait qu’au XVIIe siècle, le terme « statue » n’était pas encore bien déterminé et que les statues étaient généralement désignées sous une appellation englobante, celle d’« images ». Il s’agit là, en réalité, d’un héritage médiéval. Ainsi, au Moyen Ȃge, tout sculpteur était considéré comme un « ymagier » ou encore un « ymaginator », un « ymaginaire », un « factor ymaginum », un « tailleur » ou un « entailleur »2. Jean Wirth le précise bien dans l’introduction de son ouvrage sur l’image médiévale. Il écrit : « [e]n deux mots, le Moyen Ȃge considère l’image comme la réalisation d’une forme dans la matière »3. En somme, que la forme soit dessinée sur du papier, du bois, de la roche, ou bien qu’elle soit gravée, ciselée ou sculptée, le résultat est une image.

1 Pour plus d’informations sur Héphaïstos et ses créations, voir l’aricle d’Alexandre Marcinkowski et Jérôme Wilgaux, « Automates et créatures artificielles d’Héphaïstos : entre science et fiction », Techniques & Culture, 43-44, 2004. http://tc.revues.org/1164 (site consulté le 13 avril 2013).

2 Jean-Marie Guillouët, « Le statut du sculpteur à la fin du Moyen Âge » in Poètes et artistes : la figure du créateur en Europe au Moyen Âge et à la Renaissance, éds. Sophie Cassagnes-Brouquet, Geneviève Nore et Martine Yvernault, Limoges, Presses Universitaires de Limoges, 2007, (p. 25-35), p. 27.

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Durant le XVIe siècle, l’une des premières tentatives de définition du mot « statue » en anglais apparaît dans l’ouvrage de John Palsgrave, Lesclarcissement de la Langue Francoyse (1530), dans lequel le terme est défini comme suit : « Statue an ymage statue »1. Cependant, John Baret dans son An Alveary or Triple Dictionary, in English, Latin, and French (v.1574) donne du même terme une définition qui se veut plus étoffée :

an Image of man or woman, the proportion of any thing, Per translat. the signe shadow or likenesse of any thing. Simulâchrum, chri, n.g. Cęs. Imâgo, nis, f.g. Image esleuee: Semblance.

An image of woodde, stone or mettall. Státua, æ. Cic. Une statue de bois, pierre, ou de metal. There was in his minde a certaine image, &c. Insidebat eius mente species eloquentiæ. Cic. A carver or maker of images. Statuarius, rij, m.g. Quintil. Imageur, tailleur d’images. &

Statuarius, a, um. vt. Ars statuaria. Plin. Perteyning to images2.

En 1593, c’est au tour de Claude Hollyband de proposer une explication somme toute assez semblable. Dans son glossaire intitulé A Dictionary French and English, il écrit : « Statue ou peincture faicte sus le vif, an image, a portraite »3. En 1598, la définition semble encore très incertaine. John Florio, dans A World of Words, définit le terme « státua » de la sorte : « a statue, an image or similitude, or representation of mettall, iuorie, or stone »4. Ainsi, au XVIe siècle, la définition du signifiant « sculpture » demeure très imprécise et englobe l’art de l’image en général. Toutefois, au tournant du XVIIe siècle, l’utilisation des termes « image » et « sculpture » montre qu’une distinction commence à s’esquisser. On constate par exemple dans l’œuvre de George Chapman, The Conspiracy and Tragedy of Charles, Duke of Byron (1608), que lorsqu’un peintre présente à Byron son portrait, ce dernier déclare qu’il préfèrerait avoir une statue à son effigie. Il dit : « I will give my likeness put in statue, not in picture » (3.2.140-41). Ici, le personnage-titre exprime clairement sa préférence pour la statuaire et par là même, il établit une différenciation entre les deux termes. Toutefois, cet exemple ne tranche pas la question de

1 Voir le site http://leme.library.utoronto.ca/lexicons/record.cfm (site consulté le 25 septembre 2012).

2 Voir le site http://leme.library.utoronto.ca/lexicons/record.cfm (site consulté le 25 septembre 2012). Notons que le terme « sculpteur » était tout aussi flou. Armelle Sabatier note que « [a]s the word sculptor was not in use in Elizabethan time, the craftsmen who specialized in what we call today sculpture were either named according to their guilds they belong to, such as alabastarers or marblers, or were refered to with broader terms such as carver, lapidary, image-maker or stone-cutter ». Voir Armelle Sabatier, Shakespeare and Visual Culture, A Dictionary, Londres et New York, Bloomsbury Arden Shakespeare, 2017, p. 70.

3Claude Hollyband, A Dictionarie French and English Published for the Benefite of the Studious in that Language: Gathered and Set Forth by Claudius Hollyband. For the Better Understanding of the Order of this Dictionarie, Peruse the Preface to the Reader,Londres, Thomas Orwin, 1593, STC (2nd ed.) / 6737, ouvrage non paginé.

