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I. Notions d’agriculture traditionnelle, agriculture conventionnelle, agriculture

I.3. Agriculture alternative : Cas de l’agriculture de conservation

I.3.1. Pratique générale de la jachère et jachère à base de Chromolaena

I.3. Agriculture alternative : Cas de l’agriculture de conservation

Selon la FAO, l'agriculture de conservation (AC) est une « méthode de gestion des

agroécosystèmes qui a pour but une amélioration soutenue de la productivité, une

augmentation des profits ainsi que de la sécurité alimentaire, tout en préservant et en

améliorant les ressources et l'environnement » (FAO, FIDA et PAM, 2015). Cette agriculture

se caractérise par trois principes reliés, à savoir: (1) un travail minimal du sol allant jusqu'à

son absence totale dans le cas des systèmes de semi direct, (2) une couverture permanente du

sol par un paillage végétal frais ou sec, (3) une diversification des espèces cultivées, en

association (diversité spatiale) et/ou dans la rotation (diversité temporelle) (FAO, 2012 ;

Scopel et al., 2012). Dans l’agriculture de conservation, les labours traditionnels utilisant une

pelle-bêche pour le travail superficiel du sol sont remplacés par les " labours biologiques "

réalisés par la faune du sol (vers, punaises etc.). L'agriculture de conservation repose

également sur des méthodes de lutte intégrée. Les rotations ou associations culturales

constituent un élément important de cette stratégie. Elles permettent de briser le cycle des

pathologies tout en valorisant les interactions entre les propriétés physiques et chimiques de

différentes espèces végétales cultivées de façon alternative ou associées sur une même

parcelle. L’agriculture de conservation regorge de plusieurs pratiques : cordons pierreux,

bandes enherbées, haies vives, bourrelets, associations culturales (céréales + légumineuses),

jachères améliorées, paillage, techniques culturales simplifiées (labour minimum,

semis-direct), rotations culturales, fumure organique (Djamen et al., 2005) dont la mise en œuvre

dépend des conditions pédoclimatiques et socio-économiques.

Dans certains cas, le recours aux produits agro-chimiques, et plus particulièrement aux

herbicides, est courant pendant les premières années, les infestations d'adventices étant parfois

massives à ce stade. Mais passée la période de transition qui aboutit à un équilibre entre les

organismes de l’agrosystème (notamment entre les ravageurs et les " organismes utiles ", la

plante et les mauvaises herbes) d'une part, et à une meilleure maîtrise technique des

associations et des rotations culturales par le producteur d'autre part, l'utilisation des

pesticides et des engrais minéraux diminue et passe en dessous du niveau observé pour une

agriculture conventionnelle (Alaoui, 2011).

I.3.1. Pratique générale de la jachère et jachère à base de Chromolaena odorata

En Afrique tropicale, une pratique des terres très courant consiste en une phase de culture,

suivie d'un abandon du champ dès qu'une baisse de rendement du travail se fait sentir

(Foumier et al., 2001). Une jachère représente l'état post-cultural, entre autre une phase de

restauration d'un écosystème, dont l'état final procure en principe des conditions renouvelées

pour la culture suivante. C’est un milieu assaini avec des éléments nutritifs plus abondants,

plus disponibles et plus accessibles pour les racines (Serpantié et Ouattara, 2001). Les

modifications des caractéristiques du sol pendant la période de la jachère sont déterminées par

les modes de gestion. Le pâturage, les divers prélèvements ou les feux modifient la

dynamique végétale après abandon cultural. Certaines techniques agricoles (labour, brûlis,

paillage du sol) utilisées au cours de la culture qui précéde la jachère déterminent également

les dynamiques des différents paramètres d’évolution de la qualité des sols. La qualité d’un

sol se définissant selon Doran et al. (1998) comme étant « la capacité pour un sol, dans un

écosystème donné, à assurer une productivité végétale et animale élevée, maintenir ou

améliorer la qualité de l’air et de l’eau et garantir la santé des plantes et des animaux qu’il

abrite ».

