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5.1. Notion de schizophrénie résistante

M. N. souffre d’une schizophrénie résistante, définie par l’absence de bénéfice thérapeutique après deux séquences de traitement antipsychotique à posologie et durée suffisantes (au moins 6 semaines), selon le guide des affections longue durée portant sur la schizophrénie édité par la Haute Autorité de Santé (HAS) en juin 2007 (73). En effet, si les épisodes de recrudescence des idées délirantes s’intègrent le plus souvent dans un contexte de rupture thérapeutique, on constate que M. N., à deux reprises au cours de l’année 2000, présente une recrudescence des idées délirantes ayant nécessité une hospitalisation sans que l’on ait constaté de rupture thérapeutique, le patient étant traité par antipsychotique retard type halopéridol décanoas et se rendant au CMP pour y faire ses injections. De plus, au cours de ces deux hospitalisations il n’est pas mentionné de conduite addictive, d’interactions médicamenteuses ou de pathologie organique pouvant expliquer la recrudescence de la symptomatologie psychotique.

Par ailleurs, en 2001, le traitement par halopéridol décanoas à raison de 4 ampoules toutes les 3 semaines s’avère inefficace ce qui conduit l’équipe médicale à introduire un traitement par clozapine. Ce traitement, interrompu à plusieurs reprises par le patient est abandonné en 2004 au profit d’un traitement neuroleptique retard par halopéridol décanoas. En 2007, devant l’inefficacité du traitement par halopéridol décanoas seul à posologie et durée efficaces, une bithérapie antipsychotique est donc proposée au patient associant de l’halopéridol décanoas et de la clozapine. Est à noter également que les nombreuses ruptures

thérapeutiques de M. N. sont probablement en lien avec une efficacité relative des antipsychotiques en monothérapie. En effet, on peut présupposer qu’un traitement efficace sur les symptômes psychotiques est en faveur d’une observance thérapeutique et ce d’autant plus que le patient présentera régulièrement des idées délirantes de persécution avec, comme persécuteurs désignés, les soignants.

M. N. est donc un patient souffrant d’une schizophrénie résistante et atteint d’une tumeur de la glande lacrymale droite. Au cours de l’évolution de la pathologie somatique, on observera un amendement de la symptomatologie psychotique et ce, en l’absence de modification thérapeutique concernant les traitements antipsychotiques.

5.2. Symptômes psychotiques et maladie somatique

5.2.1. Aspect historique

Hippocrate (74) remarquait que, chez le maniaque, si des hémorroïdes apparaissaient, elles supprimaient la manie qu’il définissait comme un « délire inquiet ». Plus tard, Galien décrivit une maladie mentale guérie par une fièvre quarte. Pinel, quant à lui, observera le rétablissement d’un aliéné par la survenue, puis la guérison, d’un abcès de la parotide. Esquirol (75) rapportera le cas d’un étudiant en chirurgie souffrant d’une manie et présentant un amendement de la symptomatologie suite à l’apparition d’une fièvre. En 1917, Wagner Jauregg (76), inoculant le paludisme à des paralytiques généraux, observait une réduction des troubles psychiatriques chez ces patients. En 1933, Sakel (77) développe ce qui est considéré comme le premier traitement biologique de la psychose à savoir la cure de Sakel ou « choc humide », consistant à provoquer un coma hypoglycémique par administration d’insuline, coma, qui, selon l’hypothèse de Sakel, permettrait la régénérescence des cellules dysfonctionnelles à l’origine des états psychotiques. En 1935, Von Meduna (77) , pratiquait des injections de camphre, induisant alors des crises d’épilepsie chez des patients schizophrènes, afin de réduire les symptômes psychotiques. Ces pratiques, rendues obsolètes par l’avènement des traitements antipsychotiques, reposaient sur l’hypothèse qu’une modification de l’état somatique d’un patient peut avoir un impact positif sur les symptômes psychiatriques qu’il présente. Freud lui-même (78), dans Au-delà du principe du plaisir, écrira : « C’est également un fait connu, mais qui n’a pas été suffisamment utilisé par la

mélancolie, par exemple, disparaissent momentanément par suite d’une affection organique intercurrente, et que même une démence précoce, à sa phase la plus avancée, peut, dans les mêmes conditions, subir une régression momentanée ». Freud suggère par la formule « c’est également un fait connu », le caractère empirique de ces constatations. On peut alors se

demander ce qu’il en est actuellement des hypothèses de l’impact des pathologies somatiques sur les symptômes psychiatriques.

5.2.2. Constatations cliniques actuelles

Dans la littérature actuelle, on retrouve quelques observations cliniques concernant l’évolution de la symptomatologie psychiatrique chez des patients atteints de pathologies somatiques. Les auteurs rapportent à la fois des cas d’exacerbation de la pathologie psychiatrique et des cas de résolution des symptômes psychiatriques lors de l’apparition d’une maladie somatique. Par exemple Blanquer et Veyrat (79) rapportent, dans « Le corps malade

du psychotique », la résolution d’un épisode maniaque avec caractéristiques psychotiques lors

de l’apparition d’une pneumopathie, et ce chez deux patients. A contrario, Reich et Gaudron (45) dans un article sur les caractéristiques et la prise en charge du patient psychotique en cancérologie publié dans le Bulletin du Cancer en février 2009, préconisent une adaptation des traitements antipsychotiques chez des patients souffrant de schizophrénie et atteints de cancer en prévision d’une aggravation de la symptomatologie psychotique du fait de l’apparition de la pathologie cancéreuse, pourvoyeuse d’idées délirantes. Cependant ils précisent également que « la maladie somatique comme le cancer peut, parfois chez le

psychotique, intervenir comme « ambassadeur de la réalité », selon l’expression du psychanalyste Racamier, et l’aider à se restructurer ».

On ne retrouve actuellement pas d’hypothèse neurophysiologique permettant d’expliquer les modifications des symptômes psychiatriques au décours des pathologies somatiques, et ce, en l’absence de modification thérapeutique concernant les traitements de la pathologie psychiatrique. Il est seulement probable que les désordres somatiques peuvent avoir une incidence sur la symptomatologie psychiatrique, que ce soit dans le sens d’une amélioration ou d’une aggravation des symptômes.