Chapitre 5 : Les laits particuliers
1. Prévention et prise en charge des allergies
1.1. La place des laits infantiles dans la prise en charge des allergies:
La prévalence des manifestations allergiques a doublé dans la seconde moitié du vingtième siècle dans les pays riches.
Plusieurs facteurs influencent la survenue des allergies dans la petite enfance. En dehors des risques génétiques bien connus, de nombreuses hypothèses concernant l’hygiène, l’alimentation maternelle, l’exposition à la fumée de cigarette et d’autres facteurs
environnementaux - exposition précoce aux antibiotiques, à certains aliments- sont évoqués.[13]
L’allergie est définie par une réaction d’hypersensibilité initiée par des mécanismes immunitaires spécifiques, avec une hypersensibilité qui se définit comme causant des
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symptômes reproductibles ou des signes initiés par une exposition à un stimulus à une dose tolérée par une personne « normale ».
1.1.1. Qu’est ce qu’un enfant à risque ?
Les allergies chez le nouveau-né se manifestent le plus souvent sous forme de dermatite atopique, de troubles digestifs et de pathologies ORL (asthme, rhinites à répétition).[102]
On parle d’enfant à risque si au moins un des deux parents a des symptômes allergiques avérés ou/et si un des enfants de la fratrie a des symptômes allergiques type eczéma ou asthme. Les critères d’évaluation sont assez subjectifs et lorsqu’il existe une allergie avérée aux protéines de lait de vache, on recommande l’utilisation d’hydrolysats poussés.
1.1.2. Recommandations concernant la prévention des allergies chez l’enfant
Pour tous les enfants :
• Allaitement exclusif au moins les 4 premiers mois de vie • Poursuite de l’allaitement jusqu’à 6 mois de vie
• Eviter l’exposition à la cigarette aussi bien pendant qu’après la naissance • Diversification entre 4 et 6 mois de vie
Pour les enfants à risque élevé (historique familiale positif):
• Il est recommandé d’utiliser des formules à base de protéines hydrolysées jusqu’à l’âge de 4 mois chez les enfants n’étant pas allaités
• Les formules d’hydrolysats partiels de protéines sont préférables aux hydrolysats poussés.
• Les parents doivent être conscients des effets limités de ces mesures [13].
Des études récentes montrent que l’introduction tardive après 6 mois des aliments n’a pas d’effets sur l’incidence des allergies et qu’au contraire une diversification trop tardive pourrait favoriser l’apparition d’intolérances à certains aliments [13].
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1.2. Les laits HypoAllergéniques (HA)
Les laits HA ont subi une hydrolyse partielle de la caséine ou des protéines solubles du lait de vache jusqu’à des peptides qui ne devraient pas dépasser 5000 kDa. Les études
cliniques plaident en faveur d’un effet protecteur de ces préparations chez les nourrissons nés d’une famille à risque allergique avéré (parent ou fratrie souffrant d’allergie avérée) [13].
La charge antigénique des protéines est diminuée par hydrolyse enzymatique plus ou moins poussée de celles-ci. Certains proposent également une diminution, voire l’absence, du taux de caséines.
Une méta-analyse montre qu’un allaitement au sein de 3 mois réduit le risque d’asthme entre 3 et 5 ans et une autre montre une diminution de la dermatite atopique chez l’enfant à risque[13]. En cas de refus ou d’impossibilité d’allaiter, chez les enfants à risque, il est recommandé d’utiliser un lait HA.
1.3. Aliments adaptés au nourrisson souffrant d’APLV
Lorsqu’une APLV (allergie aux protéines de lait de vache) se manifeste, les préparations infantiles contenant des protéines de lait de vache entières ou partiellement hydrolysées ne peuvent plus être utilisées. On choisit alors une préparation à base de
protéines ayant subie une hydrolyse poussée (plus poussée que pour les laits HA). Ces laits
doivent faire l’objet d’études établissant leur adéquation avec l’alimentation particulière du nourrisson, ainsi que leur « absence » de réaction allergique chez les bébés nourris avec. Les teneurs minimales et maximales en protéines sont les mêmes que pour les autres laits, à savoir 1,8 et 3,0 g/100kcal. Afin d’améliorer la tolérance digestive, ces laits sont souvent
supplémentés en prébiotiques, et la teneur en lactose est diminuée.
A noter que l’efficacité de ces hydrolysats poussés dans la prévention des allergies à été évaluée versus lait HA[103,104,105], mais les résultats sont peu probants et requièrent d’autres investigations.
On trouve également des préparations à base d’acides aminés qui revendiquent le fait d’être adaptées aux « besoins en cas d’allergie sévère aux protéines de lait de
vache[106,107] », ainsi qu’en cas d’« intolérances alimentaires multiples[108] ». Ce type de formule a été proposé dès le milieu des années 90, et doit systématiquement faire l’objet
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d’études prouvant son adéquation avec l’alimentation particulière du nourrisson et sa sécurité d’emploi vis-à-vis de l’APLV avant d’être commercialisé [109]. L’Afssa pointe cependant du doigt l’allégation accordée à ces laits, les termes « allergies sévères » et « intolérances
alimentaires multiples » n’étant pas adaptés. En effet, le qualificatif « sévère » est adjoint aux allergies présentant des symptômes très marqués (manifestations anaphylactiques,
entéropathie sévère, retard de croissance, carence martiale), alors que dans ce cas précis, le terme « sévère » désigne les allergies résistantes aux hydrolysats poussés de protéines. Par ailleurs, « intolérances alimentaires multiples » est jugé trop vague. Il serait donc nécessaire de modifier cette allégation, chose qui n’a pas été faite.
1.4. Place des préparations à base de protéines de soja
Ces préparations ont été utilisées dès le début du 20è siècle aux Etats-Unis comme substitut du lait de vache, et leur consommation y a considérablement augmenté en 100 ans : en 2003, ils représentent environ 25% des laits infantiles consommés, contre 2,1% en
France.[110]
Ces préparations contiennent en quantité importante des phyto-oestrogènes
(isoflavones de soja) dont les effets à long terme restent incertains. Chez l’animal, ils ont des effets délétères sur le développement des organes sexuels et sur la fertilité[110]. La prudence est donc de rigueur vis-à-vis de ces produits, dont la place est de plus en plus restreinte dans l’alimentation des nourrissons : actuellement, ils ne sont plus utilisés que dans le cas de régimes végétaliens.
L’Afssa a formulé en mars 2005 la recommandation de diminuer le taux d’isoflavones dans les préparations à base de soja[111], mais aucun produit ne répond actuellement à ce critère pour des raisons économiques.
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