I.3.1.2. Jachère à base de Chromolaena odorata

En Afrique sub-saharienne, les jachères naturelles ont fait l’objet de plusieurs études tant au

niveau agronomique, écologique que socio-économique (Koutika et al., 2002, 2005b ;

Delmas, 2005 ; Bouadi, 2009). Ces travaux ont conclu que les jachères naturelles sont

profitables à l’amélioration des paramètres chimiques du sol parce qu’elles favorisent uneplus

grande accumulation de matière organique du sol, et donc d’éléments nutritifs, et ce en temps

record. Le cas de la jachère à base de Chromolaena odorata est le plus élaboré pour la zone

de savanes humides (Koutika et al., 2001). En effet, l'espèce a de bons potentiels

agronomiques (Kassi et al., 2017). Bouadi (2009) dans des expérimentations menées en zone

de contact forêt-savane de la Côte d’Ivoire, a démontré que 79 % des populations utilisent les

jachères naturelles de Chromolaena odorata non seulement pour sa facilité à la mise en

valeur, mais également pour son meilleur rendement agricole pour la culture qui suit après 2 à

5 ans d’abandon. Les arbustes qu'elle forme sont considérés comme améliorant à la fois la

fertilité du sol dans les parcelles en jachère et les rendements subséquents des cultures

suivantes (Ngobo et al., 2004; Koutika et Rainey, 2010; Koné et al., 2012a, b; Tondoh et al.,

2013). En outre, Chromolaena odorata est considéré comme un indicateur de fertilité des sols

(Norgrove et Hauser, 2016).

En fait la composition des feuilles de Chromolaena odorata et leur rôle dans l'amélioration

des activités biologiques des sols ont été précédemment rapportés pour les activités

enzymatiques par Gonnety et al. (2012) et pour les vers de terre par Norgrove et al., (2008),

Hauser et al., (2012) et Tondoh et al., (2013). De plus, dans une étude comparative au

Cameroun, Koutika et al. (2002) soulignent que la teneur en carbone est très élevée dans les

10 premiers cm des sols de jachère à Chromolaena odorata, ce qui confère une bonne stabilité

de la matière organique dans ces sols. En relation avec la teneur en carbone, Kassi et al.

(2017) ont montré que la prédominance de Chromolaena odorata dans les jachères maintient

les stocks de C.

I.3.2. Rotation culturale

La rotation culturale fait référence à différentes cultures qui se suivent dans un certain ordre

sur la même parcelle, la même succession de cultures se reproduisant dans le temps en cycles

réguliers. Cette pratique ancienne est de plus en plus réintroduite par l'agriculture durable car

ses avantages peuvent être considérés comme des services naturels, permettant le

développement d'une agriculture plus autonome. Citons l’exemple de l'intensification

écologique, parfois appelée agriculture écologiquement intensive (Bonny, 2010 ; Garibaldi et

al., 2011), concept d'agronomie visant la conception de systèmes agricoles alliant un

rendement agricole élevé et une faible utilisation d'intrants. Ce concept s'applique notamment

dans les pays en développement caractérisés par des rendements faibles. C'est un concept

proche de celui de l'agriculture intégrée en agriculture, il se caractérise par l’augmentation du

nombre de facteurs de production (travail et capitaux) par hectare. Ainsi, l’intensification

écologique vise une augmentation de la production agricole en augmentant au maximum le

nombre de processus ou de fonctions écosystémiques utilisés à l’hectare avant de recourir aux

intrants issus de l’industrie chimique (Chevassus-au-Louis et Griffon, 2008). Un exemple

classique est l’utilisation de légumineuses pour fixer l’azote atmosphérique et diminuer

l’utilisation d’engrais azotés minéraux.

