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Modificateurs de la flore intestinale

Chapitre 5 : Les laits particuliers

4. Modificateurs de la flore intestinale

La directive 2006/141/CE autorise l’ajout de prébiotiques. Cette notion, introduite en 1995 par Gibson et Roberfroid, désigne toute « substance non-digestible qui induit un effet physiologique bénéfique à l’hôte en stimulant de façon spécifique la croissance et/ou l’activité d’un nombre limité de populations bactériennes déjà établies dans le côlon »[112]. Il est

important de différencier les prébiotiques des probiotiques, qui sont quant à eux des micro- organismes vivants qui, lorsqu’ils sont administrés en quantités adéquates, produisent un bénéfice pour la santé de l’hôte. La définition officielle des probiotiques ne tient pas compte de la survie de ces micro-organismes après leur ingestion, mais la FAO/OMS[112] recommande que seuls ceux qui survivent jusque dans le côlon soient considérés comme probiotiques.

4.1. Prébiotiques et nutrition infantile

Les prébiotiques ont suscité beaucoup d’intérêts du fait de leur grand nombre de propriétés physiologiques, dont certaines n’ont pas encore été clairement démontrées chez le nourrisson. La principale activité des prébiotiques chez le nourrisson est de modifier sa flore intestinale. La colonisation du tube digestif se fait en trois étapes : quelques jours après la naissance, le tube digestif est colonisé par des bactéries dépendant du mode d’accouchement (flores fécale, vaginale et buccale de la mère), ainsi que par l’environnement (flore véhiculée par le personnel soignant)[113]. Puis, au bout du premier mois, de nettes différences sont constatées entre la flore des enfants allaités au sein et ceux nourris au lait infatile. La flore des premiers est essentiellement constituée de bifidobactéries, et est très peu diversifiée. La flore des seconds contient en plus grandes proportions les genres Bacteroides, Clostridiae et des entérobactéries, et est plus hétérogènes[114]. Enfin, la dernière étape se situe autour de la diversification alimentaire, entre 4 et 6 mois. La flore se diversifie chez les enfants nourris au

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sein, puis se stabilise. Les différences très marquées à 1 mois entre ces deux populations de nourrissons sont très atténuées à partir de la diversification.

Les prébiotiques ont été remarqués pour favoriser la croissance d’une population à forte prédominance de bifidobactéries, reproduisant chez les enfants nourris au biberon et recevant des prébiotiques une flore intestinale plus proche de celle des enfants allaités que celle des enfants non-supplémentés [115]. De cette modification de la flore vont découler un certain nombre de propriétés bénéfiques à la santé de l’enfant.

4.1.1. Fermentation colique

Les bactéries du tube digestif, par le phénomène de fermentation colique, vont produire des Acides Gras à Chaines Courtes (AGCC) : les acides acétique, butyrique, propionique et lactique, qui sont par la suite utilisées par le colonocyte comme sources d’énergie. Une modification du profil bactérien de la flore induit donc une modification des proportions dans lesquelles sont sécrétés ces AGCC, causant une variation du pH colique et du pH des selles [116,117]. En effet, alors que les enfants allaités se voient munis d’une proportion importante d’acide lactique et d’acide acétique induisant un pH colique bas, les enfants nourris au biberon ont une proportion d’acides butyrique et propionique augmentée, contrairement à celle d’acide lactique qui chute fortement. Leur pH colique sera donc plus élevé, proche de la neutralité, ce qui pourrait favoriser le développement de certains agents pathogènes.

Des études ont été menées quant à l’impact des prébiotiques sur le profil en AGCC et sur les caractéristiques des selles (consistance, couleur, pH, fréquence). Les résultats sont probants : chez les enfants nourris avec une préparation enrichie en prébiotiques le nombre de selles par jour et l’aspect de celles-ci se rapprochent fortement de ceux des enfants allaités. De même, le profil en AGCC est plus proche de celui des enfants allaités lorsqu’il y a une

supplémentation en prébiotiques que lorsque le nourrisson est nourri avec une préparation classique [115,118,119].

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4.1.2. Autres propriétés accordées aux prébiotiques

Des études chez l’adulte rapportent une augmentation de l’absorption du calcium et du magnésium[120], une diminution de l’incidence de certaines infections[121] et une prévention des allergies de type dermite atopique [122] entre autres. Cependant, les données relatives aux nourrissons restent très limitées et demandent des investigations plus poussées pour prouver un réel intérêt dans ces domaines.

