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PARTIE 1 : VULNERABILITE DU PATIENT EN PSYCHIATRIE, ASPECTS

3. Particularités de la prise en charge du cancer chez les patients souffrant de

3.1. Prévention

La prévention des pathologies cancéreuses est un enjeu de santé publique. Elle concerne donc l’ensemble de la population. La Haute Autorité de Santé (HAS) publie régulièrement des recommandations concernant le dépistage de ces pathologies. Certains dépistages comme par exemple celui du cancer du sein, sont organisés par les pouvoirs publics. Ainsi, sur l’ensemble du territoire français, et ce depuis 2004, les femmes âgées de 50 à 74 ans sont invitées à réaliser tous des deux ans et sans avance de frais, une mammographie avec une double lecture et un examen clinique des seins (42). Par ailleurs, les premiers acteurs du soin étant les médecins généralistes, l’Agence d’expertise sanitaire et scientifique en cancérologie met à disposition des praticiens des outils de bonnes pratiques afin de les orienter dans le dépistage de ces pathologies (43).

En ce qui concerne les patients souffrant de schizophrénie, si les données de la littérature restent controversées quant à l’incidence des pathologies cancéreuses, il est admis qu’ils sont plus à même de présenter des facteurs de risque de pathologies cancéreuses que le reste de la population. Ces facteurs de risque sont, pour la plupart, également des facteurs de risque cardio-vasculaire, première cause de mortalité chez les patients souffrant de schizophrénie, comme vu précédemment. Il est intéressant de constater que ces patients présentent plus de facteurs de risque que la population générale alors qu’ils sont censés bénéficier des mêmes politiques de prévention que le reste de la population. Cela suggère donc que les politiques de prévention actuelles ne seraient pas adaptées aux patients pris en charge en santé mentale.

Il n’existe actuellement aucune recommandation pour un dépistage adapté des pathologies cancéreuses chez les patients souffrant de schizophrénie. Nous nous demandons alors si les professionnels de santé mentale jouent un rôle dans le dépistage des cancers chez leurs patients.

Dans un article publié en 2011 dans l’Information psychiatrique, Thierry Danel et son équipe se sont intéressés à l’implication du dispositif de soins psychiatriques dans la santé physique des personnes souffrant de schizophrénie (44). Pour ce faire, ils se sont appuyés sur la documentation somatique des dossiers de patients hospitalisés en psychiatrie et atteints de schizophrénie. Cette étude a été menée dans 31 établissements de soins du Nord-Pas-de- Calais, par la Fédération régionale de recherche en santé mentale. Elle reposait sur l’organisation d’une consultation visant à repérer si la santé somatique était documentée dans les dossiers des patients souffrant de schizophrénie. Pour la réaliser, un groupe de travail composé de cadres de santé et d’usagers du dispositif de santé mentale avait élaboré une grille de recueil de données concernant la santé physique des patients souffrant de schizophrénie. L’objectif était de repérer, à partir de cette grille, dans les dix derniers dossiers d’hospitalisation des services audités, si la santé physique des patients était documentée. Ce questionnaire portait sur les données générales de prise en compte de l’aspect somatique de la santé, le repérage de facteurs de risque cardiovasculaires, la surveillance des traitements psychotropes, le repérage des cancers et la prise en compte des comorbidités addictives. Dix- huit établissements ont participé à cet audit croisé inter-hospitalier en 2009, audit incluant 171 femmes et 294 hommes dont 46% avaient moins de 40 ans. Parmi les services audités, 82,2% bénéficiaient de la présence d’un médecin somaticien. Les résultats d’un examen clinique somatique étaient consignés dans 72,7% des dossiers avec un bilan biologique présent dans 63,3% d’entre eux.

En ce qui concerne les pathologies cancéreuses, pour les 171 dossiers concernant des femmes, quel que soit l’âge, le repérage du cancer du col de l’utérus manquait dans 82,5% des dossiers et les antécédents familiaux de cancers du sein manquaient dans 89,5% des cas. Le dépistage du cancer du sein chez les 51 femmes âgées de plus de 50 ans n’apparaissait pas dans 74,5% des dossiers. Pour les 60 dossiers d’hommes âgés de plus de 50 ans, le dépistage du cancer de la prostate manquait dans 73,3% des dossiers. Pour 97% des dossiers des 382 patients fumeurs, aucun repérage de pathologies cancéreuses telles que le cancer du poumon et les cancers des voies aérodigestives n’était répertorié. Enfin, en ce qui concerne le cancer colorectal, les antécédents familiaux n’étaient pas documentés dans 94% des 465 dossiers et le repérage des patients de plus de 50 ans n’était pas mentionné dans 93,7% des cas. Pour ce

qui est de l’évaluation des habitudes de consommation, les conduites d’alcoolisation étaient mentionnées dans 25% des cas, une aide spécifique était proposée dans 20% des cas et les outils standardisés d’évaluation étaient employés dans 3,4% des cas (AUDIT et CAGE/DETA, Annexes 1 et 2). L’existence d’un tabagisme actif était recherchée dans 49% des cas avec une évaluation à l’aide d’outils standardisé dans 5,3% des cas (échelle de Fagerström, Annexe 3) et une aide était proposée au patient dans 37,3% des cas. Pour le cannabis, une évaluation était faite dans 22% des cas à l’aide d’outils standardisés d’évaluation dans 2,9% des cas (CAGE, Annexe 4) et une aide était proposée dans 25% des cas. Enfin, en ce qui concerne les habitudes alimentaires, 30% des dossiers contenaient une évaluation à l’aide d’outils standardisés dans 25% des cas et une aide était proposée dans 60% des cas. Ainsi, les auteurs concluaient à une insuffisance des dépistages des facteurs de risque de pathologies cardiovasculaires et cancéreuses et, également, à des manquements dans le dépistage des pathologies cancéreuses.

Si l’on peut invoquer la faible implication des patients souffrant de schizophrénie dans leur santé physique, il faut garder à l’esprit qu’ils présentent fréquemment des troubles cognitifs à l’origine de difficultés à initier, programmer et conduire les démarches de santé et notamment les dépistages recommandés. Les auteurs rappellent donc le rôle primordial des professionnels de santé mentale dans le dépistage et la prévention des pathologies somatiques et notamment cancéreuses. Enfin, ils insistent sur l’importance capitale d’une meilleure articulation entre psychiatres et somaticiens, et ce, dans l’intérêt des patients.