Les légumineuses, ont la capacité à améliorer la fertilité des sols tout en assurant une

production alimentaire. En effet, les légumineuses alimentaires ont la capacité de fixer l’azote

atmosphérique (N

2

) et de le restituer au sol (Konaté et al., 2012) mais également de l’utiliser

pour leur croissance. En fait, les légumineuses fixent l’azote (N

2

) dans leurs nodules qui se

développent avec l’aide d’une bactérie spécifique appelée rhizobium et constituent de

véritables petites fabriques à fixer l’azote (N

2

). Les racines des légumineuses abritent et

nourrissent les bactéries qui fixent en retour de l’azote pour la plante. Ce processus contribue

à l’enrichissement biologique des sols et à la préservation de l’environnement.

La rotation céréale/légumineuses offre de nombreux avantages agronomiques comme le

contrôle des maladies, ravageurs et mauvaises herbes, la gestion de la fertilité des sols et

l’augmentation des rendements des cultures. Par exemple, plusieurs études visant à évaluer

l’utilisation des légumineuses herbacées pour améliorer la fertilité des sols dans les zones de

savanes soudaniennes ont été entreprises. Au Nigeria, ces études ont montré une amélioration

du statut organo-minéral du sol sous l’effet des légumineuses herbacées, suivies d’une

augmentation des rendements de maïs. Les apports de résidus de coupe d'arbustes par les

légumineuses peuvent correspondre à un gain de 50 à 100 kg ha

-1

d’azote (Tian et al., 2000).

En Côte d’Ivoire, une étude-test portant sur une cinquantaine d’espèces de légumineuses

herbacées a permis de classer les espèces Mucuna spp, Canavalia ensiformis, et Crotalaria

anagyroïdes comme les meilleures, selon les régions, dans la lutte contre les mauvaises

herbes et pour améliorer les rendements de riz de 30 % en moyenne (Becker et Jonhson,

1998). Kouassi (2000) indique une réduction de 67 à 92 % des adventices avec Crotalaria

juncea et Mucuna pruriens et une amélioration des rendements d’une culture de canne-à-sucre

de 15 à 31 %. Dans le Nord du pays, la rotation maïs/légumineuses (niébé, arachide, soja et

M. pruriens) a permis de tripler les rendements de maïs (N’Goran et Kanga, 2000). Malgré les

effets significatifs et reconnus des légumineuses sur la fertilité des sols, les paysans ont du

mal à utiliser les légumineuses de couverture dans la mesure où leur mise en place nécessite

un temps de travail supplémentaire et un coût sans retombées directes en termes de production

agricole.

Par ailleurs, parmi les différentes sources d’azote pour la plante il y’a celles provenant de la

matière organique du sol. En effet, le sol contient une certaine quantité de matière organique.

Lors de la minéralisation, l’azote lié à la matière organique se transforme, sous l’effet de

l’activité microbienne, en azote inorganique (minéral). Les nitrates (NO

3-

) et l’ammonium

(NH

4+

) sont les formes d’azote inorganique et les seules que les végétaux peuvent absorber en

quantités importantes de la solution de sol (N’Dayegamiye et al., 2007).

En outre, il existe également l’azote provenant de la fixation symbiotique de l’azote

atmosphérique (N

2

) par les microorganismes du sol. En effet, durant leur croissance et leur

développement, les végétaux ont un besoin important en azote (constituant moléculaire des

protéines, des polyamines, co-facteur enzymatique...). Il peut, tout comme l'eau, devenir un

facteur limitant de la production végétale car les plantes n'assimilent que les formes minérales

d'azote telles que le NO

3-

et le NH

4 +

qui sont tous deux des éléments présents en quantité

limitée dans le sol (Bayle, 1994). Par contre, certaines bactéries et cyanobactéries du sol,

fixatrices d'azote, peuvent réduire l'azote atmosphérique (N

2

) en ammoniac (NH

3

) grâce à une

enzyme spécifique, appelée la nitrogénase. Ces microorganismes peuvent vivre à l'état libre

dans le sol, en association ou en symbiose avec un végétal, permettant à celui-ci d'exploiter

une nouvelle voie de nutrition azotée par la fixation d'azote atmosphérique (N

2

). L'une de ces

symbioses avec les plantes permet de mettre en relation les légumineuses et les rhizobiums

(Bayle, 1994).