29 la définition de manière définitive. La définition du terme « sculpture » demeure encore flottant comme l’observe Lucy Gent :

To take the question of language on a simple level, ‘picture’ in the late sixteenth century in England was an extraordinarily wide and vague word; it covered not only painting as we understand it, and the art of sculpture, […], but also tapestry, heraldry, embroidery, marquetry, imprese and emblems1.

Si la différence entre tapisserie, héraldique, broderie et emblèmes nous semble aujourd’hui évidente, il faut bien comprendre qu’une telle distinction n’avait pas cours à l’époque de Shakespeare. On ne sera donc pas surpris de trouver, sous la plume d’un écrivain tel qu’Henry Peacham (1546-1634), une définition très floue de ce qu’il nomme la « peinture » : « Pictura, or painting in generall, is an art which either by draughte of bare lines, lively colours, cutting or embossing, expresseth anything the like by the fame »2. Il est pourtant nécessaire, dans le cadre de cette analyse, d’opérer la distinction la plus nette possible entre une statue et d’autres représentations artistiques.

Pour ce faire, reprenons la définition fournie par le CNRTL proposée plus haut, et affinons-la. Contrairement à une image, une statue est généralement une sculpture en trois dimensions en ronde-bosse : « dans le langage courant, une ronde-bosse est souvent définie comme une sculpture ‘dont on peut faire le tour’. L’expression ‘ronde-bosse’ associe d’ailleurs au mot ‘bosse’, équivalent ancien de sculpture, un adjectif qui implique que l’œuvre ainsi qualifiée est un volume fermé autour duquel un circuit est possible »3. L’Oxford English Dictionary (OED) définit quant à lui la statue comme « a representation in the round of a person, animal, etc., which is sculptured, moulded, or cast in marble, metal, plaster, or a similar material; esp. such a representation of a god, allegorical figure, or eminent person, usually life-size or larger »4. Il s’agit donc d’une œuvre d’art en relief qui a pour fonction première de représenter un objet le plus souvent animé.

L’origine de la première représentation en trois dimensions nous est rapportée par Athénagore5 et Pline6.Selon la légende, la première sculpture aurait été faite par Dibutades

1 Lucy Gent, Picture and Poetry 1560-1620: Relations between Literature and the Visual Arts in the English Renaissance, Leamington Spa, James Hall, 1981, p. 6.

2 Henry Peacham, The Arte of Drawing with the Pen, Londres, 1607, STC n°19500.5, p. 1.

3 Jean-René Gaborit, « RONDE-BOSSE, sculpture », Encyclopædia Universalis [en ligne].

http://www.universalis.fr/encyclopedie/ronde-bosse-sculpture/ (site consulté le 12 septembre 2012).

4OED, 1a.

5 Auteur du Legatio pro Christianos, Athénagore est un apologiste et un philosophe chrétien de la seconde moitié du IIe siècle.

6 Pline l’ancien est un écrivain et naturaliste romain du Ier siècle de notre ère, auteur d’une monumentale encyclopédie intitulée Histoire naturelle en 37 volumes. Notons que Philemon Holland traduit Pline et dans

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(ou Butadès), céramiste de Sicyone, au VIe siècle avant J.C. Le modelage, d’après Pline, serait né d’une histoire d’amour entre la fille d’un potier et d’un jeune homme. Voici ce que raconte Philemon Holland, le traducteur élisabéthain de l’Histoire naturelle :

And to begin with the original and invention of making the image or likeness of anything in cley, it is said, that Butades, a Sicyonian borne and a Potter, was the first that devised at Corinth to form a image in the same cley whereof he made his pots, by the occasion and meanes of a daughter which he had: who being in love with a certain young man, whensoever he was to take a long journey far from home, used ordinarily to mark upon the wall the shadow of her lovers face by candle light and to pourfill the same afterwards deeper, that to shee might enjoy his visage yet in his absence. This her father perceiving, followed those tracts, and by clapping cley thereupon, perceived that it took a print, and made a sensible forme of a face: which when he saw, he put it into the surface to bake among other vessels, and when it was hardened, she wed it abroad1.

Ici, le dessin en deux dimensions s’entrecroise avec la sculpture en trois dimensions. Sans le dessin et l’amour de la jeune fille pour son amant, le potier grec n’aurait pas créé ce portrait en bas relief.

