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1.3 Prévision court-terme à l’échelle du réseau routier

1.3.2 Prévision à partir de modèles (model-driven)

Les modèles de trafic sont particulièrement bien adaptés à des études à l’échelle du réseau. À partir de conditions en entrée du réseau parfaitement connues et de profils de demande, ils sont en mesure de simuler la propagation du trafic à travers ce dernier. Les simulations s’appuient sur la théorie de la physique du trafic et trouvent leur source dans le modèle des diagrammes fondamentaux introduit par Greenshields [7] en 1934. Trois grandes familles de modélisation de la physique du trafic se distinguent suivant le niveau de détail désiré : les modèles macroscopiques, microscopiques et mésoscopiques.

1.3.2.1 Approches macroscopiques

Les modèles macroscopiques simulent le comportement moyen du flux de trafic en un point donné. Ils s’intéressent donc aux caractéristiques agrégées telles que la vitesse moyenne, le

débit et la densité.

Ces modèles trouvent leur fondement dans la théorie macroscopique du trafic introduite par Lighthill et Whitham, puis Richards, plus connue sous le nom de modèleLWR [27]. Le modèle s’appuie sur la théorie desondes cinématiques représentant la propagation du flux dans une rivière. Richards s’est inspiré de la propagation d’ondes à la surface de l’eau pour compléter le modèle par la notion d’ondes de congestion, modélisant les remontées de congestions. Ce modèle est qualifié de modèle du 1er ordre, en référence au degré de la dérivée liant densité et vitesse. Les changements d’états de trafic sont supposés instantanés et immédiats, si bien que les ondes de choc et instabilités ne sont pas décrites.

Depuis ce modèle originel, trois principales variantes se sont distinguées :

– le modèle LWR multi-classe, évolution directe du modèle LWR [28, 29]. Cette approche reste du premier ordre, mais assouplit l’hypothèse de non dépassement des véhicules en introduisant des distributions de vitesses.

– le modèle du Higher-Order de Payne [30], modèle du second ordre considérant la vitesse moyenne comme une variable indépendante et décrivant plus finement les changements de régime. Helbing et al. ont fait évoluer ce modèle grâce à des équations de gaz cinétiques [31].

– le modèle à Transmission Cellulaire de Daganzo [32], résolution numérique du modèle LWR divisant la route en cellules entre lesquelles le flux de trafic circule en suivant les règles dictées par LWR.

La prévision à court-terme est possible à partir de tels modèles macroscopiques. Les équations différentielles de conservation du flux se voient alors résolues moyennant quelques approxima-tions spatio-temporelles. En pratique, la prévision est obtenue par discrétisation de l’espace et du temps, puis par approximation de l’état à venir de chaque cellule spatio-temporelle grâce aux informations contenues dans ses voisines [33, 34, 14, 35].

Afin d’être efficaces, une grande quantité et qualité d’informations sont requises pour caler les conditions initiales des modèles. Les profils de demandes précis sur toutes les sections du réseau sont souvent nécessaires. Dans cette perspective, une assimilation des états courants depuis des mesures précises est entreprise (Filtre de Kalman [14, 17, 36]), ce qui requiert un temps d’exploitation non négligeable. Seules les infrastructures autoroutières, richement équipées en boucles électromagnétiques, sont usuellement modélisées. Les zones urbaines s’avèrent difficiles à prédire du fait de couvertures du réseau insuffisantes et de dynamiques locales dues aux feux tricolores [37, 38]. L’usage de ces modèles à titre prédictif n’est pas aisé et adaptable à toute typologie de réseau.

Une extension récente de ces modèles macroscopiques a été introduite par Daganzo et Géroli-minis à travers le Diagramme Fondamental Macroscopique (MFD) [39] à l’échelle du réseau. Cette approche modélise non plus le fonctionnement et les interactions des sections d’un réseau, mais celui du réseau et ses divers degrés de saturation. Ils ont donc fait évoluer l’objectif de l’étude à l’échelle du réseau. Malheureusement, cette modélisation ne se prête pas à de la prévision court-terme des états de trafic sur des sections.