4.1.3. Réglementation

En pratique, seuls les prébiotiques peuvent être ajoutés dans les PPN, sous formes d’oligosaccharides avec une teneur maximale et des proportions bien définies. Actuellement, seuls les mélanges de Fructo-OligoSaccharides (FOS) et de Galacto-OligoSaccharides (GOS) sont autorisés, la teneur totale en oligosaccharides ne devant pas dépasser 0,8 g/100mL, et avec un rapport GOS/FOS de 9:1, ces chiffres étant les seuls à ce jour à avoir prouvé leur intérêt et leur innocuité chez le nourrissons [115]. Une étude a également été menée sur un mélange de GOS, de Poludextrose et de Lactulose, mais les données sur la tolérance appellent à la prudence quant aux risques d’intolérance avec ce mélange prébiotique[119].

4.2. Probiotiques et nutrition infantile

Actuellement, l’ajout de probiotiques à des PPN n’est pas autorisé. Cependant, en regard des propriétés qui leurs sont accordées (sur la base d’études rigoureuses ou non), des investigations plus poussées sont en cours.

Les probiotiques sont des micro-organismes ingérés vivants. Cela nécessite donc qu’ils n’aient aucun caractère pathogène, afin d’éviter tout risque d’infection. Ces micro- organismes, une fois arrivés vivants dans le tube digestifs, doivent être capables de s’y implanter et de modifier ainsi le profil de la flore bactérienne déjà présente.

Plusieurs mécanismes d’action seraient imbriqués pour expliquer les effets de ces probiotiques, notamment :

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- une augmentation de la digestibilité du lactose : certaines souches bactériennes permettraient de « prédigérer » le lactose, réduisant ainsi les symptômes de l’intolérance à ce glucide[123]. Cependant, aucun effet bénéfique n’a été démontré à ce niveau chez l’enfant sain en bonne santé.

- des actions sur la muqueuse intestinale : une stimulation des gènes des mucines, constituants du mucus intestinal qui tapisse les parois de l’intestin, a été observée in vitro [124], empêchant ainsi certains pathogènes de s’y accrocher. Aucune preuve n’a cependant été fournie quant à cette action chez le nourrisson.

- une diminution de la translocation de certains pathogènes du compartiment intestinale vers les nodules lymphatiques du mésentères a également été observée chez des souris[125], mais aucun résultat similaire n’a été fourni chez le nourrisson.

- un impact sur la maturation du système immunitaire [126], mais d’autres études sont nécessaires pour déterminer les effets réels et l’impact clinique à ce niveau.

Des chercheurs finlandais se sont également penchés sur le problème des allergies. Au travers de deux études, ils ont démontré qu’une administration de Lactobacillus GG chez des enfants allergiques au lait de vache réduisait les symptômes cutanés[127,128]. Deux autres études de la même équipe ont également montré que l’administration de cette même souche chez des enfants à risque d’allergie ou chez leurs mères réduisait significativement l’incidence de l’atopie[129,130]. Cependant, lorsqu’une allergie apparaissait, celle-ci n’était pas amoindrie comme c’était le cas dans leurs deux premières études. Ces travaux ont été sujets à

controverses, et d’autres équipes doivent mener des recherches dans cette direction pour pouvoir confirmer ou infirmer les hypothèses émises par les finlandais.

4.3. Innocuité et sécurité d’emploi des modificateurs de la flore intestinale

chez le nourrisson

Aucun cas d’allergie n’a été rapporté à ce jour lors de l’administration de pré- ou de probiotiques. Il est néanmoins important de fixer des critères de pureté des oligosaccharides ajoutés aux PPN, afin d’assurer l’absence d’éventuelles protéines allergènes.

Le problème des résistances aux antibiotiques a également été soulevé. Il est donc important de s’assurer de l’absence de gènes de résistance aux antibiotiques chez les souches

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utilisées comme probiotiques, notamment sur les éléments mobiles et transférables tels que les plasmides bactériens.

Les souches utilisées en tant que probiotiques doivent bien entendu être exemptes de toute pathogénicité pour le nourrisson.

Les prébiotiques étant de grandes molécules qui restent dans le tube digestif, elles possèdent un potentiel attractif sur l’eau des tissus vers la lumière de l’intestin. Des doses trop élevées pourraient donc être à l’origine de diarrhées osmotiques. L’innocuité des doses

employées doit donc être prouvée par des études appropriées.

4.4. Conclusion

Les données actuellement disponibles quant à l’administration de prébiotiques ou de probiotiques chez le nourrisson sont encore trop parcellaires pour mettre en évidence un réel intérêt chez cette population. Les années à venir seront probablement riches en travaux effectués sur le sujet, tendront à infirmer ou confirmer certaines des hypothèses émises suite aux études déjà réalisées.

La prudence reste donc de mise, et le bénéfice d’une supplémentation en prébiotiques chez un nourrisson en bonne santé doit systématiquement être comparé aux effets indésirables potentiels.

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