Au Moyen Âge, les images étaient presque intégralement religieuses. Elles ont vu leur nombre se multiplier car elles étaient parfaitement comprises par les populations illettrées, ce qui les rendaient très populaires. Les petites gens comptaient donc sur ces images pour mieux comprendre le sens de la vie chrétienne et les appréciaient tout particulièrement. Leur ferveur s’en trouvait renforcée. Comme l’explique Margaret Aston,

[…] the huge growth of imagery that took place in the Middle Ages, along with the habit of pilgrimage, was in large part spontaneous and the result of proliferating popular devotions. Images increased steadily in number and in kind; two-dimensional paintings were followed by three-dimensional representations; flat reliefs and attached sculpture preceded free-standing sculpture. Statues of the holy family were succeeded by statues of saints. The representations of Christ on the cross became acceptable after the use of the cross itself, and eventually the crucifix found its way into all Christian churches and regular ceremonial2.

le livre 33, c, 12, il mentionne un artiste qui aurait sculpté un Palladium. Il déclare : « [he] executed works of this last description in silver, one of which, intended to be attached to a jar, represented Ulysse and Diomed carrying off the Palladium ». Rappelons qu’un Palladium est une sculpture sacrée provenant de la mythologie grecque qui aurait été façonnée par Athèna en l’honneur de Pallas Athéné, que la déesse avait tué par accident.

1 Pline l’ancien, Histoire Naturelle, livre XXXV, chapitre 12. Voir Philemon Holland (trad.), The Historie of the World Commonly Called, the Naturall Historie of C. Plinius Secundus. Translated into English by Philemon Holland Doctor in Physicke. The first tome Londres, Adam Islip, 1601, p. 551. STC / 903:03.

2 Margaret Aston, England’s Iconoclasts, op. cit., p. 21. Voir aussi Ilene H. Forsyth, The Throne of Wisdom: Wood Sculptures of the Madonna in Romanesque France, Princeton, Princeton University Press 1972, p. 5-49. Voir aussi le livre de Jacques Le Goff, Un Moyen Âge en images, Paris, Hazan, 2007.

31 Parallèlement, l’importance des saints se développa et leurs images furent de plus en plus célébrées : c’est ce que l’on appelle plus communément le culte des saints1. Selon Émile Mâle, les saints, « ne furent peut-être jamais aussi aimés qu’à cette époque »2. En effet, les images de saints peuplaient les églises, à chaque recoin3, et souvent, elles avaient leurs propres chapelles ou autels.

Depuis l’invention de la sculpture, cet art n’a donc cessé d’être utilisé, amélioré et imité, mais ce n’est vraiment qu’avec les observations et les études d’érudits illustres comme De Vinci (1452-1519) que sculpture et peinture commencèrent à être différenciées. Clairement, De Vinci ne les situe pas sur le même plan et il n’hésite pas à placer la peinture au-dessus de la sculpture dans son Paragone :

Le sculpteur fait ses œuvres avec plus d’efforts physiques que le peintre ; et le peintre les siennes avec plus d’effort intellectuel. Cela se démontre, car le sculpteur doit, en produisant son ouvrage, faire un effort manuel, frappant pour enlever le superflu du marbre, ou de la pierre quelle qu’elle soit, qui dépasse la figure enfermée dans son sein ; ce qui exige un exercice tout mécanique, s’accompagnant souvent de beaucoup de sueur qui se mêle à la poussière et devient une croûte de boue ; il a le visage tout enduit et enfariné de poudre de marbre, semblable à un boulanger, et il est couvert de petites écailles comme si il avait neigé sur lui ; son logis est sale et plein d’éclats et de poussières de pierre4.

En d’autres termes, dans l’Italie du XVe siècle, le sculpteur est un manuel, un ouvrier, par opposition au peintre, un artiste pour qui priment les qualités intellectuelles. Le sculpteur décrit par De Vinci apparaît donc comme un personnage doté d’une certaine force physique, un artisan peu soigneux ayant acquis de simples automatismes. Précisons ici que la première version abrégée du traité de De Vinci en langue italienne ne vit le jour que bien après la mort de ce dernier, vers le milieu du XVIe siècle. Pire, il fallut patienter jusqu’en 1721 pour voir enfin paraître la première traduction anglaise. Les érudits anglais n’ont donc pu avoir connaissance de cette théorie que par les échanges entre savants et par les nombreux voyages d’artistes et d’érudits sur le continent.

Revenons à De Vinci. Il explique notamment que le sculpteur passe par deux étapes : il s’attelle en premier lieu au dessin en deux dimensions avant de réaliser une

1 Nous reviendrons sur le culte des saints dans une prochaine partie (voir infra, p. 93).

2 Émile Mâle, L’art religieux de la fin du Moyen Âge en France, Paris, Armand Colin, 1995, p. 147.

3 D. H. Farmer, The Oxford Dictionary of Saints, Oxford, Oxford University Press, 1978, p. 349. Voir par exemple, la magnifique mise en tombeau dans la cathédrale de Moulins en France (illustration n°11). Les sept personnages, dont de nombreux saints y sont sculptés en bois, puis peints. De gauche à droite se trouvent

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