1.3.2.2 Les approches microscopiques

Ces modèles se placent à l’échelle du véhicule et simulent leurs trajectoires et vitesses. Ils sup-posent que les états de trafic agrégés résultent directement des hétérogénéités de comportement des conducteurs. Ils sont traditionnellement partagés en trois catégories [40] :

– les modèles de types lois de poursuite (car-following) [41, 42, 43], qui modélisent, en continu, la façon dont se suivent les véhicules en tenant compte du temps de réaction et du comportement des conducteurs.

– les modèles de types automates cellulaires (cellular automaton) [44, 45, 46], qui consti-tuent la version discrète des lois de poursuite. Ils s’appuient sur un partage des voies en cases occupées ou non par un véhicule.

– les modèles à changement de voies [47], qui introduisent les dépassements et affectations de voies.

Tous ces modèles ont conduit à divers simulateurs, dont les plus connus sont AIMSUN [47],

SYMUVIA[48]. Une revue détaillée des simulateurs est fournie par Jones et al. [49].

Ces modèles basés sur la simulation microscopique du trafic sont très largement utilisés par les gestionnaires de transport pour mener des études hors-ligne et mettre au point des stratégies de régulation. Simulant l’écoulement du flux de trafic, ils se prêtent particulièrement à la comparaison de scenarii de régulation en conditions parfaitement similaires. L’aspect prédictif de ces modèles en est une sortie naturelle, mais n’est que rarement exploitable en temps réel. Les temps de simulation s’avèrent élevés et se prêtent donc peu à une mise en œuvre pour une prévision dynamique du trafic.

1.3.2.3 Les approches mésoscopiques

Ces modèles se positionnent à une échelle intermédiaire entre la description complète du comportement des usagers, les uns après les autres, et la description du trafic en tant que flux. Ces approches modélisent le temps de parcours des véhicules sans spécification de leur comportement spatio-temporel. Elles présentent l’avantage de réduire le temps d’estimation par rapport aux modèles microscopiques tout en conservant l’essentiel de l’information. L’approche par cinétique des gaz développée par Prigogine [50] constitue la première tentative d’obtention d’un tel modèle approchant ces caractéristiques. Le modèle est apte à capturer les effets de dispersion des ondes de choc, ainsi que les régimes de transitions en incorporant des distibu-tions de vitesses et des dérivées secondes. Une formulation variationelle du LWR développée récemment par Duret et al. [17] aboutit à une approche mésoscopique alternative. Modélisant une portion du réseau réel de la DIRIF (Direction Interdépartementale des Routes d’Ile de France), le modèle LWR est résolu à l’échelle mésoscopique en s’appuyant sur un procédé de Monte-Carlo séquentiel.

Bien que prometteurs, les temps de calculs restent conséquents et peu enclins à une utilisation en temps réel. De plus, des hypothèses fortes quant au comportement des usagers sont

duites. Leur usage en tant que méthode prédictive en ligne est donc envisageable à terme, mais reste à l’heure actuelle restreinte.

Les modèles issus de ces trois niveaux d’analyse souffrent des hypothèses fortes régulant le comportement des usagers. Mise à part des modèles spécifiques [47], l’hypothèse FIFO (First

In First Out) est la plus commune et suppose aucun dépassement.

De plus, ces modèles n’aboutissent qu’à une reproduction partielle et limitée du comportement réel des usagers ou du flux de trafic. Seules les parts d’hétérogénéité et de variabilité du trafic connues sont modélisables, abandonnant une grande part des comportements non expliqués. L’étude proposée se centre sur les méthodes alternatives basées sur les statistiques et la gestion de bases de données conséquentes. Faisant abstraction de la physique du système, ces modèles alternatifs n’exigent pas de description exhaustive du comportement des usagers. Ils s’appuient sur les phénomènes expérimentés par le réseau.